L’objectif de la mastérisation était de confier la formation des enseignants à l’université, et de lui donner une dimension universitaire. Le positionnement des concours de recrutement en fin de master change complètement la donne[1]. Comme nous le disions dans un billet précédent, les deux années de master MEEF vont devenir une (longue) préparation au concours, et la formation au métier d’enseignant va être repoussée à l’année de stagiairisation, après l’obtention du master. C’est donc la fin de la formation des enseignants à l’université qui se profile.
J’entends bien sûr ceux qui disent que la préparation aux concours peut aussi contribuer à la préparation au métier. Evidemment. Si ce n’est que les étudiants eux-mêmes affirment sans ambiguïté que ce n’est qu’à partir du moment où ils ont réellement pu prendre des élèves en responsabilité que leur formation professionnelle a réellement commencé.
J’entends aussi ceux qui affirment qu’il est possible de proposer un concours différent, plus « professionnalisant ». Je suis surpris que le SNEP, qui était favorable au déplacement du concours en fin de master mais qui pensait que cela nécessitait d’en modifier les modalités, propose en fait de laisser le concours en l’état, limitant les critiques aux « choix dans les programmes, les sujets, les attendus qui orientent les épreuves ».
Mais si l’on quitte les argumentaires de cabinet ou les harangues de tribune, et lorsque l’on questionne les étudiants, on se rend vite compte que tant qu’ils n’ont pas obtenu le concours, ils sont incapables de se mobiliser pour autre chose que pour la préparation aux épreuves de sélection, et au formatage intellectuel qu’ils supposent nécessaire à la réussite. Exit donc la formation professionnelle, mais aussi le recul réflexif que pouvaient permettre l’alternance entre l’établissement scolaire et l’université et la mise en place d’une véritable démarche de recherche. Tout ceci pourra encore exister sur le papier, mais certainement pas dans les préoccupations des étudiants. J’ai suffisamment développé ces arguments sur ce blog pour ne pas en rajouter (voir notamment ici et ici). Je trouve quand même assez surprenant que des gens qui sont eux-mêmes enseignants, qui sont capables de faire des prêches assez convaincants sur la pédagogie du sens, ne puissent concevoir qu’une formation n’ait pas le même sens pour les étudiants, selon que l’on se situe en aval ou en amont du concours…
Evidemment, le recul du concours va permettre à l’Education Nationale de belles économies budgétaires en repoussant d’un an la stagiairisation. C’était sans doute l’argument décisif. En revanche on peut s’attendre avec un concours si tardif à une nouvelle raréfaction des candidats. On ne peut pas tout avoir…
Mais avant tout placer le concours en fin de master 2, c’est clairement dessaisir l’université de la formation des enseignants et redonner la main aux rectorats et aux inspections pédagogiques régionales. (suite…)