Avant d’aborder la (toute petite) place tenue par l’Europe dans la campagne présidentielle, je souhaite revenir sur celle de l’Enseignement supérieur et sur certaines propositions du nouveau président. J’espère que les décisions seront rapides et claires, en particulier sur deux points, car ce sont des urgences symboliques et sensibles :
- Le nombre de places réservées en classes préparatoires aux 5% à 6% des meilleurs élèves des lycées. Est-ce que cela va marcher? Pour quel objectif?
- La réforme de la licence. Et plus généralement la question de la mission de l’Université dans notre pays. Les trois premières années du supérieur ont-elles vocation à préparer l’entrée en master professionnalisant ou doivent-elles être plus sélectives et avoir leur propre finalité? C’est un point important puisque les premiers élèves de la réforme du lycée arriveront à l’Université à la rentrée 2013.
Mais revenons à l’Europe. Inexistante dans cette campagne, le 9 mai – sa fête… – a encore moins que d’habitude donné lieu à célébration et controverse. Inaudible en cette fin de campagne, j’en garde une certaine amertume. L’ Union européenne a beaucoup apporté à l’enseignement supérieur. Elle sert trop souvent de repoussoir de nos carences nationales.
Erasmus, son programme le plus emblématique, a brassé la jeunesse européenne avide de découvertes. Depuis leur lancement en 1987, les bourses Erasmus ont permis à plus de 2 millions d’étudiants de partir sereinement. Et sur les deux dernières décennies, ce sont les Français qui ont le plus levé l’ancre (15,24% du nombre total d’étudiants). C’est donc un véritable succès. Tout comme le processus de Bologne (1999) qui a jeté les bases d’un enseignement supérieur harmonisé en matière de diplômes et de crédits académiques.
Pour l’ESC Grenoble, le bilan a été également très positif. L’Europe nous a permis de développer, en grande partie, notre ambition internationale grâce à ses programmes de financement.
Il manque une dimension pédagogique au grand dessein européen.
L’Europe n’est pas un sujet d’enseignement. Il n’y a pas d’approche globale mais plutôt une segmentation par spécialités de niveau master en droit, en affaires publiques… Les métiers de l’Europe sont idéalisés comme celui de fonctionnaire européen ou plus tancés comme celui de lobbyistes. Il nous manque de vrais pédagogues de l’idée et du fonctionnement européen. Le « machin » comme le raillait le général de Gaulle n’a pas trouvé sa place dans l’esprit des Français, fi de la citoyenneté européenne ! Dans cette période de repli identitaire et communautaire, cette voix nous manque cruellement mais personne ne la porte réellement. Elle reste lointaine et abstraite, voire stigmatisée.
Idem dans nos entreprises. Ne faudrait-il pas les « européaniser » systématiquement ? Intégrer cette dimension dans leur stratégie ? Et faire de la dynamique du marché intra européen, une priorité.
J’attends donc une véritable approche pédagogie de l’Union et des professeurs capables de l’enseigner. Une ambition qui va bien au-delà de la seule question des finances et des marchés qui, à elle seule, constitue une filière à part entière. Cette pédagogie aurait pour objectif de renforcer le sentiment d’appartenance européen en illustrant concrètement ses réalisations dans notre vie quotidienne. Vous seriez surpris de voir ce qu’elle nous apporte tous les jours !