Beaucoup de buzz ces derniers mois autour de la mutation numérique de l’enseignement. Et ce nouveau plan « France Université numérique » (un de plus !) y participe. Au-delà de la question pédagogique, j’y vois également un enjeu géopolitique certain. Laisserons-nous encore longtemps les Etats-Unis inonder le monde de leurs cours en ligne ?
Le nouveau graal ? Beaucoup voient dans les pédagogies du futur les solutions qu’ils n’ont pas trouvées pour réformer l’enseignement supérieur depuis 30 ans… Je ne veux pas doucher les espoirs mais replacer cette passionnante question à sa juste place. C’est une vraie révolution mais un faux débat !
Les expérimentations ont effectivement montré de bons résultats, en Médecine à Grenoble ou avec les MOOC (Massive Open Online Course) des grandes universités américaines capables de drainer des centaines de milliers d’étudiants.
OUI, c’est une bonne réponse mais attention à bien identifier les problèmes :
- Passé l’effet d’annonce de ce « Plan Université Numérique », il y a bien un coût financier important à assumer.
Comme je le répète souvent, l’enseignement a un prix, le numérique n’y échappe pas. Qui va l’assurer ? Concevoir un MOOC nécessite un croisement de compétences pointues, à la fois pédagogiques et techniques. Rien à voir avec un cours filmé. Le MOOC se construit autour de séquences synchrones et asynchrones, de phases d’évaluation et met en jeu des outils d’accompagnement type blogs, forums ou vidéoconférences… Non seulement il challenge l’ingénierie pédagogique des établissements mais toute leur infrastructure Systèmes d’Information.
- Outil de masse ou de spécialisation ?
Parler MOOC à une population déjà férue d’outils numériques entraine le risque d’exclure la grande masse des étudiants ne disposant pas de la bureautique ou de connexions ad hoc. Bénéficieront-t-ils toujours à la catégorie des étudiants qui s’en sortent bien ? Quel intérêt alors ? Il y a donc des questions d’organisation et de méthode à valider avant de se lancer dans ces développements.
Côté écoles, la demande de personnels à la fois qualifiés et disponibles va entrainer de nouveaux modes de contractualisation en interne comme en externe. Cela se prépare…
- Comment le MOOC s’intègre-t-il dans le processus pédagogique ?
- S’agit-il d’un complément pédagogique ou du remplacement d’un cours ?
- Comment accepter une certaine perte de contrôle sur son cours ? Le MOOC est un fantastique outil de mutualisation des intelligences, des compétences et des savoirs. Encore faut-il souhaiter construire, à plusieurs, le MOOC qui fera référence en Droit public ou en Macro-économie plutôt que d’en voir fleurir 15 en France dans la même discipline ! A l’heure où faire sens et influence dans la mondialisation des savoirs demande des moyens considérables, cela bouscule bien des habitudes…
Il faut donc coordonner et mutualiser les efforts en évitant la cannibalisation. C’est une vraie bataille du 21ème siècle. Les Anglo-Saxons touchent aussi des publics et des talents qui n’ont pas forcément accès au savoir et à une éducation de qualité. Les élites francophones d’Afrique et du Moyen-Orient risquent de basculer dans leur sphère d’influence. Et que dire du MOOC de l’Ecole Polytechnique hébergé chez COURSERA l’un des poids américains du secteur ?
Je suis fan des MOOC. Ils ont de réels avantages et quelques inconvénients qu’il ne faut pas masquer. Leur réussite mondiale est portée par de grandes « marques » universitaires internationales avec des moyens que personne, en France, ne peut dégager seul. Si le MOOC constitue bien un élément important de l’école du futur, il n’en est pas l’élément clé : c’est d’abord une stratégie pédagogique bien identifiée qui fera sens et donnera toute sa puissance à ces outils.
En français ou en anglais dans le texte ? Mais c’est un autre débat !
A la semaine prochaine !
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