Je saisis le débat sur la future proposition de loi contre les stages abusifs pour m’exprimer à nouveau sur cet important sujet. Il questionne la place de l’entreprise et de l’expérience professionnelle dans le cursus académique des étudiants. Quand on sait que la France comptait en 2012, 1,2 million* de stagiaires – deux fois plus qu’en 2006 ! -, le sujet mérite toute notre attention.
Le stage aujourd’hui. Moteur essentiel d’acquisition d’expérience professionnelle et d’application des compétences métier, le stage offre l’opportunité de se tester, de se confronter à la réalité, de valider ou non une orientation.
N’est-ce pas aussi, pour l’entreprise, une manière de pré-recruter efficacement ? Je le considère cependant comme un élément pédagogique qui doit rester comme tel. Le règlementer sous un angle uniquement quantitatif me paraît une approche limitative.
Les dérives existent. Je le remarque dans des secteurs où les stagiaires constituent l’essentiel de la main–d’œuvre de certains services. Ils remplacent même le manager en cas d’absence… Nous sommes passés du stage « café-photocopie » au stage… « executive » ! Ces missions dépassent largement le cadre d’un stage. Les entreprises en sont conscientes, surtout les plus grandes, qui réfléchissent aux solutions dans un contexte de crise économique et d’afflux de jeunes diplômés de bon niveau.
Pourquoi le stage fonctionne ?
- D’abord parce que le stage, aux yeux de l’étudiant, constitue le mode d’intégration professionnel le plus efficace. Au cours du stage, il acquiert les codes du monde du travail qui généralement ne le passionnent guère au cours de ses études… Et qui sont, d’ailleurs, les plus difficiles à « enseigner ». Je pense aux savoir-être ou à d’autres dimensions telles que la sécurité ou la confidentialité dans les entreprises de la défense ou de l’informatique. Ces notions sont beaucoup mieux saisies in situ.
- Le modèle de l’alternance ou du stage assure le bon équilibre entre l’académique et le professionnel. Ces allers retours sont très fructueux. Ils permettent aux étudiants de « grandir » et de passer du mode « étudiant » au mode « professionnel » de manière plus fluide. Charge aux enseignants d’accompagner cette évolution par une pédagogie qui s’adapte au fil des ans.
- Le rôle de l’école est essentiel dans la validation du stage. La boulimie de stages des étudiants et des entreprises est néfaste. L’école doit disposer d’un responsable par filière qui identifie de « bons » stages et donne son accord sous certaines conditions Le tuteur entreprises doit également être formé.
- Le succès passe par un cercle vertueux entre l’entreprise, l’école et l’étudiant. Il est basé sur les trois éléments structurants d’un bon stage : le suivi permanent, l’évaluation et la valorisation du stage. C’est un contrat qui lie les 3 acteurs.
En matière d’évaluation, le rapport de stage classique a vécu. Passage obligé voire purement administratif, il a perdu toute sa pertinence. La validation doit répondre, de manière personnalisée et individualisée, à deux questions clé pour l’étudiant :
- Quelles compétences a-t-il valorisées au cours de son stage ? Les maîtrisent-ils ?
- Quel regard critique pose-t-il sur son travail et son entreprise d’accueil ?
Qu’attendre du texte de loi ?
J’attends d’abord une certaine souplesse compte tenu de la diversité des formats. Du stage court de quelques semaines à l’année de césure complète, le spectre est très large. Il est donc nécessaire de prendre en compte cette réalité sans créer une usine à gaz juridique que les écoles auront du mal à gérer.
On le voit bien l’année de césure permet un travail dans la durée sur de vrais projets dans les entreprises. Les étudiants sont unanimes, ils plébiscitent la formule et sortent transformés par de telles expériences.
Même si certaines entreprises abusent des stages, celles qui jouent le jeu apportent un vrai « plus » aux étudiants en termes de développement personnel. C’est également une dimension que la loi doit prendre en compte pour aider et accompagner les entreprises qui le demandent.
N’oublions pas le statut des étudiants étrangers, je me suis déjà exprimé sur ce sujet. La loi doit prendre en compte cette dimension.
* selon la ministre de l’Enseignement supérieur (Geneviève Fioraso).
Bonjour M.Fiorina,
Comment décririez-vous un stage « executive »?
Comment expliquez-vous que ce genre de stage soit abusif?
Merci,
Cordialement,
Isis Latorre
Bonjour Isis, un stage « executive » décrit un stage dont le champ de responsabilité et de risque dépasse ce que peut gérer un stagiaire. Il touche aussi les limites du soutien dont il peut bénéficier dans sa structure. Merci pour votre commentaire.
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Bonjour
Bien d’accord avec vous sur la nécessité de dépasser » le bon vieux rapport de stage « .
Le problème, c’est que bien souvent dans les dispositifs d’évaluation des stages, aucun investissement n’est fait pour mettre en évidence les acquisitions réalisées durant cette période d’apprentissage: ni d’un point de vue méthodologique, ni en faisant participer activement les professionnels.
Que pensez vous de ce sous investissement ?
Yves LE DUC
Effectivement, c’est le travail en amont avec les professionnels et le tuteur « école » qui peut orienter l’évaluation du stage de manière intéressante et constructive. Les grandes entreprises sont dans cette réflexion, pas forcément les autres … Par ailleurs, cela a un coût, qui va payer ?
Je voulais présenter le concours d’EM Grenoble qui me plait beaucoup. Le problème est qu’elle coûte cher. Je pensais prendre un prêt.
Mais Comment rembourser ? il y a très peu d’offres sur votre site : 4060 stages pour 330 emplois.
Ca recrute plus du tout après un stage (on forme le stagiaire suivant tout le monde le voit) et c’est pas en restant stagiaire des années qu’on peut payer.
Je m’oriente vers une autre formation, moins chère et aussi recherchée.
Bonjour Jean-François,
Merci pour cet article dont je partage les réflexions.
Il est vrai que la loi de 2014 a limité les abus de recours aux stagiaires par certaines entreprises (pas toutes fort heureusement) peu scrupuleuses.
Cependant on assiste aujourd’hui à une course à la recherche de stages (l’offre étant bien inférieure à la demande) où la priorité est de trouver un stage avant de savoir s’il sera de qualité ou répondra aux exigences pédagogiques du cursus suivit…