Le blog de Jean-François FIORINA

Formation professionnelle : rendez-vous manqué ?

Le calendrier de la réforme de la formation professionnelle qui glisse de 6 mois, n’est-ce pas une occasion manquée ? Celle de marquer les esprits en donnant, dans le contexte de l’accord compétitivité, un signal fort et rapide en direction des salariés et des entreprises ? Entre une offre de formations pléthorique et inégale, et le besoin impérieux d’augmenter l’employabilité de nombre de salariés et de demandeurs d’emploi, où en est la formation professionnelle ?

Le besoin de réforme est bien réel. De multiples offres de formation qui proposent monts et merveilles et stages improbables… On le voit bien certains surfent sur le business du malheur… et beaucoup d’argent circule sans véritable évaluation ni objectif. La première question à se poser serait donc de connaître l’utilité de cette manne pour supprimer les stages et formations « parking » qui sortent opportunément des statistiques du chômage les demandeurs d’emploi.

Quels enjeux ?

C’est d’abord celui de l’employabilité. Elle évolue de plus en plus vite. Se reconvertir, par exemple, demande une évolution de ses savoir faire métier mais, bien au-delà, celle de ses savoir être, de sa pratique numérique, des soft skills… Une approche fine que beaucoup de centres de formation n’aborde pas. Il y a donc urgence à fournir aux apprentis tous les éléments de leur intégration ou de leur réintégration dans le monde du travail.

C’est ensuite la question de l’accompagnement. La formation professionnelle ne peut réussir qu’avec un accompagnement professionnel et théorique de qualité. Les dernières études  du Centre d’Analyse Stratégique (CAS) montrent, par exemple, que les apprentis sont de plus en plus en demande de tuteurs professionnels de qualité et impliqués. Leur reconnaissance en tant que véritables acteurs de la formation passe par un meilleur positionnement et des rémunérations plus conséquentes. On peut également imaginer la participation de jeunes retraités, à titre bénévole, pour faire face à l’afflux des nouveaux apprentis. C’est ce qui se passe en Allemagne.

Autre enjeu important, comment imaginer ne fournir qu’une formation « classique », professionnelle à un individu sans se soucier de son développement personnel et des ses aspirations ? Notre monde évolue, les salariés et les demandeurs d’emploi aussi. Ils sont en demande d’un meilleur avenir, certes, mais également de plus de sens dans leur activité et leur parcours.

Recommandations

Comme directeur d’une grande école, je m’intéresse à ces sujets tout simplement parce que nous en sommes aussi les acteurs. C’est une dimension de l’école du futur que je défends et qui va devoir intégrer de manière forte nos anciens. Je vois deux axes d’amélioration pour la formation professionnelle.

  1. Plus de rigueur pour les accréditations d’organismes de formation et les formateurs.

Dans une autre vie, j’ai travaillé dans ce secteur. Et c’est la colère qui me revient quand je pense à la médiocrité de certaines formations qui étaient dispensées aux demandeurs d’emploi en particulier. Organismes et formateurs dont la qualité laissaient à désirer. On ne s’improvise pas dans ce métier. Même si beaucoup souhaitent s’y lancer – et pourquoi pas ? – je pense qu’une accréditation qui irait au-delà de la simple inscription administrative de formateur s’impose.

  1. Un accès facilité pour les TPE/PME. Bien que les principaux gisements d’emploi se situent dans ces catégories d’entreprise, on ne peut pas dire que l’accès à la formation professionnelle leur soit facilité. Contrairement aux grandes entreprises, elles n’ont pas les structures administratives adéquates ou, tout simplement, le temps de former en profondeur leurs apprentis. Et celles qui donnent le plus voient souvent leurs recrues partir rapidement dans les grands groupes où les salaires sont généralement plus élevés. De nombreuses PME demandent que l’apprenti s’engage à rester 2 ans dans l’entreprise qui l’a formé comme « retour sur investissement » de la formation. C’est ce qui se passe en Allemagne ou même dans le secteur public en France.

Pour trois raisons, nous devons favoriser toutes les modalités d’une formation professionnelle efficace : parce qu’elle propose une qualification supplémentaire au salarié en poste qui se sent plus à l’aise et confiant dans ses talents. Parce qu’elle offre un rebond quand la conjoncture faiblit et permet d’orienter le salarié en danger vers un repositionnement professionnel pour peu qu’on lui évite les affres des formations parking. Enfin, parce qu’elle doit donner au demandeur d’emploi, un sens et une utilité aux formations et stages proposés pour de réelles chances de retour à l’activité.

Je crois fermement au rôle de la formation professionnelle dans le redémarrage de notre économie. En tant qu’école de management, nous sommes ouverts, dans ce domaine comme dans les autres, au développement de l’innovation dans la pédagogie et les relations entreprise, à de nouvelles collaborations entre écoles et/ou collectivités.

 

Dans l’actu. Je remarque la proposition de Geneviève Fioraso de mettre une limite à six mois pour les stages dans les cursus sauf dérogations précises, et de les encourager y compris les premières années d’études supérieures. Ces mesures vont dans le bon sens, j’avais d’ailleurs, il y a plusieurs années, posté sur ce blog un article sur l’importance et l’utilité du stage,  à la fois pédagogique et professionnelle, sous réserve d’un véritable encadrement et de l’arrêt des dérives « utilitaires ».

Commentaires (8)

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  3. BOUCHOUT DANIEL

    Bravo pour la pertinence de ton article : F.P le rendez-vous manqué !!!!

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  5. Formation professionnelle

    Bonjour,
    Je vous félicite pour votre article. Je suis tout à fait d’accord avec vous sur le fait de facilité l’accès de la formation pour les TPE et PME. Avec la formation continue, on cherche surtout le développement de l’économie à travers la croissance de l’entreprise (les TPE et PME en font partis).

  6. Maxime

    Le rendez-vous est clairement manqué pour l’instant vous avez raison. reste à voir si par la suite les choses vont s’arranger. Car la France a tous les moyens pour réussir cette réforme. On consacre une part très conséquente en France à la formation. Il existe de très bons organismes de formations. Des plateformes existent pour évaluer efficacement les formations. Je pense à la plateforme evalformation mais il y en a d’autres.
    Vraiment on a tout pour réussir. Ce serait dommage de manquer le rendez-vous car il n’y en aura peut-être pas de deuxième avant longtemps.

  7. samia

    Une formation professionnelle guide toujours au développement du besoin de l’entreprise.

  8. Dina

    Je vous félicite pour l’article bien structuré et détaille pour la formation professionnelle qui est le développement du futur.

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