
Permettez-moi de vous faire part de la publication d’une décision du Tribunal Administratif de Paris qui annule un concours de recrutement de MCF qui s’est tenu à l’université Paris-Dauphine en 2019.
J’ai été classé deuxième sur ce poste de sociologie urbaine ayant un fléchage marqué en méthodes quantitatives. C’était alors ma quatrième campagne de recrutement et la sixième fois que j’étais classé dans un concours. Plus encore que les autres fois, je ne comprenais pas ce classement. J’ai donc (pour la première fois et suite à un message de l’ANCMSP nous encourageant à le faire) demandé les documents officiels censés justifier le choix du comité de sélection.
J’ai eu beaucoup de difficultés à obtenir ces documents normalement communicables, et ce n’est pas à leur lecture que j’ai pu trouver des justifications légitimes. L’avis motivé sur l’ensemble des candidatures est quasiment vide, et les avis individuels sur chaque candidat n’en disent pas plus.
Face à mon incompréhension, de nombreux collègues ont essayé de me dissuader d’avoir recours aux tribunaux : « ne pas faire de vagues », « les recours n’aboutissent jamais », « à la longue tu finiras par trouver un poste ». Je dois dire que je ne m’attendais pas à un tel niveau de violence symbolique !
J’ai tout de même fait un recours. J’aimerais d’emblée préciser que cette démarche contentieuse n’est pas un affront à la personne retenue lors du concours. C’est plutôt le témoignage (un parmi d’autres malheureusement) de l’usure d’un jeune chercheur mis en difficulté depuis des années, non pas seulement par le manque de postes, mais aussi, il faut le dire, par le fonctionnement très opaque des modes de recrutement.
Avec une fiche de poste aussi précise, notamment concernant les méthodes quantitatives et la nécessité d’avoir enseigné dans le domaine, une justification objective du choix aurait normalement pu être formulée par le comité. En l’absence, on ne peut qu’imaginer le pire et s’indigner.
De son côté, l’université qui organisait le concours a suivi une stratégie de défense qui en dit long. Je cite son mémoire en défense : « Le requérant demande en réalité au juge l’excès de pouvoir de contrôler l’appréciation par le comité de la valeur respective des candidatures. Or en application des principes de la souveraineté et de l’indépendance des jurys il est constant que cette appréciation échappe au contrôle dudit juge ». Selon l’université, les comités seraient donc souverains, il n’y aurait pas lieu pour les candidats de leur demander des comptes devant les tribunaux.
Pourtant, la décision du TA de Paris du 9 février 2022 annule le concours au motif que l’avis du comité « ne contient aucune motivation justifiant des choix opérés et du classement effectué ».
Au-delà de mon cas personnel, ce message vise surtout à informer les jeunes chercheurs et chercheuses que des tribunaux et des jurisprudences (notamment celle en PJ) existent et qu’il est possible de les mobiliser. On ne devrait plus accepter les zones d’ombre même si les « ne fais pas de vagues » déferlent sur nous.
Bon courage tout de même pour la campagne de recrutement à venir !
4 Responses to Annuler un concours administratif (maître de conférences, professeur des universités…) : est-ce possible ?