Quels que soient les résultats de l’élection présidentielle ce dimanche 7 et quels que soient les doctorant(e)s et docteur(e)s dans les équipes de Marine Le Pen et Emmanuel Macron, il semble qu’il y aura beaucoup de mécontents dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR). A l’image, des manifestations prônant le « ni patron ni patrie ».
Mais certainement plus si c’est Marine Le Pen qui gagne. Certains présidents d’Université, comme Alain Bonnin (président de l’université de Bourgogne), ont déjà appelé à faire « voter contre la candidature de Marine Le Pen » pour ne pas « s’égarer sur ces chemins obscurs ». Si ces appels posent des problèmes de « neutralité du service public », beaucoup de doctorant(e)s et docteur(e)s se retrouveront dans ces propos : voir les appels de la CJC et de l’Andès du vendredi 5 mai. Le FN étant encore assez peu implanté dans l’ESR, à l’exception des récents collectifs Marianne (branche étudiante du Front national) et Racine (la branche des « enseignants patriotes » du Rassemblement bleu marine (RBM)) qui sont à l’origine d’une partie du programme de Marine Le Pen.
Concernant justement les « 144 engagements » de Marine Le Pen, peu d’entre eux concernent directement les doctorant(e)s et docteur(e)s dans la dimension « valorisation professionnelle » qui intéresse particulièrement Doctrix. Educpros a relevé 7 engagements liés à l’ESR : « la langue française » (96), laïcité et sécurité (102), « sélection au mérite » (106)…
Notons, au sujet de la « valorisation professionnelle », l’engagement 83 qui vise à « transférer aux établissements supérieurs d’enseignement général et professionnel la charge de trouver une offre de stage à chaque étudiant ». Cela permettra d’étoffer les CV (des étudiant(e)s et des doctorant(e)s) et les services d’orientation des universités. En effet, Marine Le Pen souhaite « mettre en place un service public d’orientation afin de mieux guider et accompagner les élèves dans leur orientation ».
Sur cette question de l’orientation, Emmanuel Macron dit qu’il exigera que « chaque établissement de l’enseignement supérieur publie en toute transparence les taux de réussite et les débouchés professionnels, par formation, de ses anciens étudiants ». A propos de notation, il souhaite aussi faire évaluer :
– l’ouverture sociale,
– les co-financements européens et privés,
– la performance en recherche,
– la politique patrimoniale,
– les cours…
En ce qui concerne la recherche, Marine Le Pen souhaite :
– « promouvoir les secteurs stratégiques de la recherche et de l’innovation, en augmentant la déductibilité fiscale des dons » (engagement 41),
– empêcher qu’une société soit cédée à une société étrangère pendant dix ans lorsqu’elle a reçu des subventions publiques (engagement 41),
– « recentrer le Crédit Impôt Recherche vers les PME et les startups » (engagement 51),
– « diriger une part de l’assurance-vie (2 %) vers le capital-risque et les startups » (engagement 51),
– « inciter les grands groupes à créer leur propre fonds d’investissement dans les entreprises innovantes » (engagement 51),
– « soutenir une filière française de l’hydrogène (énergie propre), par un appui de l’État en matière de recherche et développement, afin de réduire notre dépendance au pétrole » (engagement 135).
Emmanuel Macron a, quant à lui, pour objectif d’engendrer des pôles d’innovation comparables à la « Silicon Valley » ou la « Route 128 » aux Etats-Unis. Il souhaite faire « confiance aux acteurs de terrain pour innover ou s’adapter à la diversité des besoins des étudiants » en combinant « autonomie et initiatives locales et démultiplication des soutiens publics ». Cela passe par :
– davantage de financements pour la recherche par projet,
– les projets qui privilégient la prise de risque,
– les projets qui privilégient l’exploration des frontières de la connaissance,
– les partenariats entre les entreprises et la recherche publique,
– les dispositifs d’encouragement des chercheurs à l’entreprenariat confortés,
– la recherche sur le réchauffement climatique et la transition environnementale,
– une politique générale d’ouverture à tous les chercheurs et talents (les spécialistes étrangers de l’environnement bénéficieront de visas délivrés plus rapidement, et d’un titre de séjour spécifique et pluriannuel),
– la poursuite des initiatives d’excellence via les programmes d’investissement d’avenir.
En ce qui concerne le recrutement des docteur(e)s, Emmanuel Macron souhaite donner davantage de liberté aux « universités et aux grandes écoles la liberté de recruter elles-mêmes leurs enseignants-chercheurs suivant les standards internationaux de qualité et d’indépendance » (Il en sera de même pour les dirigeants de ces universités.). « La qualité des recrutements fera l’objet d’une évaluation a posteriori et interviendra dans les relations contractuelles entre l’État et l’université. »
Cela signifie la disparition du CNU (Conseil National des Universités) qui opère jusqu’à présent une sélection nationale des docteur(e)s. Ce type de proposition a déjà fait sortir à de nombreuses reprises les enseignants-chercheurs dans la rue. Pourtant, ce mode de sélection n’existe pas à l’étranger et dévalorise en quelque sorte le(la) docteur(e), le(la) directeur(trice) de thèse et le jury de thèse, mais aussi le jury de recrutement car cela revient à considérer qu’une thèse de doctorat ne suffit pas à candidater pour un emploi et que le jury de recrutement pour un poste ne recherche pas le meilleur profil.
Au-delà de la question de la plus grande liberté de recrutement, c’est aussi l’autonomie des présidents d’université, des enseignants-chercheurs et de l’ensemble de la communauté de l’université qu’Emmanuel Macron souhaite se voir déployer (contrairement à Marine Le Pen qui souhaite le statu quo) et qui risque de mettre les universitaires dans la rue.
Financièrement, Emmanuel Macron veut « sanctuariser » le budget de l’ESR et attribuer des moyens publics supplémentaires aux établissements d’ESR sur des bases contractuelles tout en encourageant la « diversification des sources de financement ». Tandis que Marine Le Pen plaide pour « augmenter de 30 % le budget public de la recherche (pour le porter à 1 % du PIB) » (engagement 41).
Au final, on voit se déployer deux visions de l’ESR qui reflètent deux projets politiques globaux. Marine Le Pen a une approche top/down, protectionniste, interventionniste, xénophobe, nationale et étatiste. Emmanuel Macron a une approche bottom/up, décentralisée, libérale, xénophiles (même s’il n’est pas opposé à une augmentation des frais de scolarités des étudiants étrangers), internationale, anglosaxonne (par exemple des bourses pour les étudiants issus de milieux défavorisés contre bourses au mérite pour Marine Le Pen).
Quel que soit le programme, la question de la valorisation des doctorant(e)s et docteur(e)s via la reconnaissance du doctorat n’est en tout cas pas directement au programme…
PS : Notons qu’Emmanuel Macron, qui aurait commencé une thèse (nous l’avons interviewé à ce sujet : https://www.youtube.com/watch?v=uyzcx7cEn00), propose d’élargir les horaires d’ouverture des bibliothèques universitaires (soirée et dimanche) et municipales ce qui peut intéresser les doctorant(e)s et docteur(e)s !
Sources :
http://blog.educpros.fr/doctrix/2017/04/18/11-candidats-et-0-docteur-mais/
https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/enseignement-superieur-recherche
https://www.marine2017.fr/propositions-en-videos/
https://www.marine2017.fr/wp-content/uploads/2017/02/projet-presidentiel-marine-le-pen.pdf