L’Université, les STAPS, l’Education Physique et Sportive

Attractivité des concours : Les vocations se construisent dès l’entrée à l’université

Nous avons tous été interpelés par la forte baisse du nombre de candidats au CAPEPS 2022. De 2021 à 2022, alors que le nombre de postes ouverts au concours passe de 670 à 680, le nombre d’inscrits chute de 5545 à 3391 (-38.8%), et le nombre de présents aux deux écrits de 4579 à 2704 (-40.9%). Nous avons été nombreux à y voir les conséquences de la réforme Blanquer, repoussant les concours en seconde année de master, et aussi du profbashing insistant qui a caractérisé cette période.

Sans pour autant renier mes critiques sur la récente réforme des concours (Delignières, 2022), il m’a semblé nécessaire d’aller un peu plus loin dans l’analyse, en tentant d’étudier sur le long terme les évolutions conjointes du nombre de postes et de l’attractivité du concours.

Je suis parti des données disponibles sur le site de la Direction de l’Évaluation, de la Prospective, et de la Performance (https://archives-statistiques-depp.education.gouv.fr/). Je me suis intéressé à l’évolution du nombre de postes ouverts au concours et du nombre de candidats présents aux deux écrits, de 2004 à 2022. J’aurais pu travailler également sur le nombre d’inscrits, mais la corrélation entre inscrits et présents étant cependant de 0.996, on peut supposer que les résultats auraient été identiques. La figure suivante rend compte de l’évolution des deux variables. L’« accident » de 2022 est clairement visible à l’extrême droite du graphique.

Figure 1

A première vue, ces deux variables semblent assez indépendantes, menant chacune leur vie en ignorant l’autre. J’ai tenté d’appliquer à ces données une analyse de crosscorrélation, consistant à calculer dans un premier temps la corrélation entre les deux séries (N/N). Le résultat indique alors l’effet du nombre de postes sur le nombre de présents la même année. Puis on recule d’une année la variable « postes au concours », et on calcule à nouveau la corrélation entre les deux variables (N/N-1). Le résultat indique alors l’effet du nombre de postes ouverts au concours sur le nombre de présents l’année suivante. L’analyse a été répétée jusqu’à N/N-5, les résultats sont indiqués dans le tableau suivant :

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Ces résultats relèvent en effet qu’il n’y a que peu de liens entre le nombre de postes ouverts au concours et le nombre de candidats présents la même année, avec une corrélation de 0.11. La corrélation augmente progressivement jusqu’à atteindre un maximum à N/N-3 (0.83) et surtout N/N-4 (0.87), et tend à diminuer si l’on analyse des décalages plus importants. En d’autres termes, le nombre de postes n’affecte de manière significative l’attractivité du concours qu’entre 3 et 4 années plus tard.

La figure suivante illustre cette analyse au décalage N/N-4. L’évolution conjointe des deux variables semble évidente. Chaque « événement » affectant la série des postes au concours ressurgit quatre ans après dans celle des candidats. Dans cette logique, l’« accident » de 2022 peut être interprété avant tout comme la conséquence de la baisse du nombre de postes intervenue 4 années plus tôt (800 postes en 2018, 630 en 2019, voir figure précédente).

Figure 2

Quels enseignements tirer de ces résultats ? Trois ou quatre ans avant de passer le concours, les étudiants font leur entrée à l’université. On peut supposer dès lors que l’annonce du nombre de postes ouverts au concours, son évolution par rapport aux années précédentes, vont conforter leur projet professionnel, leur orientation vers la Licence Éducation et Motricité, leurs efforts pour intégrer le master MEEF, leur persistance dans la préparation au concours. Cette information va permettre de faire émerger une motivation, un projet, qui devront évidemment être soutenus et entretenus par les équipes pédagogiques des UFR STAPS et des INSPE.

Il serait intéressant de voir si ces résultats sont spécifiques au CAPEPS ou se retrouvent dans les autres disciplines, où l’on sait que les trajectoires des étudiants sont souvent moins linéaires qu’en STAPS. On peut le supposer, si l’on en croit une étude de la DEPP parue en 2014, qui en commentaire du diagramme ci-dessous, établi sur l’ensemble des concours de recrutement, concluait que « le nombre de candidats s’adapte avec trois à quatre années de retard à l’évolution du nombre de postes » (Direction de l’Évaluation, de la Prospective, et de la Performance, 2014). Une formulation par ailleurs un peu trop descriptive : je préfèrerais dire que le nombre de postes permet de générer des vocations, qu’il faudrait avoir la sagesse d’exploiter 3 ou 4 ans plus tard, afin d’offrir à l’École des enseignants de qualité.

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Ces résultats devraient alerter l’exécutif sur les effets délétères, à long terme, des évolutions brutales de l’offre de postes. On se souvient en EPS des baisses intervenues notamment en 2004 (de 1330 à 780 postes) et en 2006 (de 800 à 400 postes). Des décisions souvent fondées sur des idéologies libérales (réduction des dépenses publiques), qui peuvent sur le moment séduire certaines franges de l’électorat, mais qui sur un terme plus long sapent le vivier des candidats aux métiers de l’enseignement.

Références

Delignières, D. (2022). Un premier bilan des masters MEEF, suite à la réforme Blanquer. Site personnel, le 11 juillet 2022.

Direction de l’Évaluation, de la Prospective, et de la Performance (2014). L’attractivité des concours de recrutement des enseignants du second degré public : une étude rétrospective. Note d’information n°14, Juin 2014.

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