Sommes-nous en capacité de rattraper notre retard en matière de EdTech ? question posée par Educpros.fr lundi 2 mars ? Oui je le crois mais il devient urgent de structurer la filière française. Il suffit d’observer à quelle vitesse les start-up dans le domaine émergent, la fréquence des barcamps spécialisés et les efforts que fournit Antoine Amiel pour une French Tech Education, préfiguration de la filière… J’ai également senti toute l’énergie et la passion de jeunes diplômés pour la création d’entreprises éducatives lors du festival de l’Entrepreneuriat à GEM, la semaine dernière. Les ingrédients sont là, il manque un chef cuisinier pour associer ces talents et nous aider à changer d’ère éducative. « Je veux un ministère du Numérique », déclarait Axelle Lemaire ce week-end. Les EdTech, seront-elles l’entrée ?
Il est donc impérieux que l’État crée une filière française des EdTech, une filière qui doit s’insérer DANS le système éducatif actuel. Mais qu’entend-on par EdTech ? Il s’agit de l’utilisation concrète des nouvelles technologies dans l’enseignement, en imaginant non seulement de nouveaux outils mais également de nouveaux modèles éducatifs. Les usages sont multiples, en termes de service, d’accompagnement, d’information, de relationnel. Les EdTech ouvrent le jeu des acteurs, entre école et parents, entre école et élèves, entre élèves et élèves, entre élèves et parents… Il y a vraiment une multitude de possibilités.
L’école du futur va nécessiter la création de cet écosystème complet. Si nous n’y prenons pas garde, ce seront d’autres pays, notamment les États-Unis, qui capteront le marché. Les levées de fonds outre-Atlantique sont dix fois plus importantes qu’en Europe !
Je plaide donc pour cette filière dont les enjeux sont multiples :
- industriel et géopolitique, à l’heure où la situation de l’emploi est catastrophique.
Ce relais de croissance de la filière EdTech éducation constitue un potentiel d’avenir, de créations d’entreprises et d’emplois. Les investissements sont, en relatif, beaucoup plus limités que ceux d’une filière industrielle lourde. Des dizaines de millions d’euros pour la construction d’une usine d’éoliennes off-shore, si peu pour le développement d’un système de soutien scolaire avec des perspectives de retour sur investissement beaucoup plus rapides.
- financier puisque l’État ne pourra pas remettre de l’argent sauf à la marge.
Il nous faut donc imaginer de nouvelles relations entre cet écosystème EdTech et le service public de l’Éducation, des relations bénéfiques pour tous.
- social et éducatif parce que l’enseignement est l’une des clés de l’innovation et du développement des nations.
Il y a besoin de nouveaux modèles, de nouvelles façons d’enseigner. Nos enfants – issus des générations Y et Z – ont d’autres aspirations, fonctionnent et apprennent différemment. Il s’agit, peut être, d’un moyen de minimiser les « maux » de l’école, de permettre à tout élève d’apprendre tranquillement, d’être accompagné, de pouvoir progresser, d’avoir accès au monde.
- un enjeu de service que l’Éducation Nationale ne pourra atteindre parce que trop lourde… S’il y a écosystème, ce sera possible.
Les conditions de sa réussite
J’en note trois principales :
- L’intégration des acteurs
Il est urgent que l’on aide à la structuration de la filière EdTech, sans forcément créer des incubateurs purs et durs, mais en favorisant le développement d’entreprises éducatives en lien avec l’Éducation Nationale, l’Enseignement supérieur, la formation continue et les entreprises en général.
Cela signifie clairement que, sans volonté de l’Éducation nationale de contribuer, sans volonté de l’Etat de mettre en place cette filière, sans flux financiers fléchés vers ces nouveaux types de start-up, nous n’avancerons pas ou peu. Et les inégalités se creuseront.
- La mutualisation et la personnalisation
Nos besoins, en terme de stratégie d’école du futur nécessitent des investissements. Faut-il réinventer dans son établissement ce que d’autres ont déjà réalisé ? Non. Jouons l’alliance puis chacun puisera, comme il le souhaite, dans l’acquis en fonction de ses propres exigences, en ajoutant savoir faire et valeur ajoutée. Pas de guerre des MOOCs ! Mais des offres communes et abondantes !
Dans une vraie filière, rien n’empêchera qu’une business school collabore avec un collège sur un projet spécifique. Chacun le personnalisera, ensuite, en fonction de ses étudiants et de ses usages.
Concrètement l’écosystème pourrait être nourri d’appels à projets. Les modèles sont encore à affiner mais j’imagine un travail à l’échelle locale, avec des systèmes de mutualisation entre les différents acteurs.
La R&D peut s’imaginer également en commun, la commercialisation aussi. De toute façon, cet écosystème va se développer. Si nous ne disposons pas de système français, nous dépendrons d’autres.
- L’expérimentation
La plupart des sociétés créées par des étudiants ou de jeunes diplômés ont l’avantage d’être en connexion directe avec les besoins. Leurs études encore en tête, ils savent très bien faire le lien entre ce qu’ils auraient aimé vivre en terme de pédagogie et la réalité. L’éducation les intéresse. Ils tiennent à proposer d’autres solutions, à expérimenter sur la base de leur vécu.
Évitons le grand plan étatique avec de multiples obligations qui ne fonctionneront pas. Laissons aux établissements et aux enseignants la liberté d’expérimenter, de s’approprier ces nouveaux modèles, de tester en classe leur pertinence, de tisser de nouvelles relations avec les start-up éducatives. Nous sommes dans le domaine de l’innovation, de la création, du développement. Il faut également imaginer de nouveaux business modèles favorables à tous les acteurs et surtout peu coûteux pour l’Éducation Nationale. Nombre de professeurs et d’étudiants sont prêts à se lancer. Il existe depuis longtemps un vivier d’initiatives qui ne demandent qu’à être soutenues, évaluées, diffusées.
L’État doit jouer son rôle de stratège, celui d’accompagner l’axe stratégique de l’éducation, axe essentiel pour rester dans le peloton de tête des nations. La création de la filière éducative EdTech sera un élément décisif.
Je suis bien sûr prêt à participer à toutes les initiatives ambitieuses qui iront dans ce sens !
Oui, encore, mais pourquoi ne pas s’appuyer sur ce qui existe déjà? Le premier étage de cette filière existe dans les IUT, avec des formations STID (pour l’informatique décisionnelle, les statistiques et autres big datas), MMI (pour les réseaux de communication et les outils numériques), pour ne rien dire des complémentaires DUT Informatique. Au lieu de construire par le haut, partons de ce qui fonctionne sur le terrain, et qui est accessible dès aujourd’hui aux jeunes bacheliers, qui n’ont pas le temps d’attendre…