Qui veut la peau des docteurs ? Voyage au bout de la jungle des chasseurs de têtes !

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Les doctorants et docteurs sont-ils susceptibles de trouver des emplois dans le secteur privé ? Nous savons que oui. Peuvent-ils passer par des cabinets de recrutement ? Nous savons que oui aussi. Il existe d’ailleurs des cabinets de recrutement spécialisés dans le recrutement des docteurs. Mais les cabinets de recrutement non-spécialisés dans le recrutement des docteurs, qui sont les plus nombreux, participent-ils au recrutement des docteurs ? C’est la question qui a été posée à 30 consultants (il suffit de cliquer sur le nom du consultant pour visionner l’entretien) par Sebastien Poulain pour la réalisation de cet article, publié à l’occasion du 1er mai 2013 et qu’il sera plus agréable de lire ici.

Une synthèse a été réalisée pour le compte de Syntec recrutement en juin 2013. Vous pouvez la lire ici.

Sommaire

Introduction

a) Le terrain de chasse

b) Méthode de chasse

c) Présentation de la chasse

I Le marché de l’emploi du doctorat

a) PME, peut faire mieux !

b) Les anecdotes, mauvaises notes !

c) Les secteurs où il y a moins de pleurs !

d) Le doctorant normal et le « syndrome de la saucisse »

II/ Les conseils pour les doctorants et docteurs

a) Améliorer la formation

b) Expliquer l’atout du temps doctoral

c) Obtenir des expériences extra-universitaires

d) Valoriser ses compétences

e) Montrer son savoir-être

f) Rédiger un double CV

g) Ecrire des lettres d’amour

h) Rechercher l’intime conviction

i) Devenir agent d’assurance

Conclusion ouverte

 

Introduction

Les doctorants et docteurs sont-ils susceptibles de trouver des emplois dans le secteur privé ? Nous savons que oui. Peuvent-ils passer par des cabinets de recrutement ? Nous savons que oui aussi. Il existe d’ailleurs des cabinets de recrutement spécialisés dans le recrutement des docteurs. Mais les cabinets de recrutement non-spécialisés dans le recrutement des docteurs, qui sont les plus nombreux, participent-ils au recrutement des docteurs ? C’est la question qui a été posée à 30 consultants par Sebastien Poulain pour la réalisation de cet article.

a) Le terrain de chasse

Pour contextualiser les choses, il faut dire que les cabinets de recrutement constituent l’une des faces importantes du marché du travail et l’utilisation d’un cabinet de recrutement est un choix stratégique politico-économique et psycho-social pour l’entreprise. Mais les cabinets ne représentent qu’une partie de la totalité du marché car :

– d’une part le travail des cabinets de recrutement concerne majoritairement le secteur privé ;

– d’autre part il existe de nombreuses entreprises qui n’externalisent pas leur recrutement ou ne le font qu’exceptionnellement, parce qu’elles s’estiment compétentes et capables de le faire elles-mêmes (Internet jouant un rôle important dans ce domaine.), ou parce qu’elles n’ont pas les moyens économiques pour financer ce type de recrutement ;

– Enfin ce type de processus de recrutement ne concerne presque que les cadres (supérieurs), les dirigeants et les profils difficiles à trouver parce qu’ils sont très techniques ou rares (Cela tombe bien car c’est vers ce type de poste que les docteurs sont susceptibles de se diriger).

Du point de vue des candidats, connaître les cabinets de recrutement peut avoir plusieurs intérêts :

– Aujourd’hui, il est possible d’accéder gratuitement ou non, numériquement ou non, à de nombreux ouvrages et articles sur le recrutement, l’évaluation, le bilan de compétence. Certaines des personnes rencontrées ici en ont d’ailleurs écrit elles-mêmes ou collaboré à d’autres. Mais n’est-ce pas utile de connaître plus intimement les personnes qui vont vous chasser et classer, aider ou blacklister, cueillir et accueillir, torturer ou encourager, et instaurer une relation de court ou long terme. Si ce sont normalement les compétences et le parcours professionnel qui priment lors d’un recrutement, si les recruteurs se doivent professionnellement d’être objectifs, neutres et indépendants, ils sont humains avant tout. Il est donc difficile de nier une part de subjectivité. A minima, il faut passer « l’étape » du savoir-être liée aux cabinets de recrutement pour parvenir à s’en faire des alliés dans la recherche d’emploi.

– Ce n’est qu’une hypothèse, mais la personnalité des consultants en recrutement peut avoir un lien avec la personnalité du recruteur final. Certains recruteurs peuvent avoir des affinités avec tel ou tel profil de cabinet car ces cabinets ont tel ou tel profil de consultant et telle ou telle méthode de recrutement et d’évaluation. Et finalement tel ou tel profil de candidat aura plus de chance de se faire recruter par l’intermédiaire de tel ou tel cabinet ou consultant compte-tenu de son parcours, de son profil et de sa personnalité.

– Mais l’intérêt principal est de se faire une idée de la manière dont les cabinets de recrutement travaillent en 2013 : leurs méthodes, leurs stratégies, leurs conseils, leurs idées, leur place dans le marché du travail…

b) Méthode de chasse

Pour répondre à notre questionnement sur l’insertion professionnelle des doctorants et docteurs à travers les cabinets de recrutement et le secteur privé en général, il n’y avait pas d’autres choix que de les rencontrer ! Nous avons donc rencontré quelques dirigeants et consultants de cabinets de recrutement.

Beaucoup se demandaient comment nous les avions trouvés, pourquoi nous les avions choisis eux et quels étaient nos tarifs ! La réponse est pragmatique. Nous avons écrit à des centaines de cabinets de conseil en recrutement (grâce à des mails trouvés sur des offres d’emploi par exemple). Il ne s’agissait pas de faire une enquête sociologique et statistique avec une approche exhaustive, systématique et quantitative, mais de sonder un peu l’air du temps, de faire une sorte d’état des lieux début 2013 du recrutement via les cabinets de recrutement. Evidemment, nombreux sont les cabinets qui n’ont pas été interviewés :

– soit parce que nous n’avons pas trouvé leurs coordonnées,

– soit parce que leurs coordonnées n’étaient pas à jour,

– soit parce que nous n’avons pas eu connaissance de l’existence de leur cabinet (ils sont très nombreux !),

– soit parce que nous ne pouvions géographiquement pas les rencontrer,

– soit parce que nous n’avons pas eu le temps de les relancer (Nous en profitons pour nous excuser auprès d’eux.),

– soit parce qu’ils n’ont pas répondu à notre proposition ou répondu négativement (Les cabinets se disaient soit trop occupés, soit pas intéressés, soit trop éloignés du sujet.),

– soit parce qu’ils (cela ne concerne qu’un seul cabinet) n’étaient pas satisfaits du rendu final de la vidéo (y compris après plusieurs essais)…

Vous verrez que nous avons repris parfois les propos envoyés par mail par certains cabinets qui ne pouvaient pas ou ne voulaient pas nous rencontrer mais acceptaient de répondre à une ou deux questions précises.

Nous avons interviewé les représentants des cabinets dans des lieux assez divers :

– hôtels (le Méridien ou le Concorde Opéra où la chambre Maria Callas est à 1 900€ et le café est à 5€ mais le wifi gratuit (Comme dans beaucoup d’hôtels, mais ça reste entre nous !) !),

– un train à l’arrivée de Nantes,

– centres d’affaires (Ce sont des locaux qu’ils louent quelques jours par mois car leur cabinet est en province.),

– appartements,

– et bien entendu dans leurs bureaux, que ce soit leurs bureaux principaux ou secondaires dans lesquels ils ne viennent qu’occasionnellement (pour des recrutements).

Quel que soit le cadre de travail, il se situait où les cadres et dirigeants vivent et travaillent :

– dans l’ouest de Paris (rue du faubourg Saint Honoré, rue Drouot, boulevard Haussmann, Invalides, place Wagram, avenue des Champs Elysées, rue La Boétie, boulevard Gouyon Saint Cyr, rue du Colisée, rue Fabert, rue Legendre, rue du Bois de Boulogne),

– dans les Hauts-de-Seine (Levallois-Perret, Nanterre, Boulogne, Saint Cloud, Neuilly-sur-Seine).

D’un point de vue technique, les consultants étaient parfois surpris devant l’ampleur des moyens déployés. Ils se demandaient si :

– leurs locaux étaient adaptés pour accueillir l’ensemble de l’équipe de Doctrix (les preneurs de sons, les cameramen, les journalistes…),

– la 3D était vraiment nécessaire pour une simple interview,

– le son et l’image n’allaient pas être trop parfaits donc artificiels…

Heureusement, divers événements ont aidé à rendre nos vidéos – qui pouvaient durer entre 7 et 30 minutes – plus humaines :

– des ouvriers ayant décidé de faire fonctionner leurs instruments électriques en plein milieu de l’interview alors qu’ils avaient dit qu’ils préviendraient,

– des téléphones fixes ou mobiles qui sonnent,

– le personnel de la SNCF ont fait son travail à l’arrivée d’un train,

– Diabolo – chien au demeurant fort sympathique – s’émeut du discours de sa maitresse…

Il en reste quelques traces dans les vidéos… Nous avons dû refaire quelques prises… ce qui était l’occasion de se revoir et d’améliorer nos performances communicationnelles.

c) Présentation de la chasse

Pour ce qui concerne l’organisation de ce long article (Une fois n’est pas coutume !), il faut signaler tout d’abord qu’il est, comme souvent avec Doctrix, multimédiatique. Vous trouverez donc :

– une retranscription (retravaillée) des propos des 30 représentants des 29 cabinets de recrutement (dont deux consultants du même cabinet) pour tout ce qui concerne le doctorat. Sauf exceptions pour certaines expressions personnelles de nos interlocuteurs, nous n’avons pas cités précisément leurs propos, sans toutefois nous en éloigner (Il suffit de regarder les vidéos pour s’en rendre compte !). Certains nous critiquerons pour les fortes inégalités dans nos retranscriptions car certains de nos interlocuteurs n’ont le droit qu’à quelques lignes alors que d’autres ont des pages entières. Il ne s’agit pas de favoritisme mais de simplement retranscrire ce qu’ils ont répondu à la question du recrutement des doctorants et docteurs. Or, certains ou certaines pourraient soutenir une thèse sur le sujet tandis que pour d’autres, les docteurs sont encore un peu trop des êtres issus d’une autre planète dont les idées hiéroglyphiques sont encore à traduire entrepreunarialement parlant au commun des mortels pour qu’une forme de communication puisse éventuellement s’établir (!),

– quelques informations recueillies informellement avant ou après les entretiens,

– des liens hypertextes vers les sites internet des cabinets de recrutement quand ils en ont un,

– des liens hypertextes vers les vidéos des entretiens à partir des prénoms et des noms des personnes interviewées.

Donc si cet article s’intéresse en priorité à l’insertion professionnelle des doctorants et docteurs, les vidéos pourront intéresser bien d’autres personnes (Nous n’avons posé que quelques questions sur le doctorat, parfois une seule d’ailleurs.) :

– les vidéos seront utiles pour tout étudiant en recherche d’un premier emploi,

– elles pourront intéresser aussi toute personne en recherche d’emploi,

– enfin, les entreprises recruteuses qui doivent choisir parmi des dizaines de cabinets de recrutement auront une petite présentation de ceux-ci.

En effet, l’accès aux vidéos permettra de mieux connaître :

– les dirigeants de cabinet ou leurs consultants (leurs études et leurs parcours professionnels),

– leurs sociétés (caractéristiques spécifiques),

– leurs techniques et processus de recrutement (entretien téléphonique ou en face-à-face, utilisation d’internet, le test Hollande (!), la graphologie…),

– leurs conseils pour parvenir à se faire recruter par leur intermédiaire : réussir un CV, une lettre de motivation ou un entretien,

– leur point de vue sur l’évolution du marché du travail en France à la lumière de ce qu’ils peuvent voir à leur niveau…

 

En fonction de la réponse à notre question sur le recrutement de doctorants et docteurs, nous avons estimé que deux types de conseil ressortaient des entretiens avec nos interlocuteurs :

– des conseils sur les domaines d’activités et les types de poste dans lesquels les doctorants et docteurs peuvent chercher un travail d’une part,

– des conseils sur la stratégie à mettre en œuvre pour se faire recruter d’autre part.

I Le marché de l’emploi du doctorat

Comme nous pouvons nous y attendre, et a fortiori compte-tenu de la conjoncture actuelle, le marché de l’emploi, vu au prisme des consultants en recrutement, n’est pas des plus aisé pour les doctorants et docteurs. Nous allons voir qu’il y a différents degrés d’ouverture en fonction des cabinets de recrutement et des types de poste ou entreprises recherchées.

a) PME, peut faire mieux !

Commençons par les entreprises où les difficultés d’insertion des doctorants et docteurs sont les plus manifestes, selon les consultants : TPE, PME, PMI.

Lucien Brossard (Conseil RH), qui prend en charge la paie et la gestion du personnel des PME depuis 20 ans et gère la paye de 150 PME de 1 à 400 personnes (ce qui représente selon les mois de 2500 à 3500 payes), n’a aucun docteur dans ses fichiers.

Francis Mulot (Somecome), spécialisé dans le bâtiment, n’a jamais été en contact avec des docteurs ce qu’il explique par le fait qu’il s’occupe surtout de management et de direction d’entreprise de PME. Or, les CV de docteurs qu’il a reçus ne montraient pas des compétences et expériences dans ce domaine d’activité. Autre hypothèse avancée, les dirigeants de PME peuvent faire des complexes d’infériorité intellectuelle vis-à-vis de personnes surdiplômées comme les docteurs.

b) Les anecdotes, mauvaises notes !

Les difficultés d’insertion professionnelle des docteurs dans le tissu socio-économique ne concernent pas que les petites entreprises et industries. Beaucoup de nos interlocuteurs ont dû utiliser des anecdotes pour avoir des choses à dire à propos des docteurs, quelle que soit la durée de leur expérience dans le métier. Bien entendu, il ne s’agit pas de mettre des mauvaises notes aux consultants eux-mêmes puisque :

– d’une part il est impossible de vérifier les propos des interlocuteurs, donc de savoir si les personnes qui disent recruter des doctorants ou docteurs n’en recrutent pas que de façon anecdotique eux aussi,

– d’autre part, ils sont tout autant compétents que les autres consultants dans leur métier,

– enfin, ils donnent d’aussi bons conseils que les autres pour parvenir à s’insérer professionnellement (cf. les vidéos).

Il s’agit simplement de souligner cette curieuse situation du marché du travail. Ainsi, Claude Goldstaub, spécialisé dans le secteur de l’assurance, se souvient simplement avoir aidé à recruter des docteurs en reconversion professionnelle il y a quelques années. Ceux-ci étaient sur « une voix de garage » car ils ne trouvaient pas d’emploi dans la physique. Il les recherchait pour les faire travailler à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) dans le domaine informatique.

Les pièces utilisées pour le recrutement par sa société ont beau être appelées Claude Lévi-Strauss, Pierre Bourdieu, Michel Crozier ou Emile Durkheim, ce n’est pour cela que Joseph Beaurain (Lincoln HR Group) rencontrera, donc recrutera éventuellement des docteurs français dans son domaine – achat, supply chain, logistique – alors qu’il lui arrive de rencontrer des docteurs allemands spécialisés dans le domaine de la logistique. Et lorsqu’il en rencontrera, il aura tendance à les interroger non pas sur l’aspect intellectuel de leurs thèses car il est évident, mais sur leurs motivations à travailler au sein d’une entreprise, aspect sur lequel il a davantage de doutes. Pourtant, l’un de ses proches a quitté sa classe préparatoire aux grandes écoles pour suivre un cursus universitaire et rédiger une thèse avant de travailler dans un univers plus proche de celui de Joseph Beaurain. En effet, ce docteur en biochimie est devenu gérant de fonds en se spécialisant dans le financement du développement durable, des énergies nouvelles, des aides au développement à la suite d’une formation complémentaire dans le domaine du bilan carbone, de la gestion de fonds…

Florence Painchaud (Ferrein & Associés) n’a pas rencontré de demandes de docteurs de la part d’employeurs, ni vu de CV de docteurs pour des postes sur lesquels elle travaille. Sauf dans sa « vie antérieure » (Il s’agit d’une vie antérieure « professionnelle », Florence Painchaud n’étant ni astrologue, ni médium même si quelques recruteurs n’hésitent pas à en consulter pour certains postes !). En effet, elle avait été détachée auprès d’un gros industriel français de l’acier (Le premier qui devine a gagné !) pour participer au recrutement de docteurs spécialisés dans les polymères pour la partie R&D du groupe. Ils étaient en concurrence avec des diplômés des Mines, d’X, des Ponts et de Central. Florence Painchaud était alors en charge de l’évaluation des CV et du recrutement pour ce qui concerne la partie RH, tandis que l’industrie conservait l’évaluation de la partie technique. Elle reconnaît donc bien volontiers des compétences aux doctorants et docteurs (Elle nous a ailleurs conseillé de lire l’étude Apec/Deloitte), mais elle pense que les docteurs ne sont pas habitués à travailler en équipe, contrairement aux étudiants issus des grandes écoles.

En 23 ans d’existence sur le marché du conseil en recrutement, Patrick Ayache, qui est spécialisé dans les métiers juridiques (Intuitu personae) où un nombre important d’étudiants se lancent dans une thèse, ne se souvient ni d’avoir eu une demande de doctorant ou docteur de la part d’entreprises ni d’en avoir fait recruter alors qu’il dispose de quelques CV de docteurs dans sa base de données. Pour lui, le doctorat est un problème car les docteurs rentrent sur le marché du travail à 30 ans et sans aucune expérience pratique en entreprise. La plupart du temps, ils n’auront eu qu’une activité d’enseignement ce que Patrick Ayache ne dévalorise pas car il intervient lui-même dans les universités. Mais lorsqu’il a proposé des docteurs aux entreprises, il se souvient avoir eu des refus pour ces raisons là, même de très grandes entreprises et de très grands groupes. L’expertise dans le domaine du droit n’a pas d’utilité car le juriste va se spécialiser au fur et à mesure en fonction de l’activité de l’entreprise. Et quand une expertise rapide est vraiment nécessaire, les entreprises ont accès aux avocats et aux professeurs de droit.

Il faut dire que Patrick Ayache souhaite valoriser davantage le côté manuel des études (plutôt que la « pseudo-intellectualisation »), il dit avoir une démarche « rurale », « les pieds dans la boue ». Il pense qu’il y a une surpopulation d’étudiants en droit, notamment en master et que certaines disciplines universitaires ne sont pas utiles aux entreprises car ces dernières veulent, avant tout, être rassurées et donc trouver des « clones » qui sachent « lire, écrire, compter » (dixit un directeur juridique).

Sur son site internet, on peut trouver la citation de Swami Paramananda (1884–1940) qui était venue aux Etats-Unis pour diffuser le Vedanta (non, pas la vendetta !) : « Heureux celui qui découvre cette perle précieuse ». Mais cela ne semble pas faire références aux docteurs car Sophie Touttée Henrotte (Bilanciel) n’a même pas une petite anecdote à nous raconter à ce sujet (snif !) alors qu’elle recrute des financiers, RH, commerciaux, juristes, ingénieurs, attachés de presse… et qu’elle reçoit parfois des CV de docteurs. De plus, elle partage avec les docteurs un certain goût pour les études puisqu’elle a d’abord suivi des études d’infirmière, a étudié la graphologie, la morphopsychologie, la psychologie, le coaching, la psychothérapie, les tests psychométriques, et fait un DU universitaire sur les addictions. Cela pourrait être utile pour soigner les insomnies doctorales !

c) Les secteurs où il y a moins de pleurs !

Après ces quelques interviews, il se peut que certains aient perdu un peu le moral, alors voici de quoi reprendre un peu d’espoir car il y a bien des secteurs qui recrutent des doctorants et docteurs via des cabinets de recrutement.

Agnès Arnould (Capt conseil), pense que le monde de l’entreprise n’investit pas assez dans la recherche et qu’en Europe, les docteurs ne sont peut-être pas aussi valorisés que dans le milieu anglo-saxon. Mais depuis le milieu des années 1990, elle estime que les entreprises ont senti le besoin de renforcer cette filière de l’expertise et d’en faire une filière tout aussi noble que celle de la gestion de projet et du management. En effet, il existe trois filières pour des profils de haut niveau : le management, la gestion de projet et l’expertise. Alors qu’auparavant, le docteur était surtout l’expert d’un service, ce spécialiste appartient aujourd’hui davantage à un « pôle d’excellence » et est utilisé par l’ensemble du groupe (des groupes spécialisés dans le domaine des hautes technologies). Son poste combine des activités de gestion de projet et de management (accompagner des doctorants, travailler avec les laboratoires…) et bien sûr d’expertise : de cerner un sujet circonscrit, d’aller jusqu’au bout d’une matière, d’une connaissance. Il doit être le référent de son groupe sur un sujet précis mais aussi effectuer un travail de veille, faire des conférences en France et à l’étranger, écrire des articles en français et en anglais en ayant une existence et une surface internationale. C’est un peu comme un poste d’enseignant-chercheur mais au sein de l’entreprise. Il faut donc qu’il soit doué de qualités écrites, orales, relationnelles, sociales, pédagogiques…

Marie Tresanini (MT Conseil) – spécialiste de l’évaluation qui vient de rééditer Evaluer les compétences : Du recrutement à la gestion de carrière (Management et Société (EMS), Paris, 2013 [2004]) – s’accorde plutôt bien avec Agnès Arnould. Elle voit une évolution depuis 10 ans pour ce qui concerne les caractéristiques des docteurs qui arrivent sur le marché du travail. Il y a quelques années, les docteurs n’étaient pas habitués à l’exercice que constitue le recrutement. C’est beaucoup moins le cas aujourd’hui où ils arrivent sur le marché en ayant déjà publié des articles dans des revues scientifiques. Ils sont très au courant de toutes les formes de communication. Etant spécialisée dans l’industrie, Marie Tresanini dirige naturellement les docteurs qu’elle rencontre vers ce secteur d’activité. Peu proviennent des sciences « molles », mais elle dirige ce type de profil vers les postes de RH ou de chargé de communication, les études en mobilité. Ils seront orientés d’abord vers des postes d’étude pour qu’ils deviennent opérationnels et puissent monter en grade.

Si le secteur dans lequel travaille Jean-Marc Meillaud (Praxion) – le bâtiment – a parmi les taux d’encadrement les plus faibles, c’est aussi un secteur qui représente 10% de l’emploi en France et où il est facile de se reconvertir en y entrant en milieu de carrière. Et c’est surtout un secteur où il y a des centres de recherche – le CSTP, le CERIB – qui travaillent sur le béton et les produits du bâtiment. Les profils « docteurs » peuvent donc trouver leur place à différents niveaux :

– ils seront impliqués dans des processus de recherche et de certification,

-.dans l’immobilier ils pourront devenir juristes et des gestionnaires,

– ils pourront aussi travailler dans le domaine de la maitrise d’ouvrage avec les propriétaires de parcs immobiliers (le groupe Accor, les assureurs, les banquiers),

– enfin, il y a des possibilités d’emploi au niveau de l’architecture et de l’urbanisme.

Mireille Proust (Mireille Proust Consultants) a beaucoup de clients qui lui demandent des opérationnels c’est donc, selon elle, compliqué si la personne n’est pas encore entré dans la vie active. Donc elle a l’habitude de demander aux docteurs leurs ambitions et leurs objectifs.

Mais elle ne considère pas les docteurs comme des profils atypiques comme peuvent l’être d’autres candidats : ceux qui vont travailler un an, puis s’arrêter trois ans, puis travailler à nouveau ou qui n’ont pas de diplôme… Ces profils atypiques impliqueront l’engagement d’une discussion approfondie pour réfléchir sur la façon dont la personne va défendre sa volonté d’atteindre tel ou tel poste.

Mireille Proust a fait rentrer des docteurs dans diverses entreprises :

– Il peut s’agir d’entreprises proches des institutions publiques,

– Elle a aussi travaillé pour des entreprises avec des niveaux de technologie très élevés dans le monde de la gestion de l’eau et des déchets. Ces entreprises lui ont dit qu’une personne en fin de thèse ou ayant fait une thèse peut les intéresser (« On ne l’élimine pas. », dixit les recruteurs !).

– Elle a aussi vu ce type de demande dans la chimie, la santé animale et humaine.

– Si le poste nécessite de la pédagogie, elle n’hésite pas à présenter un profil enseignant.

– Elle a rencontré des docteurs pour des postes de collaborateurs-conseil dans des institutions où les personnes vont être mises dans des secteurs de communication, pas au niveau des managers de terrain.

– Mireille Proust a même fait recruter des docteurs en SHS pour des postes RH, surtout dans les grands groupes (car les PME ont peu d’appétit pour les docteurs, comme dit précédemment). Le docteur en question ne pourra pas accéder à un poste de DRH directement car il aura besoin d’être formé dans un premier temps.

– Enfin, elle a fait recruter des docteurs dans le monde para-politique, institutionnel, les sondeurs, les agences de communication, pour des postes de statisticiens

d) Le doctorant normal et le « syndrome de la saucisse »

Plusieurs de nos interlocuteurs ne semblaient pas vraiment faire la distinction entre des docteurs et d’autres profils. La question est de savoir s’ils en recrutent finalement moins, autant ou davantage que les autres cabinets.

Gilbert Vatrican (Finansearch) a rencontré des docteurs, mais il souligne que ce qui est important est moins le diplôme (même si c’est un préalable nécessaire) que le « conséquent », c’est-à-dire l’expérience acquise :

– qu’est-ce qu’a fait le docteur jusqu’à présent ?

– quelles ont été ses expériences ?

– qu’est-il capable de faire ?

Thierry Verdier (1001 talents) a recruté des docteurs pour des postes d’ingénieur et pense que les diplômes sont survalorisés en France (alors que des personnes très fortes pour les concours ne feront pas forcément de belles carrières) du fait du « syndrome de la saucisse » (voir la vidéo) qu’il combat en proposant des candidatures en dehors du desiderata du client.

Pour ce faire, il a créé un logiciel qui permet de rechercher des profils sur ses bases de données de CV et conseille donc de bien réfléchir aux mots employés pour transcrire ses expériences professionnelles. Par exemple, si on travaille dans le domaine d’internet, il faut penser aux différentes façons d’écrire « online » – online, on-line, on line – pour être repéré par le logiciel.

Charles de Lauzanne (Mac Allister) rencontre très rarement des doctorants et docteurs dans ses spécialités : le marketing et le commercial au niveau middle et top management. Mais certains de ses collègues semblent avoir plus de chance dans des domaines poussés, spécialisés et techniques :

– dans la partie R&D,

– l’ingénierie au niveau des systèmes d’information,

– la finance…

Alain Jacob (AJ Conseil spécialisé dans l’hôtellerie) n’a jamais été contacté par une entreprise pour recruter des docteurs alors qu’il a des CV de docteurs dans ses fichiers. Les docteurs qu’il a pu placer sont allés dans le backoffice, c’est-à-dire dans la réflexion prospective socio-économique et le développement de projets touristiques et culturels dans des chaines hôtelières ou des collectivités territoriales (notamment au niveau régional). Mais la difficulté vient du fait que les docteurs se retrouvent en concurrence des cabinets d’étude en réseau et spécialisés dans l’urbanisme, le tourisme… Anne-Françoise Brambach (ITC Développement) confirme ce propos, en ajoutant que l’hôtellerie offre des possibilités de carrière et de reconversion si on est passionné par ces métiers.

Danielle Hubert (DH Conseil) fait recruter des docteurs comme journalistes spécialisés dans leur discipline, qu’elle soit  scientifique et/ou sciences humaines ou lorsqu’ils sont devenus éditeurs spécialisés dans leur discipline auprès d’éditeurs de livres et qu’ils ont un minimum de 3 à 5 ans d’expérience.

Nous venons d’avoir un aperçu du marché du travail pour les docteurs et doctorants, voyons comment entrer sur ce marché.

II Les conseils pour les doctorants et docteurs

Voici quelques conseils de nos consultants pour augmenter les chances des doctorants et docteurs d’être recrutés

a) Améliorer la formation

Commençons par un conseil qui ne s’adresse pas directement aux doctorants et docteurs, mais davantage aux institutions publiques. En effet, certains de nos interlocuteurs ont critiqué le contenu de la formation, du moins certains manques.

Philippe Arsac (Eurowin Consulting), spécialisé dans les systèmes d’information, est convaincu par la formation par la recherche. En effet, ingénieur en informatique d’une grande école à l’origine, il a ensuite majoré un Master 2 recherche à l’université Paris VI UPMC et s’est lancé dans un doctorat de Mathématiques Appliquées à l’Intelligence Artificielle entre 1985 et 1989. Plus précisément, le sujet portait sur les architectures symboliques pour l’Intelligence artificielle et l’intégration du symbolique et du numérique au sein d’architectures parallèles. Simultanément, il devient directeur de recherches précompétitives dans l’industrie et commence à travailler dans le domaine des RH et de l’entreprenariat entre la France et les Etats-Unis et ne peut donc soutenir sa thèse. La thèse est donc, selon lui, une formation excellente car elle permet d’apprendre à innover. Or Schumpeter avait défini l’entrepreneur comme celui qui apporte de l’innovation. Mais Philippe Arsac constate qu’il y a un fossé entre la recherche et l’entreprise qui n’existe pas dans les pays anglo-saxons. L’industrie travaille surtout avec les grandes écoles et est peu habituée à accueillir des chercheurs en son sein. De leur côté les chercheurs ne sont pas forcément familiers des cultures des entreprises, en particulier sur les aspects économiques.

Philippe Arsac explique la situation par les politiques de formation en France. Il souligne que dans les grandes écoles qui forment les ingénieurs de haut niveau, les étudiants suivent des formations sur les parties management, économique… ce qui est très peu le cas dans les universités, même s’il sait que les choses sont en train de changer. De plus, beaucoup de chercheurs n’ont pas l’idée de voir des applications économiques à leurs découvertes. Ils peuvent même voir cet aspect d’un mauvais œil. Et du côté des industries, les recruteurs se disent que le docteur va avoir un profil de très haut niveau mais être trop théorique. De plus, les docteurs, et les universités en général, sont moins performants pour ce qui est des annuaires des anciens étudiants, ce à quoi ils peuvent tenter de remédier grâce aux réseaux sociaux que Philippe Arsac conseille vraiment d’utiliser.

Ce dernier a pu tout de même en recruter pour des projets d’architecture de système d’information complexe et dans la gestion électronique de document. Mais ils représentent une minorité par rapport aux ingénieurs et même par rapport aux étudiants d’université Bac + 5. Si Philippe Arsac pense qu’aujourd’hui les universitaires sont plus reconnus des entreprises grâce à leurs qualités d’autonomie, pour leur culture technique et scientifique, leur compréhension…, il leur manque la culture d’affaire et se trouvent souvent décalés par rapport aux besoins de l’entreprise. Le docteur risque d’être cantonné à des domaines pointus et techniques, de travailler dans un domaine d’activité autre que le sien ou être déclassé par rapport à ses compétences alors qu’ils pourraient exceller dans d’autres domaines plus vastes comme des postes de management ou dans des start-up. Dans les pays anglo-saxons, le docteur devient spécialiste d’une technologie puis fait le lien avec l’industrialisation, crée des sociétés pour commercialiser un produit qui a ses balbutiements pendant la thèse.

b) Expliquer l’atout du temps doctoral

Pour rester sur la partie formation, chacun sait ou devrait savoir que le doctorat est l’occasion d’un travail à la fois long et intense où il est possible de sortir des préjugés et des sentiers battus pour innover dans le domaine du savoir. Certains de nos interlocuteurs ont souligné cette spécificité et ses avantages.

Pierre-Yves Grangier (Michael Page) pense que les docteurs ont des profils intéressants car ils ont eu des expériences concrètes de travail dans des laboratoires de recherche. Ils peuvent donc se projeter dans un environnement R&D. Mais beaucoup de docteurs viennent voir les consultants en recrutement en expliquant qu’ils ne souhaitent pas travailler dans un laboratoire ou un bureau d’étude. Certains décident plutôt de s’orienter vers la vente, d’autres vers des postes de chargé d’affaire, d’autres souhaitent s’impliquer dans une logique de projet. Ce sont des profils qui ont pris le temps d’aller au bout d’une démarche, qui ont déjà une expertise à proposer au marché. Le « point de vigilance », que souligne Pierre-Yves Grangier est lié à leur âge : ont-ils déjà une appréhension très opérationnelle de leur métier et une capacité à se projeter dans la vie très quotidienne d’une entreprise ? Certains salariés ont déjà 7 ou 8 ans d’expérience en entreprise quand les docteurs arrivent sur le marché. Il faut donc qu’ils apprennent à communiquer de façon très pragmatique, opérationnelle, concrète sur ce qu’ils savent faire. En effet, les entreprises cherchent à optimiser leurs résultats et activités avec une rentabilité pour tous les postes avant d’échanger sur les perspectives d’évolution pour les profils à haut potentiel. L’entreprise parie sur un jeune diplômé, s’engage à le former pour qu’il puisse progressivement monter en compétences sur deux ou trois ans. De ce fait, ils recherchent des personnes qui vont s’investir dans le temps. Or, les docteurs ont cette notion du temps. Ils sont capables de voir à long terme. Leur profil est donc adapté pour une première expérience professionnelle et au-delà. Pierre-Yves Grangier oppose les docteurs à la fameuse « Génération Y » qui veut tout et tout de suite et n’hésitent pas à changer d’entreprise comme de chemise en fonctions de leurs ambitions et changements d’humeur !

Gérard Fedida (Still Working) est spécialisé sur les profils de type ingénieur. Les docteurs qu’il rencontre se dirigent vers ce type de poste technique. Ils représentent 5 à 8% de son vivier. Il n’y a pas, selon lui, de disproportion au niveau du poste ou du niveau de salaire par rapport aux autres profils. Les docteurs ont la caractéristique et l’avantage d’avoir une plus grande stabilité et la volonté d’apprendre ce qui n’est pas toujours le cas d’autres profils. Par ailleurs, Gérard Fedida raconte qu’il est actuellement en train de travailler sur un projet pour une société pharmaceutique spécialisée dans la recherche où le directeur informatique est un docteur.

Attention, l’argument du temps peut facilement se retourner contre les doctorants et docteurs car ce temps dure un peu trop longtemps selon beaucoup de consultants !

Chantal Baudron (Chantal Baudron S.A.S.) explique que les docteurs, qu’elle a rencontrés, avaient, au départ, vocation à être chercheur et à enseigner. Ce sont donc souvent des « convertis », c’est-à-dire des personnes qui se rendent compte que la thèse les avait menés à une « impasse » du fait d’une erreur d’orientation mais que leurs connaissances pouvaient être utiles à l’entreprise. Chantal Baudron regrette que ces docteurs rencontrent l’entreprise si tardivement car ils auraient pu en prendre conscience plus tôt et ils auraient pu faire des formations plus pragmatiques, plus orientées entreprise. Plus concrètement, et s’ils n’étaient pas des « professeurs nimbus », elle se souvient avoir fait recruter des docteurs et post-doc dans des services de R&D dans le domaine de l’instrumentation scientifique.

Vous trouverez difficilement plus franche et directe que Catherine Euvrard (CE Consultants). La lecture de ses essais en dit d’ailleurs long à ce sujet :

En avoir ou non : secrets d’un chasseur de têtes (JC Lattes, Paris, 2004) où elle critique les « jeunes loups » ambitieux,

On marche sur la tête ! : Un plaidoyer en faveur du travail, de l’audace, de l’initiative… Osez ! (Eyrolles, Paris, 2007) où elle dénonce le manque d’implication des salariés, l’atonie des entrepreneurs, la survalorisation des diplômes, les difficultés des jeunes, des femmes et des seniors pour se positionner dans le monde de l’entreprise…,

Méfiez vous des femmes ! Karine la successwoman sans scrupules, Lola l’allumeuse, Julie la jeune fille « au père », Natalia la Russe au sang chaud… (Eyrolles, Paris, 2012) où on peut trouver les portraits humoristiques et critiques de 12 femmes cadres passées dans son cabinet (qui ressemble, par ailleurs, à une salle d’exposition d’art contemporain comme on peut le voir dans la vidéo).

Catherine Euvrard recrute surtout au niveau top management. Elle propose très souvent à l’entreprise recruteuse un outsider sur les trois candidats présentés. Elle  dit avoir vu des CV de docteur, mais ne prend pas les Bac + 8 car elle considère qu’un étudiant qui n’arrête pas de faire des études, c’est qu’il ne veut pas rentrer dans la vie active. Sinon, c’est un « théseu » et  il doit devenir chercheur au CNRS ou faire médecine, mais ce n’est pas la voie de l’entreprise. Catherine Euvrard sait que les entreprises recrutent des docteurs dans les services R&D, mais elle considère que la vie d’un étudiant est triste s’il n’a pas rapidement accès à l’entreprise. Il faut dire qu’avant de fréquenter le CAC 40, elle a commencé à travailler au plus bas de l’échelle, dès son Bac L en poche.

c) Obtenir des expériences extra-universitaires

C’est une critique qui revient sans cesse, les doctorants et docteurs arrivent sur le marché du travail sans avoir eu auparavant d’expérience sur le marché du travail, alors que le doctorat est de plus en plus considéré comme une expérience professionnelle permettant de développer des compétences.

Philippe Amiel (Promel), spécialisé dans le marketing et le service client (le CRM), a pu rencontrer des profils de docteurs en sociologie et statistiques spécialisés dans le domaine des études client (qualitatives ou quantitatives), c’est-à-dire le domaine de l’étude de la consommation. Pour avoir des chances d’être recrutés, Philippe Amiel conseille aux docteurs d’avoir eu au cours de ses études une passerelle vers le monde de l’entreprise.

C’est aussi ce que conseillent Bernard Denis et Véronique Gueroult (BDRH conseils) dont nous avons fait une double interview pour le prix d’un (!) où ils confirment que la thèse est quelque chose de très pointu d’un point de vue « cognitif ». Mais il faut que les docteurs travaillent sur leur capacité à convaincre et à s’adapter. Il peut être stratégique que de prendre, au moins dans un premier temps, un poste qui n’est pas exactement à leur niveau pour avoir une primo expérience qui leur permettra de se lancer par la suite. Bernard Denis et Véronique Gueroult ont recruté récemment un docteur pour un poste d’ingénieur en chimie en R&D. Selon eux, la plupart des postes adaptés aux profils des docteurs sont en R&D. Il n’est pas possible d’en faire directement des commerciaux, il faudra de la maturité et sans doute faire une formation complémentaire en marketing, en gestion… Il est même souvent plus facile de faire recruter un étudiant ayant un BTS ou une licence 3 qu’un docteur compte-tenu de son hyperspécialisation. Il faut donc que les docteurs apprennent à conserver une flexibilité, une souplesse et qu’ils ne s’enferment pas dans leur science. Mais malgré cette possible flexibilité, les docteurs font peur aux entreprises. Les grandes entreprises vont être intéressées, mais les PME qui vont être frileuses car les docteurs sont trop spécialisés. De plus, il n’y a pas beaucoup de R&D dans ces types d’entreprise qui sous-traitent leurs recherches dans des instituts et des laboratoires de recherche et qui se contentent de la partie développement. Autre solution de Bernard Denis et Véronique Gueroult, les docteurs ont la possibilité de partir à l’étranger faire un post-doc pour avoir une nouvelle expérience.

Cette dernière solution est aussi l’une de celles que propose Philippe Seyrat (Philippe Seyrat Conseil). Ce dernier a « croisé » des docteurs en science il y a longtemps pour un emploi dans un laboratoire de recherche agronomique. Mais c’est surtout dans le cadre de l’évolution et l’accompagnement de carrière interne, qu’il voit des docteurs. En effet, ce type de profil se débrouille par lui-même pour obtenir des « jobs de thésard ». Ils trouvent leur emploi pendant leur thèse en mettant un pied dans tel ou tel environnement. Mais trouver un poste en R&D pour un doctorant ou un docteur, c’est la « croix et la bannière » car il y en n’a pas beaucoup et les cibles sont très connues. Ou alors les docteurs sont amenés à changer d’orientation, de spécialité. Philippe Seyrat avait connu un docteur qui avait fait une thèse en physique nucléaire. Mais il avait un talent commercial alors il a trouvé un poste d’ingénieur commercial. Mais dans ce cas-là, la question que se pose Philippe Seyrat est de savoir si une thèse était utile pour obtenir ce type de poste ? En tout cas, si un docteur est capable de changer de voie, s’il a des aspirations et les qualités qui vont avec, alors ce docteur pourra aller vers le marketing, le commercial… pour trouver des postes annexes sans avoir forcément besoin de faire une formation complémentaire. Il s’agira d’aller dans des secteurs pointus où travaillent des personnes ayant leur niveau d’étude. Par exemple, avec des gens d’hôpitaux pour vendre des produits et solutions techniques pointues.

d) Valoriser ses compétence

Que le doctorant ou le docteur ait eu des expériences ou non sur le marché du travail extra-universitaire ou universitaire, il doit apprendre à valoriser ses compétences.

Sophie Bellec (Sophie Bellec RH Conseil) fait beaucoup d’accompagnement des doctorants du collège des écoles doctorales de l’université de Nantes. Selon, elles les doctorants se posent beaucoup de questions car il n’y a pas autant de postes dans l’académie que de docteurs. Et ceux qui ont conscience de cette situation ou qui n’ont pas de toute façon la volonté d’y travailler ne sont pas forcément bien armés pour faire face à une recherche d’emploi dans le privé.

Mais Sophie Bellec souligne que les docteurs ont des atouts. Ils comprennent vite. Ils ont une grande capacité à saisir les enjeux et les objectifs. Ils sont capables de mener un projet sur le long terme. Ils sont combatifs parce que ce n’est pas facile de mener une thèse pendant trois ans.

Leur défaut est qu’ils ne connaissent souvent pas grand-chose à l’entreprise. Ils n’arrivent pas à entrer sur ce marché là par méconnaissance de l’environnement. Il n’y a pas de raison en termes de compétences. Par exemple, il faut qu’ils adaptent leur style, leur langage au monde de l’entreprise privé. Ceux qui ont fait uniquement un parcours universitaire ont un gros déficit car ils ont eu très peu de contact avec l’entreprise. Sophie Bellec les aide à identifier leurs compétences autres que scientifiques et techniques car ils ne savent pas trop identifier ce type de compétence. Il s’agit de les aider à identifier, s’approprier et valoriser des compétences transversales : tout ce qui tourne autour de la gestion de projet. Selon elle, les docteurs doivent prendre conscience qu’une thèse n’est pas que de la recherche scientifique. Il y a plein d’autres compétences autour qu’il faut apprendre à formuler. De même, il faut apprendre à simplifier son approche scientifique car la première personne avec qui le docteur sera en contact dans l’entreprise ne sera peut-être pas un opérationnel de la recherche mais un RH ou un chef d’entreprise par exemple. Donc il faut descendre d’un cran, adapter et vulgariser la langue et les concepts scientifiques.

Il faut les inciter dès le début de leur thèse à s’intéresser au monde de l’entreprise. Même si au bout du compte leur carrière sera académique car il y a de plus en plus de liens entre le monde académique et le monde de l’entreprise. Ils peuvent, par exemple, aller voir des manifestions proposées par des incubateurs qui existent dans la plupart des départements ou des forums organisés par la chambre de commerce et de l’industrie.

De plus, les docteurs ont souvent un déficit de réseau. Il faut qu’ils pensent très vite à développer leur réseau en demandant, par exemple, à leurs encadrants de leur ouvrir le leur. Il faut que le réseau soit constitué au moment où ils entrent sur le marché du travail. Les docteurs ont tendance à s’y prendre trop tardivement, c’est-à-dire au moment de la soutenance.

Sophie Bellec travaille principalement pour des PMI qui ne recrutent pas de docteurs. Mais elle connaît bien le milieu des petites et grosses entreprises qui recrutent à Nantes où elle est basée : il y a un marché important des biotechnologies, de l’informatique, du logiciel, du numérique, de la recherche médicale… Les jeunes docteurs peuvent se faire embaucher dans des start-up. La principale difficulté concerne les docteurs en SHS car le marché de la PME régionale n’est pas très ouvert à ces profils. Néanmoins, Sophie Bellec a pu voir ce type de profil s’insérer dans des collectivités locales (collectivité urbaine, conseil régional…). Sinon, elle conseille aux docteurs de se diriger vers les très grands groupes, mais ces derniers ne sont pas très présents à Nantes.

e) Montrer son savoir-être

Lorsque l’on sait un peut mieux ce qu’on sait faire, il est aussi possible de mieux savoir ce qu’on aime, ce qu’on veut faire, comment s’y prendre…

80% des recrutements que Christian Schnell (Schnell & Morgan) gère sont des opérationnels. Il reçoit des CV de docteurs mais n’a pas l’offre en face. Il pense que les filières du doctorat sont des niches qui s’autogèrent en grande partie. Pour parvenir à se faire recruter par des entreprises, les docteurs doivent simplement éviter de rester ancrés sur la voie de la connaissance. Christian Schnell considère que la connaissance permet de développer une expérience, et celle-ci prendra sa valeur avec un état d’être, un comportement un savoir-être. Si le docteur pense que ce qu’il peut servir à d’autres, il faut qu’il se valorise dans son savoir-être. Or, les docteurs ont tendance à rester dans la technicité ce qui n’est pas « vendeur » pour les possibles recruteurs. Il faut qu’ils ouvrent leur champ d’intervention. Christian Schnell justifie son point de vue par le fait qu’il avait lui-même un profil technique au départ et n’imaginait pas qu’il pourrait se réaliser dans un métier commercial et développer un goût pour la créativité. Pour détecter les manières d’être, il a développé une technique de diagnostic : le « Chroma concept », qui servait au départ pour ses formations et qui permet de découvrir 5 profils de caractère à partir d’un questionnaire de 90 alternatives.

f) Rédiger un double CV

Lorsque le doctorant ou le docteur a fait son bilan de compétence, qu’il sait un peu mieux qui il est et ce qu’il veut, il peut élaborer son CV et pourquoi pas un double CV pour doubler ses chances !

Laurence Adda (DBAO Group) a recruté des docteurs dans l’industrie (notamment l’automobile), dans les bureaux d’étude, la R&D. Ce type de profil est, selon elle, intéressant ne serait-ce que parce qu’on n’en trouve pas chez les étudiants d’écoles et d’universités. Il faut simplement qu’ils fassent attention à ne pas rentrer trop dans le détail pour ce qui concerne leur CV. En effet, le recruteur est d’abord issu de la filière RH, donc il n’a pas le niveau technique d’un docteur. Mais son CV doit être compréhensible, clair, explicite pour le mettre en relation le candidat et l’entreprise. Laurence Adda conseille donc de faire un double CV :

– un CV comprenant les grandes lignes et les compétences-clés ;

– un autre CV (document-compétence que nous pouvons qualifier de port-folio) détaillé, axé sur les compétences techniques qui sera lu par l’opérationnel au sein de l’entreprise qui va reconnaître un certain langage et des connaissances très techniques.

g) Ecrire des lettres d’amour

Dr. Marie-Françoise Praml-Bode est la seule docteure que nous ayons rencontrée pour cet article. Elle a débuté ses études de droit en France avant de partir en Allemagne où elle est entrée à l’Institut Max Planck pour étudier l’histoire du droit européen. Ensuite, elle a travaillé à l’université de Francfort, puis dans l’industrie en tant que traductrice et interprète pour le grand syndicat allemand de la métallurgie IG Metal. C’est dans ce contexte qu’elle a rédigé une thèse. Et son expérience doctorale n’a pas été sans embûches :

– premièrement elle ne l’a pas écrite pendant ses études mais alors qu’elle était déjà bien insérée dans la vie professionnelle,

– deuxièmement, elle avait des enfants en bas âge (mais aussi un mari coach prussien qui gérait son emploi du temps !),

– troisièmement, elle était étrangère en Allemagne,

– quatrièmement, elle était une femme (et vous pouvez vérifier qu’elle l’est toujours sur la vidéo !),

– cinquièmement, elle a fait sa thèse dans la discipline qui est considérée comme la plus difficile et la plus valorisée en Allemagne (bien plus que médecine !) : le droit. Plus précisément, son doctorat portait sur le droit de la faillite et le droit des salariés.

Elle connaît donc bien la difficulté à réaliser une thèse et les mérites qu’il y a à y parvenir ! Mais elle ne regrette aucunement ce travail, car cela lui a donné :

– une crédibilité dans le monde de l’entreprise,

davantage de confiance en elle,

l’impression d’être allée jusqu’au bout de quelque chose d’important,

– la conviction de savoir faire de la science, de savoir rechercher quelque chose

Après être devenue une spécialiste du droit du travail, elle a été recrutée par un cabinet de recrutement avant de fonder le sien que l’on peut, à juste titre, qualifier d’international puisque Dr. Marie-Françoise Praml-Bode navigue entre la France, l’Allemagne et bien d’autres pays pour recruter à tout niveau d’étude et d’expérience, et, bien entendu, de nombreux docteurs (Uniquement sur offre d’emploi car elle trouve cela plus « honnête ».). Elle a d’ailleurs mis sur pied un laboratoire de physique international dans une entreprise à Lyon.

Pour ce qui concerne ses conseils, elle pense que la lettre de motivation doit être une sorte de « lettre d’amour ». Plutôt que d’essayer de faire semblant d’être parfait en utilisant une lettre faisant état de toutes les compétences possibles et imaginables, il s’agit de montrer sa spécificité qui comprend aussi bien ses forces que ses faiblesses. Il s’agit de remettre un peu de vie dans la relation entre les candidats et les recruteurs en personnalisant davantage la relation. En effet, cette relation s’est trop automatisée et anonymisée avec l’arrivée d’internet. Auparavant, on choisissait le papier à lettre, l’enveloppe, tout était manuscrit… Aujourd’hui tous les CV et les lettres de motivation se ressemblent. Ils manquent de charme ce qui est ennuyeux pour une lettre d’amour ! Or, selon Dr. Marie-Françoise Praml-Bode, les consultants en recrutement ont des préjugés ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose contrairement à un autre préjugé ! Les candidats et les recruteurs doivent accepter le fait qu’ils sont deux subjectivités qui se rencontrent. Ils doivent faire part d’une générosité l’un envers l’autre pour tout ce qui concerne les erreurs et les imperfections. Une entreprise est faite avant tout par des êtres humains, donc ce sont les personnalités et leurs qualités qui comptent avant tout. Ce sont des forces qui entrent en contact qui croient l’une en l’autre. Les personnes les plus intéressantes ne sont pas forcément les personnes les plus parfaites ou qui font en sorte de le paraître. Il ne faut pas donc pas essayer de faire croire que l’on est parfait car il n’y a pas de forme d’identification possible (les consultants n’étant pas parfaits eux-mêmes !). Il doit y avoir dans la candidature de la sincérité et de l’honnêteté (ce qui implique de savoir qui on est) pour créer une forme de sympathie avec la personne rencontrée.

Du fait de la crise économique, du chômage, de la dépression, du stress…, les Français ont tendance à cacher leurs faiblesses pour limiter les risques lors du processus de recrutement (en exagérant un peu leurs qualités et compétences), or c’est une erreur stratégique que ne font pas les Allemands et Américains qui n’hésitent à faire part de leurs faiblesses aux employeurs. En effet, une faiblesse peut se révéler être une force tandis que la vie privée peut aider d’une manière ou d’une autre la vie professionnelle.

Et dans la mesure où les humains ne sont pas capables d’aimer beaucoup de personnes à la fois, Dr. Marie-Françoise Praml-Bode conseille de répondre seulement à quelques offres. Et d’être très concentré sur celles-ci en s’informant au maximum sur la société et le poste pour savoir si c’est quelque chose de vraiment intéressant pour soi, si c’est vraiment ce qu’on veut faire. Il faut être préparé, précis, respectueux, honnête et exigeant pour répondre aux questions qui peuvent être posées par l’employeur.

h) Rechercher l’intime conviction

Cette difficulté à se faire recruter par les PME a été soulignée par la plupart de nos interlocuteurs. Pour autant, il reste de l’espoir si les docteurs adoptent une stratégie.

Voici celle proposée par Jean-Michel Cathala (Jean-Michel Cathala conseils) qui recrute deux docteurs par an en agronomie et biologie qui ont mené des études très approfondies (des études moléculaires par exemple). Ils peuvent intervenir dans les multinationales dans des fonctions « qualité » et R&D. Un tous les 3 ans dans les ETI (entreprises de taille intermédiaire). Pas dans les PME.

Voici les questions, les difficultés soulevées par Jean-Michel Cathala : La problématique du docteur vient de la confrontation entre le domaine académique et le domaine économique. Il peut y avoir une césure du fait d’une incompréhension mutuelle, un problème de compréhension (notamment dû à la différence de vocabulaire). Il y a dans l’industrie une méfiance liée à la méconnaissance du docteur et à ce qu’il peut apporter. Les décideurs se demandent s’il a les compétences et s’il va être capable de s’adapter à la culture de l’entreprise (comportement, psychologie, compétence…). Il pense que les docteurs sont adaptés aux sociétés importantes parce qu’elles ont besoin de scientifiques de haut niveau en qualité, en R&D, en supervision de la R&D pour que la recherche scientifique débouche sur des savoirs, des attitudes, des développements…

Dans de petites entreprises, il y a plus de doute. Il va falloir que le docteur réfléchisse en amont à la façon dont il pourra répondre à la problématique et aux besoins de l’entreprise. Le docteur ose la recherche scientifique totale mais il n’ose pas s’exprimer dans un concert économique. Il faut qu’il ose devant des décideurs qu’ils ne connaissent pas. Il doit pouvoir expliquer ce qu’il va faire de la R&D de l’entreprise dans 5 ans : comment la faire évoluer, quel type de produit et procédé développer, le type d’étude et quel apport scientifique il peut amener. Il faut oser se projeter dans la réalité du quotidien des entreprises. Il faut qu’il parvienne à connaître l’entreprise aussi bien que la science : son souhait, ses valeurs, ses stratégies, ses développements, pourquoi elle est là.

Les docteurs ont tendance à dire que les entreprises ne visent que le profit, la mondialisation, le capitalisme et les rejettent donc. Mais les docteurs ont l’avantage (pour les entreprises !), par rapport à d’autres types de profil de ne pas demander un salaire « exorbitant ». De plus, leur savoir-faire est réel, de même que leur capacité à s’adapter. Il faut donc accélérer le processus de conviction. Dans le processus intellectuel – écoute, analyse, synthèse, décision -, le docteur est brillant mais pas fulgurant car il est très exhaustif, il recherche beaucoup d’informations avant de décider. La « victoire est en eux », mais il faut développer leur art de convaincre de leur réussite. Il doit aller chercher l’intime conviction des personnes qu’il a en face. Il faut qu’il sache s’exprimer sur tous les éléments d’un parcours, les passerelles entre le parcours et la problématique posée. Il faut prendre le recrutement à bras le corps, en s’ouvrant aux autres, en devançant les questions, prendre la parole et la garder en étant précis et exhaustif, en sachant passer d’un dossier à un autre, en intéressant véritablement votre interlocuteur. Il faut montrer que si vous rentrez dans l’entreprise, vous allez réussir et dire comment vous allez le faire. Il ne faut rien laisser au hasard et connaître a priori votre terrain d’embauche de même façon qu’un sociologue prépare son terrain d’étude :

– la culture technique,

– la culture de l’entreprise,

– la culture des dirigeants,

– la culture des RH,

– la culture du secteur d’activité,

– les difficultés structurelles et conjoncturelles,

– les projets en cours…

i) Devenir agent d’assurance

Les dirigeants de PME ne sont pas rassurés. Ils manquent de confiance. Le mieux est encore de se faire aider à les rassurer. Beaucoup de cabinets de recrutement insistent sur le fait qu’ils sont là pour aider autant les recruteurs que les candidats. Il faut que les candidats les considèrent comme des alliés.

C’est ainsi qu’ils pourront intéresser les entrepreneurs comme nous l’explique Evelyne Achache (Multicibles) qui intervient régulièrement dans les universités du Poitou Charente pour aider les doctorants à mieux communiquer lors de leur future recherche d’emploi. Le fait d’être en relation régulièrement avec les employeurs aussi bien que les docteurs lui donne la volonté et l’occasion de mettre en avant des candidatures de docteurs ou doctorants. Elle propose même parfois des postes lors de ses interventions. C’est ainsi qu’un docteur a été intégré dans une société d’aéronautique comme ingénieur méthode. 15 ans après, il est directeur des opérations.

C’est plus difficile pour les PME. En effet, les dirigeants de PME sont réticents au premier contact. Mais Evelyne Achache considère que son rôle de cabinet de conseil auprès des chefs d’entreprise, qui sont parfois autodidactes, qu’il ne faut pas qu’ils partent avec des a priori et que leur rôle est de trouver des personnes adaptées au poste. Les clients fidèles finissent par accepter de rencontrer les candidats. C’est à ces derniers, par la suite, de montrer qu’ils sont assez malins et adaptables, et qu’il ne faut pas parler de la même façon à un chef d’entreprise autodidacte et opérationnel qu’avec un DRH de grand groupe ou un patron du CAC 40. Donc il faut qu’ils apprennent à sortir du monde universitaire. Il faut sensibiliser les doctorants pour qu’ils parviennent à avoir un dialogue adapté, moins abstrait et théorique.

Il faut qu’ils apprennent à se mettre à la place de celui qui recrute qui cherche à se sécuriser. Le candidat ne doit pas penser à son angoisse personnelle mais à l’angoisse du recruteur. Il doit le rassurer sur ce qu’il sait faire et comment il va s’adapter à des problèmes concrets. Le risque est de rentrer uniquement dans la technique. Or, aujourd’hui, on ne recherche pas uniquement du savoir, on recherche surtout du savoir-faire et du savoir-être. Il faut que les docteurs soient capables d’avoir un langage très concret, de parler de ce qu’ils ont fait durant leurs études avec des exemples précis. Il ne faut pas qu’ils hésitent à s’appuyer sur leur vie personnelle car ils développent des compétences de management et de gestion de projet transférables dans la vie professionnelle.

Conclusion ouverte

Si vous êtes arrivés jusqu’à cette conclusion, c’est que :

– le sujet vous passionne,

– vous êtes à la recherche d’un emploi à plus ou moins court terme,

-vous êtes concerné par l’insertion des doctorants et docteurs,

– vous faites partie des cabinets de recrutement qui ont été interviewés et vous voulez savoir tout ce qui a pu être dit sur vous dans cet article,

– vous êtes arrivé à la conclusion directement après avoir lu le titre, voire l’introduction pour aller à l’essentiel, ce qui est dommage mais on peut comprendre !

Que peut-on retenir de tout ce qui a été dit et écrit ? Nous voudrions surtout souligner la diversité des cabinets de recrutement. On peut voir que si on retrouve des points communs parmi les différents consultant(e)s et directeurs(trices) de cabinet, il y a aussi des divergences :

– la taille des cabinets et les types d’activités du cabinet (les grands cabinets généralistes mais spécialisés uniquement dans le recrutement ou les petits cabinets spécialisés ou généralistes qui ont d’autres activités que le recrutement comme le coaching, le management de la transition ou encore le soin thérapeutique !),

– les profils socioprofessionnels des consultant(e)s et directeurs(trices) de cabinet (Ils sont issus d’études en psychologie, en droit, en commerce, en ingénierie, en RH et même en philosophie et ont parfois des parcours professionnels surprenants qui ne plairaient pas forcément aux entreprises pour lesquels ils accomplissent les missions de recrutement !),

– la personnalité des consultant(e)s et directeurs(trices) de cabinet,

– les techniques de recrutement (simple discussion par téléphone ou tests psychologiques et graphologiques),

– les conseils pour parvenir à se faire recruter (qui semblent tous complémentaires),

– les points de vue sur les docteurs et leur expérience de recrutement les concernant…

 

On peut considérer cette diversité comme rassurante car cela permet de donner des chances à la diversité des candidats, notamment à ceux ayant des profils atypiques. Leurs idées peuvent être différentes, complémentaires, contradictoires, voire opposées ! Mais il y avait davantage de convergences, de différences et de complémentarités que de contradictions et d’oppositions (même si ce n’est pas forcément rassurant pour les docteurs qui veulent travailler dans le privé !). En tout cas, nous étions surpris de découvrir de nouvelles idées, de nouvelles manières de faire, penser et d’être à chaque entretien, y compris au niveau du trentième !

Donnons un exemple : Il existe des classements officieux, informels, secrets… au sein des grands groupes et que connaissent certainement une grande partie des consultant(e)s et directeurs(trices) de cabinet mais dont une seule personne nous a parlé. Cette personne est-elle sortie de la « langue de bois » des cabinets de recrutement ou ce propos n’est pas venu dans la conversation car notre questionnement ne les y a pas conduits ? Aux cabinets de répondre à cette question. Mais profitons-en pour expliquer ces classements où le diplôme fait l’objet d’un positionnement par rapport à une grille des salaires :

– Les étudiants issus d’université et ayant un master 2 sont aujourd’hui dans le groupe C alors qu’ils étaient auparavant dans le groupe D.

– Les diplômés de master 1 sont restés dans groupe D.

– Les docteurs sont dans le groupe B avec les étudiants des écoles !

– Le groupe A contient, quant à lui, tous les étudiants issus des grandes écoles (X, Central, Mines…).

C’est déterminant pour trouver un premier poste et évaluer le salaire même si :

– le projet professionnel compte,

– il y a des recrutements éclectiques de la part des entreprises,

– il y a des évolutions de carrière,

– cela concerne les grandes entreprises…

 

Pour ce qui concerne les points de vue des consultants sur les docteurs et leur expérience de recrutement, les avis opposés étaient possibles :

– certains voient l’insertion professionnelle des docteurs comme une activité ordinaire (leur recrutement dépendrait de leurs manières d’être, de leurs expériences, de leurs motivations, de leurs compétences…),

– d’autres comme une activité extra-ordinaire, voire impossible dans le secteur privé commercial – surtout s’il s’agit d’un docteur en sciences humaines et sociales – car les docteurs perdraient trop de valeur sur le marché du travail – ne serait-ce que par rapport aux étudiants qui étaient en master avec eux et dont ils étaient aussi bons, si ce n’est meilleurs – du fait de la longueur, l’inutilité concrète de leur doctorat…

 

De ces avis découlaient des opinions sur la pertinence de la présente recherche :

– d’autres se demandaient l’intérêt de la question car ils considèrent les docteurs comme des candidats comme les autres,

– certains se demandaient l’intérêt de notre questionnement au sujet des docteurs car ils ne rencontrent jamais ou presque de docteurs et ne les font pas recruter de toute façon.

 

Ces divergences nous conduisent à un lancer un appel aux chercheurs pour qu’ils réalisent une étude plus poussée sur le sujet et pour qu’ils répondent à certains de nos questionnements :

– La grande taille d’un cabinet le conduit sans doute à recevoir davantage de candidatures de docteurs car ils ont davantage d’offres d’emploi et qu’il leur donne davantage de visibilité. Mais ces grands cabinets permettent-ils pour autant de recruter (par exemple, proportionnellement) davantage de docteurs ? Lors de cette enquête, nous avons vu que des petits ou moyens cabinets pouvaient recruter un nombre non négligeable de docteurs (même si nous ne disposons d’aucune statistique sur le sujet).

– Le niveau d’étude, la fréquentation des universités (pendant et après les études) et des docteurs (nous avons interviewé des personnes intervenant auprès des docteurs pour les aider à améliorer leur CV, leur lettre de motivation, à préparer leur approche des entreprises) semblent avoir un effet sur les consultants pour mieux comprendre le type de profil des docteurs, donc pour les encourager et soutenir lors du processus de recrutement. Mais parviennent-ils finalement à les faire recruter davantage que d’autres profils de consultant moins familiers des doctorants et docteurs ?

– Nous pouvons enfin nous interroger sur le profil des docteurs qui parviennent à se faire recruter dans le secteur privé (commercial ou non commercial) via du conseil en recrutement (ou non) :

– Ont-ils une double formation (ingénieur-docteur par exemple) ou une formation complémentaire au doctorat ?

– Ont-ils été très encadrés au sein de leur école doctorale ?

– Leur sujet de thèse était-il davantage susceptible de plaire à des entreprises ?

– Ont-ils eu des expériences professionnelles dans le secteur privé avant et pendant leur thèse ?

– Sont-ils particulièrement performant dans le domaine de la communication interpersonnelle ?

– Quelle place donnent-ils à leur thèse dans leur vie personnelle et sociale, mais aussi sur leurs CV, leurs lettres de motivation, leurs entretiens ?

– A quel type de poste candidatent-ils ?

– Quels profils socio-économiques ont-ils ?

 

Nous voudrions finir par un autre appel, celui qui consiste à demander aux cabinets qui n’ont pas été interviewés de nous contacter pour nous fournir des informations complémentaires sur les doctorants ou les docteurs qu’ils ont pu recruter. Nous les ajouterons à la fin de cet article et nous renverrons vers leur site internet. Nous considérons cet article comme du work in progress auquel chacun pourra participer grâce aux informations dont il dispose à son niveau.

Un dernier appel pour la route : ce serait intéressant d’avoir des expériences de doctorants et docteurs à propos des cabinets.

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