Le blog de Jean-François FIORINA

L’Enseignement supérieur, secteur stratégique pour les pays émergents

GBSN map of members

GBSN – Carte des membres du GLOBAL BUSINESS SCHOOL NETWORK – ©GBSN

L’actualité me donne l’occasion de revenir sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, l’Enseignement supérieur dans les pays émergents. La conférence GBSN- Global Business School Network à Manille du 4 au 6 novembre à laquelle j’ai participé, mon voyage en Iran, toutes les conférences régionales AACSB ou EFMD, le programme EDAF (EFMD) participent de cette dynamique d’ouverture. Parce que ces pays sont désormais acteurs de l’écosystème mondial de l’Éducation, parce que leurs leaders déploient une énergie incroyable, je vous livre mes convictions sur le sujet.

 « Le monde ne suffit pas »

Par paraphraser le titre de ce James Bond de 1999 – toujours d’actualité et géopolitique par excellence ! – je milite pour une stratégie spécifique en direction des pays émergents ou en cours de développement. Notre monde et « leur » monde ne font plus qu’un. L’Enseignement supérieur n’y échappe pas. Pourquoi nous impliquer à la fois de manière pragmatique et désintéressée ?

  • Pour fournir localement à nos entreprises mondialisées les talents et les compétences dont elles ont besoin. On le sait elle ne veulent (ou ne peuvent) plus expatrier. C’est à nous de trouver les solutions pour répondre à cette demande des entreprises françaises opérant dans ces pays. Je me suis déjà maintes fois exprimé sur ce sujet, il reste d’une actualité brûlante !
  • Pour développer des contenus spécifiques (études de cas, bonnes pratiques) pour permettre à nos étudiants de travailler sur des situations locales et spécifiques avec des résolutions adaptées par des professeurs de ces pays. C’est essentiel pour nos étudiants. On ne peut « plaquer » nos visions occidentales sur ces territoires, cela ne fonctionne pas. L’inverse est également vrai, les écoles des émergents n’ont pas intérêt à appliquer trop directement nos méthodes et principes.
  • Parce que c’est notre responsabilité d’accompagner les initiatives pour aider les établissements à mieux s’organiser, à entrer dans un processus de qualité sur le long terme. Je pense, ici, au programme EDAF proposé pour les business schools par l’EFMD.

Pour Grenoble Ecole de Management, c’est également l’occasion de nouer des alliances stratégiques intéressantes (voir plus bas, notre programme PAPTE).

  • Parce que ce sont aussi des marchés en développement sur lesquels nous devons être présents comme toutes les autres nations. Dans certains pays, notre présence est même attendue. Chaque pays ou zone mérite une attention et une approche différentes. J’ai été très agréablement surpris par la présence de très belles marques à la conférence GBSN- Global Business School Network à Manille, notamment américaines (MIT, université de Berkeley), preuve les pays émergents interpellent. Il suffit de regarder la carte des membres de GBSN pour s’en convaincre (ci-dessous) ! D’ailleurs l’un des participants venant d’un pays africain m’a dit être fortement courtisé par des fonds financiers pour investir dans l’éducation.

 

GBSN - Carte des membres du GLOBAL BUSINESS SCHOOL NETWORK - ©DR

GBSN – Carte des membres du GLOBAL BUSINESS SCHOOL NETWORK – ©DR

Autre paramètre dont il faut tenir compte : la francophonie, enjeu géopolitique de premier ordre. Nous avons une carte maîtresse à jouer. En 2050, certaines études (Observatoire de la langue française) montrent que 750 millions de parlants français peupleront la planète. En 2015, ils sont estimés à 274 millions…

Un chiffre intéressant, selon l’Observatoire international de la Francophonie, le français, 5ème langue mondiale, est la 4e la plus utilisée sur les réseaux sociaux.

La France joue sa crédibilité vis-à-vis des pays francophones. Elle peut exercer en toute légitimité un soft power que des grandes marques internationales dans le domaine de l’Enseignement supérieur ne se gênent pas d’utiliser.

Quels défis relever ?

Ils sont si nombreux mais l’énergie et l’envie que j’ai pu voir dans toutes les délégations donnent un véritable espoir. Certains défis sont d’ailleurs identiques aux nôtres mais avec un degré d’intensité beaucoup plus fort :

  • La massification sous un triple angle : démographie, besoin d’ascension sociale et volonté des femmes d’accéder aux études.

L’apparition d’une classe moyenne en Afrique ou au Brésil, par exemple, change la donne. C’est maintenant dans leur pays que les élites veulent exprimer leurs talents. J’ai abordé cette question dans l’une de mes notes CLES de géopolitique.

  • Une (trop) forte présence du secteur public relayé ou non par le secteur privé ou des institutions confessionnelles. La cohabitation/coopération varie selon les pays. Elle est plutôt bonne au Maroc ou au Sénégal où le secteur public ne peut absorber les volumes croissants d’étudiants faute de moyens. Elle est beaucoup plus problématique dans d’autres pays où les établissements foisonnent.
  • Le rôle essentiel du numérique pour l’accès et la diffusion des savoirs au plus grand nombre mais encore largement sous dimensionné. Un modèle EdTech à calquer sur le développement fulgurant du réseau de téléphonie mobile en Afrique ou en Asie faute d’infrastructures existantes ?
  • Une fuite des cerveaux et une expatriation éducative avérées avec un système efficace de bourses proposées par certains pays. Mais avec la prise de conscience pour les étudiants que leur avenir est maintenant dans leur propre pays plutôt qu’à l’étranger.
  • L’importance de l’entrepreneuriat pour ancrer les nouvelles élites économiques sur le territoire.
  • Une forte concurrence internationale avec l’implantation d’établissements étrangers sous des formes très diverses.

Quelles spécificités pour les business schools ?

Elles sont encore plus sujettes à la concurrence internationale et/ou à une forme de développement anarchique dans le secteur privé. La profusion d’établissements de taille et de nature différentes ne garantit en rien la qualité des enseignements avec, pour certains, des pratiques peu reluisantes. La consolidation des marchés passera par de nombreuses fermetures d’établissements comme au Cameroun ou en Tunisie.

J’ai noté cette volonté pour les business schools de jouer à la fois un rôle social et économique au service du développement de leur pays. Il est intéressant de noter que la notion d’impact – de toute nature – se développe fortement à travers le programme des Nations Unies-UNCTAD, Business schools for impact.

Pas mal d’institutions que j’ai visitées l’ont compris. Bien évidemment l’ESCA Ecole de Management à Casablanca dont la mission est « de contribuer à la progression d’une économie en émergence et à son ancrage dans la globalisation… Elle forme des managers, entrepreneurs socialement responsables, capables d’accompagner la performance des entreprises et leur internationalisation » explique Imad-eddine HATIMI, Associate Dean à l’ESCA.

C’est également vrai pour l’ISM et l’IAM au Sénégal, l’ISCAM à Madagascar, l’AIM (quel environnement de travail !) aux Philippines.

Pour Grenoble Ecole de Management et ses partenaires, le projet INSEAM – Campus Euro-Africain de Management – est emblématique de cette volonté de s’impliquer dans le développement du continent africain. Il sera basé à Casablanca et accueillera des étudiants de toute l’Afrique de l’ouest. Il s’intègre dans une dynamique portée par notre programme PAPTE qui couvre à ce jour, 11 pays liés par 18 conventions de partenariat.

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English version

 

Education, a strategic sector also interesting to emerging countries

 

Current events give me the opportunity to return to a subject that is dear to me, higher education in emerging countries. The GBSN- Global Business School Network conference in Manila from the 4th to the 6th November, at which I was present, my trip to Iran, all the regional AACSB or EFMD conferences, the EDAF (EFMD) program participate in this spirit of openness. Since these countries are now actors in the worldwide educational ecosystem, since their leaders are exerting incredible energy, I offer my convictions on the subject.

 « The world is not enough »

To paraphrase the title of this James Bond film from 1999 – still relevant and geopolitical par excellence! – I campaign for a specific strategy towards emerging or developing countries. Our world and « their » world have become one. Higher education cannot escape this. Why should we become involved in both a pragmatic and disinterested manner?

  • To supply locally the talents and skills needed by our global companies. We know that they no longer want (or are able to) go abroad. It is our job to find solutions to respond to this demand from French companies operating in these countries. I have already frequently given my opinion this subject; it is still a burning issue!
  • To develop specific content (case studies, good practice) to enable our students to work on specific and local situations with solutions adapted by the professors from these countries. It is essential for our students. We cannot « dump » our western visions on these regions, this will not work. The opposite is also true, schools in emerging countries should not apply our methods and principles too directly.
  • Because it is our responsibility to accompany the initiatives to help establishments to be better organised, to enter into a long-term quality process. Here I am thinking of the EDAF program proposed to Business schools by the EFMD.

For Grenoble Ecole de Management, it is also an opportunity to build interesting strategic alliances (see below, our program PAPTE).

  • Because they are also developing markets on which we must be present, like all the other nations. In certain countries, our presence is even eagerly awaited. Each country or zone deserves different consideration and approach. I was very pleasantly surprised by the presence of leading brands at the GBSN- Global Business School Network conference in Manila, notably American (MIT, Berkeley University), proof that attention is being paid to the emerging countries. It is enough to look at the list of members of GBSN to be convinced (see below)! Moreover one of the participants from an African country told me that he had been heavily courted by financial funds to invest in education.

 

GBSN map of members

GBSN map of members

Source: GBSN.

Another parameter that must be taken into account: the Francophone zone, leading geopolitical stake. We have a strong hand to play. In 2050, certain studies (Observatoire de la langue française) show that 750 million French speakers will inhabit the planet. In 2015, they are estimated to be 274 million…

Another interesting figure, according to l’Observatoire international de la Francophonie, French, the 5th global language, is the 4th most used on social networks.

France is risking its credibility in relation to Francophone countries. It can legitimately exercise a soft power that the big international higher educational brands do not hesitate to use.

What are the challenges?

They are very numerous but the energy and desire that I was able to see in all the delegations offer real hope. Moreover certain challenges are identical to ours but with a much stronger degree of intensity:

  • Mass opening from a triple angle: demography, need for social ascension and willingness of women to study.

The appearance of a middle class in Africa or Brazil, for example, has changed things. Now the elites want to use their talents in their own countries. I have treated this question in one of my notes CLES de géopolitique.

  • A (too) strong presence of the public sector backed or not by the private sector or denominational institutions. The cohabitation/cooperation varies depending on the country. It is quite good in Morocco or Senegal where the public sector lacks the means to absorb the rising volumes of students. It is much more problematic in other countries where the establishments proliferate.
  • The essential role of digital technology in the access to and diffusion of knowledge to the largest number, nevertheless still under developed. An EdTech model based on the rapid development of the mobile phone network in Africa or Asia lacking existing infrastructures?
  • A brain drain and proven educational expatriation with an effective grant system proposed by certain countries. But with students understanding that their future is now in their own country rather than abroad
  • The importance of entrepreneurship to anchor the new economical elites in the region.
  • Strong international competition with the establishments of foreign establishments of very diverse forms.

 

What special features for business schools ?

They are still more subjected to international competition and/or have an anarchical development in the private sector. The profusion of establishments of different sizes and nature does not guarantee teaching quality with, for some, not very commendable practices. The consolidation of markets will pass through numerous closures of establishments like in Cameroon or Tunisia.

I have remarked this willingness of business schools to play both a social and economic role in the service of development of their country. It is interesting to note that the notion of impact – of all types – is developing strongly through the program of the United Nations -UNCTAD, Business schools for impact.

Quite a few institutions that I have visited have understood. Of course the ESCA Ecole de Management in Casablanca whose mission is « to contribute to the progression of an emerging economy and has its anchor in globalisation… It trains socially responsible managers, entrepreneurs, capable of accompanying company performance and their internationalisation » explains Imad-eddine HATIMI, Associate Dean at the ESCA.

This is also true for the ISM and the IAM in Senegal, the ISCAM in Madagascar, the AIM (what a work environment!) in the Philippines.

For Grenoble Ecole de Management and its partners, the project INSEAM – Campus Euro-African de Management – is emblematic of this willingness to be involved in the development of the African continent. It will be based in Casablanca and receive students from all over West Africa. It integrates within the dynamic supported by our PAPTE program which today covers, 11 countries linked by 18 partnership conventions.

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