Martin Hirsch, carte maîtresse dans le jeu d’ouverture de Nicolas Sarkozy, a laissé le soin au chef de l’Etat de divulguer – enfin ! – les principales mesures de son « Plan Jeunes », mardi 29 septembre.
L’urgence est là : économique, sociale et éducative. La France a un problème grave avec sa jeunesse. La génération actuellement en formation sera la première à ne pas forcément bénéficier des mêmes métiers et statuts que la précédente. Nous continuons à consommer par l’endettement massif, l’économie a amorcé un ralentissement global sous nos latitudes et les perspectives dans le secteur du développement durable restent limitées.
Tout cela va peser sur notre jeunesse ! Regardons de plus près quelques mesures du « Plan jeunes », ciblées formation/orientation.
Le service public de l’orientation.
Se repérer dans le millefeuille des formations devient une gageure. D’autant que chaque entité assoit sa visibilité en s’opposant à son voisin ! Public/privé, bac pro/bac général, BTS/prépa, fac/grandes écoles… : ce sont des combats d’un autre âge. L’avenir n’est pas au catalogage mais au travail collaboratif. Je suis donc tout à fait d’accord avec la grande réforme de l’orientation proposée. De bons outils existent mais, là encore, tout est dispersé que ce soit dans la sphère privée (groupe L’Etudiant), ou dans le public avec l’Onisep, l’APEC, l’ANPE, les observatoires des organisations professionnelles, le Centre Inffo, le CIDJ… Pas facile de s’y retrouver !
Mes préconisations pour ce nouveau service de l’orientation sont les suivantes :
– Bâtir une offre exhaustive et de qualité.
Il manque une approche globale pour faciliter l’information « métiers » du public. Pourquoi ne pas mettre en place un guichet unique pour centraliser les demandes ? Le « plan jeunes » propose également de labelliser les organismes d’information et de conseil. J’applaudis des deux mains ! Cela permettra de garantir le sérieux du service proposé et d’éviter l’intrusion de margoulins cultivant le discours de la peur pour réaliser leurs affaires…
– La rendre dynamique.
L’orientation n’a pas vocation à cataloguer les jeunes, ni de proposer de réponse unique et inique ! C’est la mise en perspective des choix possibles qui doit inspirer le conseil prodigué. Le droit à l’erreur est possible. Proposer des formations mono-métier, très spécialisées comporte un risque. Car les emplois de demain ne sont pas encore connus… Et comme je l’ai rappelé dans un post précédent, le salut dans toute formation, passera par le développement de la culture générale, de la créativité et de l’esprit critique. L’ouverture d’esprit n’appartient pas aux seuls intellos !
– S‘adapter au fonctionnement des jeunes par la mise en place d’outils ad hoc : web 2.0, interactivité, personnalisation, mobiles…
– Permettre l’identification.
Les jeunes n’ont pas une confiance absolue en ma génération. Leur permettre de s’identifier, par l’exemple, à d’autres parcours de collégiens, de lycéens ou d’étudiants crédibiliserait le discours.
– Associer les organismes d’enseignement, de formation professionnelle et les entreprises.
Rien de plus efficace pour les pros que de parler directement aux jeunes. Je me rappelle de la campagne d’information sur les métiers de la boucherie/charcuterie réalisée par le syndicat professionnel lui-même. Résultat : un impact positif et fructueux sur les jeunes. L’orientation n’étant pas vécue comme une sanction mais comme un choix.
Les plateformes « décrocheurs ». Attention fausse bonne idée ! Sur ce point, je suis pour un dispositif temporaire face à l’urgence, mais opposé sur le fond à cette mesure car cela voudrait dire non seulement que le système a atteint ses limites mais qu’il faudra créer des plateformes de « décrocheurs décrochés », etc. Un discours réaliste sur les formations s’impose. Tout le monde ne peut pas prétendre à l’excellence mais toutes les formations et tous les métiers sont honorables. C’est dans ce sens qu’il faut travailler.
L’alternance. Certainement à développer mais pour tout le monde ! En tant que directeur d’ESC, je obligé de refuser 30 à 50 contrats d’apprentissage, chaque année, faute de financements, aussi bien pour des étudiants que pour des entreprises…
Erasmus des apprentis. A 100% oui. Ce serait une manière d’aller plus loin, de prolonger le programme Erasmus par une expérience professionnelle. Complexe à mettre en œuvre, cette idée serait cependant une vraie révolution si elle concernait tous les établissements y compris professionnels. On peut même réinventer un compagnonnage des apprentis à travers l’Europe !
Fonds d’aide, CIVIS, Droit à la formation. Toutes ces mesures vont dans le bon sens mais attention aux cibles et au contrôle des aides. La question du pilotage de ces dispositifs se pose également. Pour le CIVIS, le paiement des aides doit être calé sur des résultats. Et concerner aussi le supérieur car la proportion des étudiants en grande précarité est importante.
Ce « plan jeunes » est, peut-être, une bonne idée mais trop partielle. La condition de sa réussite suppose qu’il y ait d’autres plans (lycée, école, enseignement supérieur…) dans une perspective globale et cohérente. Une multitude de plans* cacophoniques et sans liens serait un échec. Comme on dit chez nous, le gratin est un mélange de « plein de choses » cuites ensemble et non un millefeuille !
* les conclusions du « Plan lycées » de Richard Descoings sont attendues à l’automne, celle du « Plan de relance de l’apprentissage » de Laurent Wauquiez pour décembre 2009. A qui le tour ? Ne serait-on pas en droit de demander d’urgence un Grenelle de la formation et de l’enseignement !
Cher collègue blogueur. Je mettrai davantage de « mais » au terme de l’analyse du discours de Nicolas Sarkosy sur la politique de la jeunesse. Les diplômés de l’enseignement supérieur, en galère après l’obtention de leur diplôme, sont les oubliés de Martin Hirsch http://histoireuniversites.blog.lemonde.fr/2009/10/03/les-oublies-de-m-hirsch/
Cordialement