Quand on connaît la difficulté à faire des études à l’étranger, et en particulier un doctorat, pour des raisons matérielles, humaines, économiques… : trouver un logement, se socialiser… Quand on sait que 80% font des sacrifices sur le plan financier. Quand on connait les idéaux et ambitions que portent les doctorant.e.s lorsqu’ils se lancent dans une thèse : partage, ouverture… Quand on sait que 40% des doctorant.e.s et 40% des docteur.e.s sont étranger.ère.s. Quand on sait que les universités sont en pertes d’attractivité. Quand on connaît la compétition pour l’innovation et les brevets qui ne fait que s’accentuer. Quand on sait que la langue française a perdu beaucoup de poids au niveau international. Quand on sait les enjeux économiques, sociaux, environnementaux auxquels la France et le monde font face et vont devoir faire face grâce au progrès scientifique. Quand on sait que les étudiants étrangers coûtent 3 milliards d’euros et en rapportent 4,65 milliard d’euros à l’État français chaque année. Quand on sait que les étudiant.e.s, doctorant.e.s et docteur.e.s étranger.ère.s payent bien des impôts en France via la TVA par exemple. Quand on sait qu’à l’issue de leur séjour, 65 à 85% des étudiants étrangers deviennent des prescripteurs favorables à la France : plus de 85% d’entre eux comptent revenir en France pour du tourisme, et près de 87% conseilleraient la France comme destination de vacances. Quand on sait que créer des inégalités pourra créer des tensions, jalousies… Quand on voit se développer tous les nationalismes et chacun se refermer sur soi alors qu’il faut plus que jamais s’ouvrir aux autres.
Alors on ne peut pas comprendre la décision gouvernementale qui consiste à augmenter les droits d’inscription pour les étudiant.e.s étranger.ère.s extra-européen.ne.s : 2 770 euros pour une année de licence (contre 170 euros actuellement) et 3 770 euros pour une année de master ou en doctorat (contre 243 euros et 380 euros actuellement). Sans doute que c’est légal selon Libération (beaucoup moins selon Paul Cassia qui voit différence de traitement manifestement disproportionnée ; ou pour la Cour des comptes qui parle d’une « hypothèse risquée ») et sans doute que c’est fait à l’étranger (Beaucoup d’universités étrangères, notamment anglaises et américaines, imposent des droits d’inscription très élevés.), mais est-ce légitime pour autant ? Ne peut-on pas conserver un modèle alternatif ?
Il s’agirait plutôt de diminuer ces coûts d’inscription (Le Collectif Acides demande la gratuité.), de créer davantage de contrats doctoraux, d’ouvrir davantage de postes… pour faire venir davantage d’étudiant.e.s, doctorant.e.s et docteur.e.s étranger.ère.s. A ce sujet, le gouvernement prévoit de mettre en place 15 000 « bourses d’études » (contre 7 000 aujourd’hui) qui seront délivrées par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Mais c’est une goûte d’eau dans l’océan par rapport aux 500 000 étudiant.e.s internationaux.ales espéré.e.s.
Tout se passe comme si ce projet gouvernemental visait à évincer les étudiant.e.s africain.e.s au profit des étudiant.e.s d’autres régions du monde : Yann Bisiou fait référence à la politique de Claude Guéant envers les étrangers. Tout se passe comme si ce projet visait à préparer les esprits à la hausse des frais d’inscription « pour tous.tes » telle que le préconise la Cour des comptes (965 euros en master et 781 euros en doctorat) pour obtenir 432 millions d’euros de ressources supplémentaires, prélude à une baisse équivalente des dotations étatiques. Tout se passe comme si ce projet visait un endettement massif des étudiants et à affaiblir les plus faibles (Le groupe Jean-Pierre Vernant fait référence aux gilets jaunes. Il n’y a jamais eu autant d’inégalités : au cours des vingt prochaines années, moins de 500 personnes transmettront plus de 2100 milliards de dollars à leurs héritier.ère.s).
Personnellement, j’ai fait une partie de mes études au Vietnam à l’Université de droit de Can Tho grâce à une lettre de recommandation de Paul Cassia (Merci infiniment à lui pour ses TD, cette lettre et ce qu’elle m’a permis de faire.) mais aussi au fait que les coûts étaient faibles pour partir là-bas, en dehors des billets d’avion. Nous avons été accueillis comme des rois dans ce pays qui demande un travail d’adaptation et d’acculturation. Nous avions des conditions de vie matérielles supérieures aux étudiant.e.s vietnamien.ne.s grâce à la politique d’accueil de l’université. Nous avons reçu des enseignements adaptés. Nous avons été invités dans les familles des étudiant.e.s et des enseignant.e.s. L’Université de Can Tho et le Vietnam nous ont fait honneur. C’est une politique que le gouvernement français devrait suivre car c’est honneur de voir des étranger.ère.s venir en France.
Appel à un rassemblement le 1er décembre 2018 : Tribune de 14 associations et syndicats étudiants
Dr Sebastien Poulain
Références :
Billet du Groupe Jean-Pierre Vernant Le Blog
Des étudiants étrangers aux gilets jaunes
La CJC
Appel des associations de la Confédération des Jeunes Chercheurs
Appel à un rassemblement le 1er décembre
Tribune de 14 associations et syndicats étudiants
Billet de blog d’Olivier Ertzscheid
#BienvenueEnFrance
Billet de blog de Yann Bisiou
Frais d’inscription pour les étudiants étrangers : Guéant sort de ce corps !
Billet de blog de Paul Cassia
Augmenter les frais d’inscription des étudiants étrangers ? Pas en mon nom.
Tribune d’Eric Fassin et Bertrand Guillarme
Attirer les plus riches et, en même temps, écarter les plus pauvres.
Tribune de Pierre Bayard, Denis Bertrand, Jean-Louis Fournel et Mireille Séguy
Augmentation des droits d’inscription pour les étrangers : le choix de l’inégalité
Tribune d’Augusta Lunardi
Monsieur le premier ministre, vous ne connaissez pas notre réalité
Tribune d’Hicham Jamid
Débat : « Bienvenue en France » aux étudiants étrangers, vraiment ?
Tribune d’Isabelle This Saint-Jean
Pour attirer les étudiants étrangers, le gouvernement veut les faire fuir
Tribune d’un collectif de chercheurs en philosophie
Comment le gouvernement veut procéder à un tri sélectif des étudiants étrangers.
Tribune d’Isabelle This Saint Jean, Frédéric Sawicki, Politiste, Marion Fontaine, Didier Chatenay, Frédérique Matonti et Michel Saint Jean
Faire payer les étudiants étrangers pour mieux faire s’endetter tous les étudiants.
Tribune de la section internationale de l’ENS Nous, étudiants étrangers, défendrons l’enseignement public français
Tribune d’un collectif d’étudiants de l’ENS.
On étudie ici, on reste ici
Dans le journal Le Monde
Universités : les étudiants étrangers devront payer plus cher.
Dans le journal Le Monde
Les étudiants africains, laissés-pour-compte de la nouvelle stratégie universitaire française.
Dans le journal Le Monde
Hausse des frais universitaires : « un rêve qui se brise » pour les étudiants africains
Sur Mediapart
Frais d’inscription pour les étudiants étrangers: une logique contraire à l’intérêt général et au service public.
Dans le journal Libération
Le gouvernement va faire payer plus cher les étudiants étrangers : est-ce légal?
Dans le journal Le Figaro
Les étudiants étrangers rapportent chaque année 1,6 milliard d’euros à la France
Rapport de la cour des Comptes
Les droits d’inscription dans l’enseignement supérieur.
L' »autonomie » financière
Le chat de Schrödinger, la tour d’ivoire et la marée de merde
Ouvrage du Collectif Acides
Pour un enseignement supérieur gratuit et émancipateur
Tribune de Christian Joschke
L’éducation payante repose sur des idées reçues
Tribune de Léonard Moulin, David Flacher et Hugo Harari-Kemardec
Vers des études payantes pour tous ?
Tribune de Léonard Moulin, David Flacher et Hugo Harari-Kemardec
Frais de scolarité dans l’enseignement supérieur. Arguments et résistance internationale.