C’est un problème récurrent qui traverse le monde des médias et beaucoup plus largement celui de l’éducation, à l’heure d’Internet et du partage instantané de l’information. Comment analyser ce fléau ? Comment l’endiguer et surtout comment l’expliquer à des étudiants souvent médusés par les mesures coercitives prises à leur encontre.
Profusion d’informations, profusions de travaux.
Vous êtes étudiant et vous devez rédiger une synthèse sous power point pour votre cours de stratégie ? En quelques clics, l’affaire est réglée : plateformes agrégeant ce type de documents, sites de création d’études de cas à la demande, ou tout simplement surf malin via les moteurs de recherche, permettront vraisemblablement de passer pour un expert sans… expertise. La tentation est, en effet, grande de « piller » une matière intellectuelle si facile d’accès, le plus souvent gratuitement. Ce plagiat délibéré existe bel et bien, accentué par des demandes de plus en plus nombreuses de rédaction de fiches de lectures, de notes de synthèse et de dossiers dans les cursus supérieurs.
Le moins répréhensible serait de citer ses sources. Mais, là encore, la règle de la citation ou de l’usage intensif du numérique ne semble pas la priorité en matière d’éducation à la française. Fatal error, car c’est bien une culture du respect de la propriété intellectuelle qu’il faut renforcer comme s’y attache, aujourd’hui, des qualifications comme le B2i (Formation internet/informatique élève) dès le collège.
Le mythe de la gratuité.
C’est une des explications que j’avance pour expliquer le développement du plagiat. Télécharger de la musique ou des films, est un « sport » quasi gratuit, rendu possible par la technologie. Et donc aspirer des informations, le serait aussi. Un raccourci facile mais justifié par la moitié des étudiants que nous prenons la main dans le sac. Ils tombent des nues et se disent aussi victimes. Ils acceptent la sanction mais n’en comprennent pas les fondements puisque la « gratuité » brouille le discours.
Quelles solutions ? Pas simples… Faire comprendre à l’étudiant qu’il a triché ne se résume plus à la seule explication de la règle et de son respect. Il faut questionner les modes d’apprentissage, limiter le « par cœur » et le quantitatif pour des étudiants gavés de connaissances et installés dans une société de l’urgence. C’est à nous, enseignants, d’inventer des modes d’évaluation où l’esprit critique, la synthèse et la prise de distance s’imposent. A ce titre, l’enseignement des techniques de l’enquête journalistique montre que la rigueur, le recoupement des informations, la citation des sources constitue une vraie valeur ajoutée. (voir mon post sur les apports du journalisme. Cela éviterait également aux étudiants indélicats de reprendre des extraits dangereux voire manipulateurs sans le savoir !
Imposer une charte de déontologie ? Tout le monde la signera mais les pratiques frauduleuses continueront.
Contractualiser les relations avec les étudiants sur ces questions ? Je ne crois pas à cette américanisation des rapports humains.
Trouver des solutions, c’est une question de bon sens.
La technique nous permet de filtrer les plus gros abus mais l’essentiel est bien de fixer de nouvelles règles d’évaluation mieux partagées. Et ceux qui rêvent du retour aux partiels classiques en amphi font fausse route au vu des optimisations non intellectuelles de la technologie… mais chut ! Nous ne divulguerons pas ici les dernières trouvailles de l’ennemi !
Bonjour Jean-François. Merci pour cette excellente chronique sur le plagiat étudiant. Vous avez raison : ni une charte éthique, ni des contrats avec les étudiants ne résoudront le fléau. Et d’accord avec votre souhait : « inventer des modes d’évaluation où l’esprit critique, la synthèse et la prise de distance s’imposent ». Je crois que cela passe par le développement des interrogations orales en face à face ; cela demande du temps mais permet de tester, à coup presque sûr, les 3 qualités que vous mentionnez.
Attention à ne pas oublier le plagiat enseignant. Je me suis fait injurier d’avoir présenté un cas sur mon blog. 22 chroniques sur le plagiat :
http://blog.educpros.fr/pierredubois/tag/plagiat/
Bien cordialement
Bonjour, oui il s’agit en effet d’un fléau. A l’ECE ce sont les étudiants qui sont à l’origine d’une campagne « anti-plagiat »
http://www.ece.fr/ecole-ingenieur/les-eleves-ingenieurs-de-lece-partent-en-campagne-contre-le-plagiat/
avec la réalisation de supports affiches et vidéos, exposés dans les locaux de l’école.
http://tube.ece.fr/browse-Campagnes-Antiplagiat-videos-1-date.html
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http://www.univ-tours.fr/1303981229854/0/fiche___actualite/&RH=1179492688847
Bonjour,
Je partage en partie votre analyse, notamment sur les apports du journalisme. Sur la rigueur du traitement de l’information notamment, une catégorie de personnels existe au sein des établissements supérieurs, à même de la diffuser auprès de tous, les documentalistes et bibliothécaires.
Cette culture à développer chez les étudiants de vérification des sources, de développement de l’esprit critique, etc. fait partie intégrante de ce que nous appelons dans notre jargon de documentaliste « formation à l’information » ou « information literacy » en anglais.
Les documentalistes des établissements supérieurs sont en première ligne, ont une expérience à partager et diffusent – lorsqu’on leur en laisse l’opportunité – leurs savoirs et compétences auprès des collègues enseignants et des étudiants.
Recherche pertinente, validation d’information, esprit critique et respect des citations sont le socle d’un cursus sans plagiat.
Mais les politiques volontaristes affichées de luttre contre le plagiat (service dédié, charte ou tout autre règlement) ont leur place si elles sont suivies d’effet et si elles s’accompagnent d’une éducation à l’information comme présentée ci-dessus.
Je plaide ainsi pour le mariage d’une relation contractuelle héritée des anglo-saxons – particulièrement dans la sanction et une formation à l’information plus latine partant des médiathèques mais irriguant toutes les formations dispensées dans l’enseignement supérieur.
Cordialement,
Jérôme GUEDON
Documentaliste et responsable du Service d’Intégrité Académique, EM Normandie