La France est un pays de repentance. Le livre de Florence Noiville*, « J’ai fait HEC et je m’en excuse… »* en est la parfaite illustration… Il a cependant le mérite de poser des questions et d’alimenter la réflexion.
J’ai apprécié quelques passages comme cette phrase à l’adresse des banquiers : « votre problème, c’est que vous n’avez pas assez de cons comme moi dans vos équipes. Prenez-moi ! […] Quand l’opération me parait trop belle […], comme je suis un peu bête, je ne signe pas… ». Ou le chapitre I have a dream, tentative de réforme d’HEC sous la forme d’un rêve. J’ai néanmoins eu la fâcheuse impression de lire un pur produit marketing critiquant le… marketing.
Le monde d’HEC et des ESC dont nous parle Florence Noiville a bien évolué depuis 25 ans ! Et les écoles de management françaises, reconnues mondialement, ont fait un travail fantastique depuis.
L’auteure le sous estime dramatiquement. Il suffit de consulter le dernier classement du Financial Times daté du 5 octobre 2009. Pour les Masters en management, six des sept premières places mondiales sont occupées par des écoles françaises ! Il est de bon ton de critiquer et de diaboliser les très « onéreuses » écoles de management qui ne bénéficient, d’ailleurs, d’aucunes subventions ! Leur poids économique, social et académique est cependant incontestable. Et que dire de la vitrine internationale qu’elles offrent à notre pays ? Les temps ont changé, le mur de Berlin est tombé, la mondialisation s’est imposée, tout comme l’économie numérique. Nos écoles forment des jeunes aux profils divers qui font avancer leurs entreprises ! Cela nous motive à faire évoluer, sans cesse, nos manières d’enseigner.
Notre mission est complexe. Les entreprises demandent de jeunes professionnels à la fois opérationnels et capables de s’adapter en permanence. Ils doivent être des managers rompus dans leur spécialité et prêts à passer de poste en poste. Cette aptitude à gérer le management horizontal et vertical est essentielle mais délicate. J’ai abordé dans mes articles précédents cette nécessité impérieuse de les préparer à… l’inconnu, en leur donnant, bien sûr, de solides connaissances métier mais une ouverture, une culture et un sens critique développés.
Qui aurait-pu prévoir les déréglementations actuelles, le développement des réseaux sociaux, une telle succession de crises, l’apparition de comportements générationnels inédits (comme ceux de la fameuse génération Y) ? Comme le chirurgien, nos étudiants doivent apprendre le bon geste répété mille fois sans perdre la capacité d’agir dans l’urgence ou dans un environnement inconnu, tout en conservant leur sang froid ! Florence Noiville considère, par exemple, que les cours d’éthique sont du « pipeau ». La question mérite d’être posée. Mais comment l’enseigner ? Comment aider nos étudiants à ne pas « disjoncter » comme ce bon élève trader que nous connaissons tous ? Nos étudiants ne sont pas, non plus, dans une bulle. Leurs proches ont été touchés par la crise et certains licenciés du jour au lendemain. L’une des clés consiste à leur donner les moyens de construire leur propre grille de lecture du monde.
Nos écoles ont été pionnières en matière de diversité. Il faut accélérer le processus. C’est à la fois la demande des entreprises et la grandeur des écoles de commerce que d’offrir un parcours à chacun. Les salles de classes doivent refléter la diversité de la société. Et recruter cette diversité ne constitue pas un alibi ou une sélection par défaut. Les ESC accueillent des profils sociaux variés, des étudiants provenant de formations différentes. Nos processus de sélection doivent être adaptés à ces populations. Nos écoles bouillonnent ainsi d’idées et d’initiatives. Notre pire ennemi, c’est la pensée unique et le formatage.
Investir les débats de société. Là encore, la demande des entreprises renforce notre conviction de participer encore plus intensément aux grands débats d’idées qui agitent le monde. Nos étudiants sont très actifs dans ce domaine. Par cette ouverture – y compris avec d‘autres établissements du supérieur – nous valoriserons notre Recherche sur des thèmes essentiels comme le stress au travail, les métiers et compétences de demain, les organisations du futur. On doit y être ! Et surtout pas de malthusianisme !
J’en ai assez des atermoiements. Un monde terrible nous attend. Soyons en mouvement !
A la disposition de Florence Noiville pour en discuter !
*Florence Noiville est diplômée d’HEC et de Sciences-Po Paris, titulaire d’une Maîtrise de droit. Elle a débuté sa carrière dans l’analyse financière pour une société américaine. Puis change radicalement de trajectoire en devenant journaliste et écrivain (livres pour enfants, biographie, roman). Elle est l’épouse de Martin Hisrch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, membre du gouvernement.
Bonjour,
Pour commencer le débat avec Florence Noiville … vous pouvez lire son interview sur educpros.fr à propos de cet ouvrage
http://www.educpros.fr/detail-article/h/75afef363d/a/florence-noiville-les-diplomes-dhec-sont-taraudes-par-la-quete-de-sens.html
Elle confronte son point de vue à celui d’Hervé Crès, directeur des études de Sciences po Paris et ancien directeur de la grande école d’HEC. C’est très intéressant !
Cordialement
Camille