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Message à mes étudiants, qui veulent devenir enseignants

Lundi matin, trois jours après l’attentat qui a frappé Samuel Paty, je vais retrouver mes étudiants, qui se préparent assidûment au concours qui leur permettra de devenir enseignants d’EPS. J’imagine leur désarroi, les questions qu’ils doivent se poser, qui doivent aussi inquiéter leurs proches et leurs familles.

Je leur dirai sans doute que Samuel Paty n’est pas mort parce qu’il a exagéré, parce qu’il a joué avec le feu. Il a fait son travail d’enseignant, il est resté debout face aux exigences de son métier, il n’a pas évité les questions qui fâchent. Il a fait son travail, sans concession, mais avec retenue et bienveillance.

Nous parlerons des récupérations nauséabondes, populistes et islamophobes, qui surgissent chez certains éditorialistes et responsables politiques d’extrême droite, et qui ne font qu’exploiter l’émoi collectif pour promouvoir leurs propres délires identitaires.

Nous parlerons évidemment de la laïcité, qui ne saurait se résoudre dans le cadre scolaire à l’interdiction des signes extérieurs de croyance, ou à la neutralité des discours. Il s’agit plutôt de construire activement une indifférence aux différences, et notamment aux croyances religieuses. Ceci ne peut se résumer à des dispositions réglementaires ou à des discours raisonnables de morale républicaine, mais suppose un enseignement construit, un accompagnement bienveillant, mais aussi une posture intransigeante.

Je leur parlerai des missions de l’École, qui ne peuvent se limiter à l’enseignement des savoirs disciplinaires, neutres et rationnels, mais qui doivent envisager de préparer les élèves à comprendre la complexité des situations humaines et de la société dans laquelle ils vivent, et à s’y investir de manière positive. Pas uniquement parce que c’est suggéré par le Socle Commun de 2015, mais parce que les enseignants doivent être persuadés, au cœur de leur vocation, que c’est à ce niveau que doit se situer leur engagement.

Nous parlerons des « éducations à… »  (à la citoyenneté, à la santé, etc…), souvent fustigées car elles ressortent davantage du débat d’opinions que de la certitude des savoirs disciplinaires constitués, et qu’elles sont étrangères à la professionnalité des enseignants. Il s’agit d’un débat essentiel, qui doit interroger fortement l’École, sa structuration traditionnelle, et la manière dont elle forme et recrute ses personnels. La formation citoyenne ne saurait se limiter à « l’Enseignement Moral et Civique », et ne peser que sur les enseignants qui acceptent de l’assurer. C’est le problème de tous les enseignants, de toutes les disciplines, et plus largement de l’ensemble de la communauté éducative.

Nous parlerons évidemment plus spécifiquement de l’Éducation Physique et Sportive, particulièrement touchée par ces problématiques (refus de pratiquer certaines activités, problèmes liés à la tenue sportive, …). Je leur rappellerai sans doute l’importance de leur discipline, pour l’exercice du travail collectif, de la solidarité, du respect de l’autre. J’évoquerai les arguments qui considéraient que mettre l’EPS au service de la formation citoyenne constituait une régression sans précédent pour cette discipline. Je leur dirai sans doute que la formation de la personne et du citoyen ne saurait se limiter à l’exercice docile de « rôles sociaux », déconnectés de tout enjeu significatif. Je leur dirai sans doute aussi que limiter leurs missions au « développement des ressources » ou à l’enrichissement des « conduites motrices » me parait une posture singulièrement hors sol face aux enjeux sociétaux actuels.

Je ne sais pas si nous aborderons tout cela, car ces thématiques nous occupent déjà régulièrement durant nos séquences de travail. J’essaierai surtout de les rassurer, de leur dire qu’ils doivent être fiers du métier auxquels ils se destinent, et de continuer à s’y préparer avec ardeur, même s’ils ignorent encore combien de postes seront ouverts au recrutement cette année.

Le 13 novembre et après : Apprendre à penser la complexité du monde

Bien sûr. Compassion pour les victimes, révolte contre la barbarie. C’est la jeunesse que l’on a fauchée. C’est l’insouciance, la culture, la convivialité, une certaine image du bonheur que l’on a crucifiées.

On peut comprendre les sentiments qui émergent. L’horreur, l’effroi, et bientôt l’envie de vengeance. Le pays entre en guerre contre un ennemi diffus, insaisissable. Comme l’ont fait en leur temps les Etats Unis contre l’Irak, avec les conséquences que l’on sait. Il s’agit d’une réaction logique, attendue même, espérée sans doute d’une large frange de l’électorat. Et avec les échéances qui s’annoncent, il s’agit de sirènes qu’on écoutera volontiers. (suite…)

La déroute de la pensée

Certains événements récents ont tristement illustré une véritable déroute de la pensée chez nos élites médiatiques et politiques. Incapacité à dépasser l’émotion de l’immédiat, à penser les événements en relation avec leur histoire ou leur contexte, à conserver une ligne réflexive guidée par un système consistant de valeurs. On ne cherche plus à convaincre et à construire, mais à séduire, momentanément.

Que ce soit pour les politiques, capables de défendre une idée opposée à celle qu’ils affichaient deux jours avant, à cause de tel nouvel événement ou tel sondage utilement exploité, les médias pour qui les migrants du vendredi deviennent des réfugiés le lundi suivant, une idée chasse l’autre dans un flux incontrôlé et dérisoire. Par paresse, par défi ou par simple médiocrité, on se réfugie dans la première opinion qui vient à l’esprit, sans aucun recul réflexif. (suite…)