La bonne vieille pile de CV et l’entretien d’embauche auraient-ils vécus ? J’ai eu la chance d’être invité à la #rmsconf – recrutement mobile et social – qui se tenait à Paris mi-octobre sur le thème « Big Data et recrutement » où je suis intervenu sur l’école du futur. Un très bel événement, bien organisé et qui – a priori – monte en puissance. Retour d’expérience sur ce que je considère comme un changement de paradigme dans le recrutement. Explications.
Quand le chasseur devient chassé !
Un nouvel écosystème est en train d’émerger autour de la question du recrutement, en particulier des jeunes diplômés. De nouveaux acteurs et de nouveaux comportements s’imposent. Ne sommes nous pas en train de changer de paradigme ? Les entreprises doivent attirer une multitude de candidats, engranger des linéaires de cv pour, ensuite, tenter d’identifier les meilleurs. Elles travaillent leur présence dans les salons, assurent la promotion leur marque employeur, visitent les écoles, publient des appels d’offre, créent des sites spécifiques de recrutement et d’interaction. Mais ne sommes-nous pas arrivés à une limite ? Trois remarques importantes me viennent à l’esprit :
- Dans cet immense vivier de talents, comment font-elles pour identifier la bonne personne ? Plus du tout évident, coûteux et très consommateur de temps. Même si il y a des solutions qui permettent de traiter/scanner les CV de manière automatique…
- L’effet boomerang de la gestion quantitative des CV – Google en reçoit 2 millions par an aux Etats-Unis ! Et si l’entreprise ne répond pas ou s’il n’y a pas de poste à la clé, c’est l’effet boomerang garanti à l’heure de la communication instantanée via les réseaux sociaux. Le risque de bad buzz s’avère et se retourne contre l’entreprise !
- La recherche du profil atypique/spécifique. Les entreprises recherchent, de plus en plus, des « moutons à cinq pattes », profils extrêmement spécifiques ou hybrides, qui peuvent ne pas être dans leurs fichiers. Des candidats aux compétences personnelles ou sociales non affichées/valorisées dans les cases dites « professionnelles ». Un parcours ou en engagement personnel peut quelquefois en dire beaucoup plus long sur le potentiel du candidat…
L’entreprise profiler !
Plutôt que massifier ses offres, l’entreprise cible, de plus en plus, les profils recherchés. J’ai l’impression que l’on passe à un autre style de recrutement par l’identification et le suivi des bonnes personnes sur différents réseaux pour les attirer chez soi.
Une recherche qui s’effectue, en instantanée, dans les diplômés de l’année, ou dans la durée, en suivant le parcours des étudiants en stage, dans leur début de carrière. Par ce biais, cela peut permettre de diversifier encore un peu plus son recrutement, de trouver de bons profils en dehors des sentiers battus et même à l’étranger.
Je reviens ici à la notion d’écosystème du recrutement digital. Ce ne sont plus les entreprises elles-mêmes qui assureront cette recherche parmi les millions de profils de tous types sur les réseaux Facebook, Linkedin ou Viadeo mais des sociétés spécialisées. Leur mission ? Identifier puis individualiser avant de mettre en place ce que j’appelle le recrutement relation management avec les candidats. Tout ceci étant rendu possible par le big data et ses algorithmes.
Avec une limite, le risque d’introduire des différences gigantesques entre les grandes entreprises qui ont les moyens d’avoir toutes ces approches voire de piloter leur propre start-ups de R&D, et les autres qui seront dépassées par ces révolutions… Sauf si des sociétés de service peuvent jouer le rôle d’intermédiaire avec les PME, par exemple, que nos étudiants délaisseraient… Je prépare un post sur les idées reçues à propos de nos écoles, j’y reviendrai !
Quel rôle pour les écoles ?
En poursuivant dans cette logique, sans tomber dans la science fiction, l’école était partie prenante de la mise en relation entreprise/étudiant. Aujourd’hui, ils peuvent se passer de nous ! J’avais déjà exprimé dans un post cette question (l’un des plus lus d’ailleurs).
Comment réagir ?
- Cela dépend de la stratégie des établissements, de ce qui est offert aux étudiants : « seulement » un savoir par l’enseignement et/ou le suivi-placement des étudiants sur le marché du travail ? Des décisions qui impactent les business models !
- Trouver sa valeur ajoutée et en parler ! Pour GEM compte tenu de sa catégorie, c’est bien sûr essentiel. La réussite se joue également en préparant les étudiants à bien gérer et manager leur (e)-réputation. Il s’agit de se projeter dans la durée. Ce n’est pas un cours qui fera différence mais un parcours, un suivi, une expérience à la fois professionnelle et personnelle à mettre en valeur.
- Des contenus pertinents pour être identifiés. En la matière, il faut toujours tenir son profil à jour, proposer des analyses, des réflexions sur ses compétences. Nous pouvons les aider par la création de portfolios, la certification de compétences, former les étudiants à surprendre leurs interlocuteurs pour que leurs profils soient toujours intéressants.
Ensuite, raisonner en termes de marchés, de métier et de mots clefs. Pour nous écoles, faciliter la rencontre en présentiel ou par Skype lors du rendez-vous entreprises/étudiants, organiser et gérer la relation…
De toute façon, la force de la marque restera un élément déterminant tout comme la démarche moyen terme parce que nous préparons nos étudiants à évoluer, à changer de métier si nécessaire. À long terme, c’est avoir la capacité d’affronter des situations que l’on n’imagine même pas. On voit bien l’enjeu : préparer l’étudiant à intégrer ces dimensions tout en restant opérationnel dans son métier.
Nous allons devoir à la fois favoriser la création d’une multitude de marques étudiantes au sein d’une marque école globale, chacun se nourrissant l’un de l’autre. La marque étudiante prenant de la valeur par l’influence de l’école et la marque école par l’évolution de ses étudiants au fil de leur carrière.
- Intégrer le BIG DATA dans la gestion de nos établissements
C’est une réalité qui doit être intégrée au quotidien dans l’école du futur. Nous n’en sommes qu’au début, le Big data va permettre d’individualiser nos démarches. Ce qu’il faut engager :
- Donner une culture générale BIG DATA aux étudiants,
- Proposer des formations spécialisées. Dans le domaine, nous disposons d’un mastère spécialisé, en partenariat l’ENSIMAG, une école mathématique prestigieuse de l’INP Grenoble. Les écoles de journalisme ou de design s’y mettent aussi,
- L’intégrer dans tous nos processus. On vient d’en avoir un aperçu avec les RH. Il y a nombre d’applications possibles en matière de pédagogie, de marketing, d’évaluation. En tant qu’établissement de l’Enseignement supérieur, nous devons utiliser le Big data dans notre propre gestion.
Éthique et géopolitique, les oubliés ?
@Jchristopheanna l’organisateur de cette #rmsconf a pointé un certain manque d’intérêt des participants pour les ateliers sur l’éthique et l’usage des données, en particulier dans les RH. Le besoin actuel, ce sont encore les aspects techniques ou les cases studies, pas encore les questions éthiques et philosophiques. Il faut y songer très sérieusement pour garantir la transparence, le rôle de tiers de confiance qu’attendent les utilisateurs quand ils donnent des informations à un opérateur, à un établissement d’enseignement ou à une entreprise qui recrute. Il est fondamental de s’interroger sur les questions de l’utilisation des informations personnelles, du droit à l’oubli, etc.
Autre aspect important, le risque géopolitique et la cybercriminalité. Il s’agit de l’une des plus grandes menaces qui pèseront sur les entreprises dans les années à venir (voir mon entretien la semaine dernière avec le Délégué général du CIGREF, Jean-François Pépin). On peut imaginer un espionnage industriel sur les profils et les recrutements ciblés par telle ou telle entreprise…
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Bonjour, vous avez très bien analysé la situation du marché du recrutement actuelle. En effet, la recherche de candidats est fortement influencé par le grand nombre de canaux de transmission de candidatures. Merci pour cet article.