A l’heure de l’internationalisation, pas celle des classements, mais celle, véritable, des étudiants, le doctorat miroite comme un étalon or de la recherche et de l’enseignement supérieur. En Italie, en Allemagne, aux Etats-Unis, ce diplôme est auréolé d’un prestige qui traduit la reconnaissance d’une recherche approfondie, tout autant que l’aboutissement d’un parcours. Ailleurs qu’en France, lorsqu’on s’inscrit à un colloque international, on s’y inscrit en tant que M., Mme, ou Dr. ! En France, le doctorat jouit d’une appréciation ambiguë que la réforme du contrat doctoral n’a pas suffit à lever. En effet, ici, les élites sont formés sur les bancs des classes préparatoires, loin de la recherche et sur une trajectoire qui n’a que peu de chance de les voir devenir docteurs, alors que, répétons le, on peut très bien aux Etats-Unis avoir un PhD et être chef d’entreprise. Plus largement, en France, seuls 13 % des chercheurs en entreprise ont un doctorat.
Le doctorat est une charnière, aboutissement d’un parcours et début d’un nouveau. Il a également une position par rapport au savoir qu’il convient de reconnaître car il forge, pour ceux qui s’y collent, un solide esprit critique. En effet, les docteurs côtoient un savoir en train de se faire, un savoir que plus aucune vérité – académique – ne garantit. Et alors que le doctorat se conclut par un rite d’un formalisme redoutable, c’est paradoxalement un affranchissement. Mais le doctorat est victime de l’éclatement du système (organismes de recherche, écoles, classes préparatoires, universités) alors même qu’il est la jouvence académique même. Dans Les universités en France : fonctionnement et enjeux (2012), nous avons ainsi pointé le doctorat comme étant un des « points pivots » (page 258) susceptibles de faire bouleverser le système d’enseignement supérieur et de recherche. En effet, au-delà des micro-réglages de dispositifs, certains éléments nous paraissent avoir le pouvoir de modifier le système dans son ensemble car ils ont un impact fort et des externalités multiples dans diverses dimensions : économique, sociale, environnementale, etc. Sans aucun doute, le doctorat est un de ces points pivots.
Certaines incitations pourront sans doute contribuer à voir sa place confortée dans l’entreprise (comme la proposition n°35 de la commission Schwartz en 2008, de lier le crédit d’impôt recherche à l’embauche de docteurs) ou dans la société (question des grands corps par exemple, etc.). Toutefois, il nous semble que sa place sera définitivement reconnue, non seulement en jouant sur le niveau de sortie lui-même (le doctorat) mais également en réformant le niveau d’entrée, et notamment les classes préparatoires qui, intégrées aux universités, viendraient irriguer une licence repensée et revalorisée. De cette façon, la recherche serait aussi au fondement de la formation des élites, et, finalement, de la formation de tous.
Dr Frédéric Forest
Frédéric Forest est docteur en science politique, sous-directeur au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, il a dirigé Les universités en France : fonctionnement et enjeux publié aux Presses Universitaires de Rouen et du Havre en juin 2012
Info Doctrix
– Fabienne Guimont, La commission Schwartz sur les personnels du supérieur rend ses conclusions, EducPros, 9 juillet 2008
– Rapport de la commission Schwartz (PDF)