Les points clés pour réussir sa stratégie
Le monde de la connaissance se globalise. Les étudiants, les professeurs et les savoirs circulent – presque librement – dans un espace concurrentiel où certains pays se sont fortement positionnés.
Plusieurs informations ont, d’ailleurs, marqué l’actualité ces dernières semaines sur cette question :
- l’étude sur les étudiants étrangers de la CGE (Conférence des Grandes Écoles),
- les commentaires à la suite de la publication des classements,
- l’interview d’Eric Cornuel (directeur général et CEO de l’EFMD) dans le Figaro Étudiant ,
- le dossier du Monde Universités & Grandes Ecoles de la semaine dernière « Etudier à l’étranger ».
- le rapport de la CCIP sur les jeunes diplômés,
- l’édition du magazine de l’AACSB « Bized » consacré à l’Asie.
J’ai donc décidé de démarrer une série de réflexions sur la mondialisation de l’Enseignement supérieur, déclinée en 4 points :
- Les problématiques et les défis à relever (dans ce post),
- Deux études de stratégies gagnantes (un focus sur un pays, la Suisse, et sur ne zone l’Asie),
- Et pour conclure : Quelle analyse de l’exil – contraint ou volontaire – des étudiants français à l’étranger ?
Une mondialisation en marche
De nombreux indicateurs montrent que cette internationalisation se traduit en chiffres et données concrètes : statistiques de flux migratoires, budgets, modification de la composition de la salle de classe, parcours internationalisés… Elle recouvre 3 réalités :
- L’internationalisation de nos activités : les indicateurs de gestion de nos établissements l’attestent. La part du budget de fonctionnement ainsi que les chiffres d’affaires réalisés à l’étranger (ou avec des étrangers) augmentent sensiblement.
Que ce soit pour le développement de campus, la vente ou l’ingénierie de programmes, le recrutement d’étudiants étrangers, nombre d’établissements orientent leur activité vers ces nouveaux leviers de croissance.
Il s’agit d’un véritable axe de développement. L’internationalisation dans toutes ses dimensions offre de nouvelles opportunités de services tout en répartissant les risques. C’est également un excellent élément de notoriété.
- L’internationalise de la salle de classe. Dans un établissement du supérieur, elle doit refléter la diversité sociale et culturelle du pays mais également celle du monde : comment imaginer une salle de classe « simplement » hexagonale ? Nos étudiants et professeurs partent à l’étranger. Nous accueillons des talents étrangers – étudiants et professeurs – en visiting, échange ou en recrutant. La classe et l’établissement sont donc les reflets naturels de la logique de mondialisation. Le monde sera le futur « terrain de jeu » de nos étudiants, apprenons-leur cet avenir au quotidien !
- L’internationalise du curriculum. Passage obligé vers la réussite académique, l’international s’est imposé dans tout cursus de bon niveau. Les étudiants affichent sur leur CV une ou plusieurs années à l’étranger (échanges, Erasmus, stages, doubles-diplômes).
Olivier Rollot dans son édito de L’essentiel du supérieur n°60, 28 mars 2014 s’interrogeait, d’ailleurs, sur la bonne stratégie de développer internationale des Grandes Écoles. Sa réponse ? Il n’y en a pas ou en tout cas elle est plurielle !
Pourquoi ce développement ?
- Parce que les entreprises recherchent aujourd’hui les meilleurs profils tout en simplifiant le sourcing de leurs recrutements,
- Parce que la demande des étudiants est également forte. Ils sont de plus en plus mobiles. Le coût du transport ayant fortement baissé, il favorise le phénomène migratoire.
Beaucoup d’autres n’ont « pas d’autres choix » comme ces étudiants français qui vont faire leurs études de médecine en Belgique ou à Cluj en Roumanie. Ils ne souhaitent pas forcément migrer mais du fait des numerus clausus, ils n’ont pas d’autre choix
La défaillance tant qualitative que quantitative de nombre de systèmes universitaires, ne fait qu’accélérer ces flux d’étudiants.
J’ajouterais également trois autres facteurs géopolitiques et géoéconomiques :
- La massification de la population étudiante comme facteur clé de la croissance du PIB est avérée. Les gouvernements orientent donc leurs politiques éducatives en ce sens. Le rapport coûts/bénéfices est positif pour les États. La population étudiante inscrite dans les établissements d’Enseignement supérieur a, d’ailleurs, doublé tous les 10 ans depuis 1960 !
- L’intérêt financer des pays d’accueil est évident : ces populations étudiantes étrangères représentent une manne pour les économies. L’exemple australien le montre bien. Objectif : « recruter » des talents en investissant des sommes considérables pour une valorisation certaine à moyen terme.
- Le développement de la diplomatie de la connaissance constitue un véritable enjeu pour tous les pays. J’ai expliqué ce phénomène dans Mes Notes Clés (n°52, La géopolitique du savoir).
Comment faire face aux défis de la mondialisation ?
S’engager dans cette mondialisation de l’Enseignement supérieur, en France, impose un questionnement sans indulgence. Nous serons obligés de répondre aux questions qui fâchent dans un contexte économique contraint (du moins en Europe). Car nous ne sommes pas en Chine où se crée actuellement deux universités par semaine !
Quels financements ?
La massification entraîne des coûts de formation croissants. Leurs modalités de financement – très diverses à travers le monde – n’en restent pas moins limitées. Que se soient pour les modèles étatiques, privés ou mixtes, les budgets augmentent, aggravant les déficits publics ou la dette étudiante. Le modèle économique se cherche mais la réalité des investissements de grands groupes financiers dans le secteur montre qu’il est considéré comme porteur d’avenir et de valeur ajoutée.
Quel contrôle qualité dans ce contexte de croissance ?
Ce foisonnement pose question. Ce ne sont pas seulement les classements qui vont y répondre. De nombreux paramètres entrent aujourd’hui en ligne de compte comme les accréditations internationales, les certifications de compétences, les homologations nationales. Pas facile d’y voir clair dans une approche comparatiste et internationale. Seules les grandes « marques » – écoles et universités de renom – qui jouissent d’une longue influence historique capitalisent naturellement sur leur notoriété.
Comment gérer les barrières institutionnelles ? On connaissait les traditionnelles barrières à l’entrée sur un marché, on découvre aujourd’hui les barrières visibles et invisibles qu’élèvent les États pour protéger leurs structures éducatives. S’implanter devient très complexe voire impossible dans certains pays. Les questions de nationalité des établissements et du diplôme délivré n’ont pas encore trouvé de réponse.
Quel rôle pour les nouvelles technologies de la connaissance dans cette bataille ? Je pense ici aux MOOC, au e-learning…
Au-delà de ces aspects, il apparaît essentiel de répondre à deux questions fondamentales :
- Comment mesurer l’internationalisation d’un établissement de l’Enseignement supérieur ?
- Comment gérer le déclassement des écoles/universités et des étudiants qui ne pourront pas suivre ces évolutions ?
La mondialisation de l’Enseignement s’impose, c’est un fait. Elle entraîne un véritable séisme. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une concurrence ouverte, agressive, dissymétrique. Des pays comme le Qatar, Dubaï, Singapour ou l’Australie ont pris plusieurs longueurs d’avance. L’Enseignement supérieur, chez eux, a bien été compris comme une arme d’influence, de recrutement de talents et de développement économique. D’autres pays ou continents risquent d’être dépassés. C’est la crainte qui se manifeste en Afrique.
La France quant à elle s’interroge sur son modèle. Elle fait face à trois grandes menaces : européennes, anglo-saxonnes – y compris avec le Canada francophone – et asiatiques.
Nous verrons dans mes prochains posts les réponses qu’apportent deux champions de la mondialisation :
- Un focus sur la Suisse : paradis éducatif ?
- Une approche transversale sur le basculement de l’Asie et ses conséquences pour nos écoles face à cette stratégie de conquête.
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Bravo
Approche très lucide et réaliste de l’évolution actuelle de l’enseignement supérieur.
merci beaucoup pour ces informations .