Le blog de Jean-François FIORINA

Voyage découverte dans l’élite des Colleges américains

Je reviens d’un intéressant voyage outre-atlantique, organisé par l’AGERA (Alliance des Grandes Ecoles de Rhône-Alpes). Au programme, la découverte de cinq des plus prestigieux Liberal Arts Colleges* (L.A.C). parmi les 252 existants, le top de l’université américaine, niveau bachelor (notre équivalent de la licence mais en quatre ans). Ces formations d’élite sont moins connues que les grandes universités de recherche type M.I.T. Elles portent cependant des projets très originaux. Outre le fait qu’on s’attend à croiser Harry Potter et ses copains dans les couloirs, voici quelques enseignements plus sérieux que j’en retire !

Encadrer pour réussir. J’ai été frappé par le niveau d’encadrement des étudiants (1 professeur pour 8/9 étudiants, une moyenne de 300 professeurs permanents, un effectif volontairement limité d’étudiants – 2400/2800). Tout est fait pour qu’ils réussissent. Il s’agit d’une pédagogie dans la tradition de « l’honnête homme », de l’épanouissement personnel, de la découverte avec une offre de 700 à 900 cours… D’ailleurs, les étudiants sont très motivés, ils peuvent travailler à fond, généralement du dimanche au vendredi soir – le samedi est libre, ces Colleges étant situés dans de petites villes où les distractions sont moins nombreuses… C’est la vision que j’avais quand j’ai découvert les Etats-Unis, il y a quelques dizaines d’années. Un accueil très professionnel, de larges bureaux, de grandes bibliothèques, un style très « nouvelle Angleterre ».

Les budgets de fonctionnement le permettent, bien sûr, grâce à une stratégie mono-produit – le diplôme du College –, couplée à une recherche de financements permanente. A l’heure ou l’on parle de fusions/regroupements dans le monde de l’enseignement supérieur et de permettre à tout le monde d’y arriver, ces structures démontrent qu’il n’y a pas qu’un modèle possible mais plusieurs. A noter que 40% à 50% des étudiants ne paient pas la totalité des frais de scolarité (40 K$ en moyenne) grâce à des aides et des bourses.

A ce titre, la stratégie des L.A.C. me semble pertinente pour la fabrication des élites (pour les établissements au top du classement) et dans l’ascension sociale du plus grand nombre pour les Colleges les moins bien classés. Plus de la moitié des Ph.D aux USA ont suivi un cursus L.A.C. Par contre, le « milieu de gamme » ne garantit peut-être pas un rapport coût/efficacité satisfaisant.

Transdisciplinarité. Cette notion n’est pas le résultat de superpositions comme en France mais d’un processus d’intégration, au sein même de l’institution. Au Smith College, j’ai été marqué par un professeur de biologie dont le cours sur le cancer du sein faisait également l’objet d’une exposition au musée (du College, s’il vous plait !) réalisée par des professeurs d’art sur le thème de la vision du corps humain dans la peinture.

L’étudiant peut choisir un parcours obligatoire ou à la carte. En 2ème année, ils se spécialisent dans une « major » voire une double « major ». Compte tenu de la multiplicité des cours, cela peut se traduire par des cursus très originaux : « sciences et musicologie », « français et bio-science », etc. Leur B.a ou B.s en poche, les étudiants partent travailler un an ou deux avant de reprendre des études en vue d’un Master.

Formation par la recherche et l’action. La majorité des cours adoptent une pédagogie « doing by learning ». Comme j’ai pu l’expliquer dans l’un de mes posts, le doctorat ne serait-il pas le meilleur diplôme ? C’est une voie que semble prendre les L.A.C., avec un travail étroit entre le corps enseignant et les élèves qui peuvent participer aux recherches de leur professeur, se mêler de pédagogie ou servir de tuteur aux nouveaux arrivants. Tout est prétexte aux études et à la découverte comme la vie extra scolaire ou même les vacances ! L’international est géré directement par le College. Pas ou peu de partenariats internationaux ou même américains. Mais des accords avec le M.I.T., par exemple, avec lequel les étudiants des meilleures L.A.C. peuvent suivre gratuitement les cours du prestigieux institut.

J’ai été également surpris de l’importance du français, une langue « majeure » à la fois pour son histoire et sa tradition mais également comme passeport pour travailler dans l’industrie du luxe.

Ce voyage m’a beaucoup apporté, nous qui sommes dans le développement des doubles-diplômes et dans une approche multi disciplinaire, à la différence des L.A.C. Ces établissements bien installés (depuis le milieu du 19ème siècle !) ne sont pas dans une course à l’extension mais plus dans une recherche de financements. Ils auront cependant deux défis à relever, justement, cette question des finances et celle du développement de la Recherche, élément crucial mais qui n’est pas (encore) un élément de compétition.

Un rapport complet de l’ambassade sera bientôt disponible. Je vous informerai de sa parution.

Les Colleges visités :

Commentaire (1)

  1. MBAYE

    En tant que directeur d’un programme international, j’avais noté beaucoup de ces caractéristiques dans des collèges de bien moindre facture que celles que vous avez visités. La place des humanités, l’ouverture au monde, les cours reprenant l’actualité, des enseignants-chercheurs avec un passé de consultant m’avaient littéralement « scotché ». Il se trouve que cette démarche est aussi répandue en Allemagne, au Mexique et j’en passe.
    Seulement on évoque ces partis-pris devant ses pairs en France, on reçoit en général un tir de barrage : « le stage », « l’apprentissage », « nous ne sommes pas l’université », « les parents ne comprendraient pas ». Cela n’empêche pas pour autant de courir les accréditations… De quoi y perdre son latin.

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