C’est en substance la question posée par le gouvernement il y a quelques jours, qui fait écho à la conférence organisée pour les 25 ans de l’Ecole en novembre dernier et à celle qui s’est déroulé la semaine dernière sur l’innovation et les services...
Oui. Mais tout doit changer. Les modèles construits sur le cycle création/délocalisation ou sur la très haute technologie ne fonctionnent plus. Il faut réformer l’articulation entre les lieux de conception, de production, de diffusion et d’administration des produits industriels. Cette mutation pose nombre de questions.
Le social en première ligne. Que vont devenir ces milliers de licenciés de l’industrie qui dépendaient soit d’une mono activité, soit d’une sous-traitance contrainte ? Comment reclasser dans un paysage en pleine mutation le cadre moyen de l’industrie ou les ouvriers de Continental ? Qui plus est dans un bassin d’emploi en perte de vitesse ?
Des modèles industriels à inventer. De l’industrie verte aux biotechs en passant par les nanos, les pistes de développement sont nombreuses. Mais le modèle est à revoir. La France, championne du monde de la haute technologie bute sur sa capacité à concevoir et vendre des produits accessibles et répondant à la demande. Ne sommes-nous appuyés sur un modèle faussement rassurant ? Un EPR en panne, des TGV qui peinent à l’export… Les grands groupes industriels français masquent un manque structurel de PME performantes et souples, telles qu’en Allemagne. Les experts de notre Festival de Géopolitique 2010 « Vive la France…. quand même ! » viendront d’ailleurs en débattre les 28, 29 et 30 mai 2010 à Grenoble.
Le salut passera par une industrie créatrice de produits de bon sens, moins sophistiqués. Des produits du quotidien ! Dont le design sera conforme aux attentes de ses clients, de plus en plus sensibles, par exemple, au développement durable. La création d’innovations de rupture est également essentielle mais leur succès passera par une appropriation sociétale et de vrais débats. Je pense ici aux nanos…
La question des délocalisations. Elle ne doit plus être un tabou. Certaines activités sont, par nature, délocalisables car trop éloignées de leur marché ou non rentables. D’autres relocalisables car liées à une demande de proximité ou à forte valeur ajoutée. L’agroalimentaire, la santé, le développement des circuits courts ont certainement un bel avenir devant eux. Il faut donc repenser sans a priori la chaîne de valeur : conception / production / diffusion, développer un marketing de niches. Le potentiel est énorme.
Le rôle de l’Etat et de la Recherche. Il est primordial pour épauler le développement de nos entreprises industrielles dans leur conquête et leur développement. La création d’un bureau international d’appui aux PME serait très utile. Le Recherche a également un rôle essentiel à jouer : les lieux de rencontre recherche/industrie sont à développer via les clusters, les pôles de compétitivité mais attention à la dispersion ! Exister à l’échelle monde impose une taille critique et des moyens importants. Nous le savons bien en tant que membres du nouveau campus d’innovation grenoblois GIANT.
Changer de logiciel et d’image. Les nouveaux capitaines d’industrie auront changé de logiciel… mais la rupture est encore à venir. Bâtir pour longtemps sur des nouvelles bases… un challenge stimulant mais ô combien exigeant pour les nouvelles générations. Les chemins du développement industriel passeront par plus de créativité, plus de bon sens, plus de transversalité en valorisant les doubles cursus : ingénieur/manager, manager/designer, manager/journaliste, etc. L’industrie fait-elle encore rêver les jeunes générations ? Non. Attirer et fidéliser de nouveaux talents, tels sont les enjeux d’un secteur qui conserve d’énormes atouts en main, s’il décide de faire sa révolution culturelle !