Le blog de Jean-François FIORINA

Enseignement supérieur : Et si l’Afrique tenait ses promesses ?

Enseignement supérieur en Afrique

À l’occasion du 8ème Festival géopolitique (Dynamiques africaines), nous avons souhaité une conférence sur l’Enseignement supérieur. Parce qu’il s’agit d’un facteur clé de développement dont les jeunes élites africaines s’emparent. À travers mes posts sur les pays émergents, mes engagements – mentoring EFMD, ceux de GEM – programme PAPTE… et l’actualité récente, l’Afrique interpelle. Comme le précisait récemment Sylvie Brunel lors du #ReDakar2016, « 400 millions de jeunes vont arriver sur le marché du travail en 2030 ! » Les problèmes sont immenses – démographiques, structurels, corruption… – mais la révolution de l’Enseignement supérieur africain est en marche. Défis et solutions.

Depuis quelques années, nombre de jeunes Africains estiment que leur avenir n’est pas forcément à l’étranger. Cela va dans le bon sens même si les raisons sont variées : manque de pouvoir d’achat, contraintes institutionnelles, etc. N’empêche. L’Enseignement supérieur est devenu à leur yeux, un facteur clé de développement tant pour les entreprises locales que pour les grands groupes qui peinent à recruter, sur place, leur main d’œuvre qualifiée. Les entreprises africaines commencent à faire de l’ombre aux géants mondiaux ! (Jeune Afrique. 11-1-2016), cette information illustre bien la dynamique qui est en cours. BCG, dans l’un des ces récents rapports fin 2015, le confirme, « Ces entreprises sont chez elles en Afrique, et connaissent leur marché de façon intime, explique Lisa Ivers, Directeur Associé du BCG au bureau de Casablanca et coauteur du rapport. Elles sont agiles et font preuve d’esprit d’entreprise. Elles savent jouer selon d’autres règles du jeu, plus adaptées aux réalités locales. Tous ces paramètres sont à leur avantage. »

Les recruteurs locaux se sont engagés sur ce marché. Les sites fleurissent : www.africsearch.com, www.africtalents.com, www.careersinafrica.com

Sur le plan politique, certains pays comme le Sénégal ont compris le message. Mary Teuw Niane, ministre de l’enseignement supérieur, expliquait, dans Le Monde du 8-3-2016, son plan jusqu’en 2022 afin que les étudiants n’aient plus « la nécessité d’aller à Paris pour faire un bon master ».  

Enseignement Supérieur en  Afrique : tout reste à faire

L’état des lieux n’est pas reluisant. L’Enseignement supérieur en Afrique est en très mauvais état. Au fil de ma veille, les infos s’enchaînent autour de grèves incessantes,  de problèmes de harcèlement, de promotion « canapé », de corruption, de népotisme sur fond de crises politiques… Le système de l’Enseignement supérieur, totalement public pour servir le seul service public a vécu…

Des maux qu’exacerbent, le manque de moyens et une démographie galopante. Aujourd’hui, les compétences du XXIème siècle dont a besoin le continent, à quelques exceptions près, – Afrique du Sud, Maroc, Sénégal… – ne sont pas enseignées.

Il y a urgence mais ça bouge…

Quelles solutions ?

La prise de conscience des futures élites, par défaut ou par volonté, constitue comme vu plus haut, un élément extrêmement positif. La « fuite » à l’étranger n’est plus la panacée même si l’effet plafond de verre et le manque d’ascenseur social, bloque les velléités.

  • L’accès aux technologies éducatives.

J’ai remarqué le nombre significatif d’inscrits à nos MOOCs provenant du continent africain. Est-ce la solution pour apprendre au plus grand nombre ? Il faut cependant que les cours soient adaptés aux marchés locaux et, bien sûr, certifiés.

La multiplication des salons et colloques dédiés à ces questions est un bon signal. www.elearning-africa.com se tiendra, par exemple, au Caire en mai 2016. J’avais résumé dans un précédent post, beaucoup d’initiatives institutionnelles et pédagogiques.

Du côté des business schools, les grandes structures internationales d’accréditation s’engagent, tout comme l’Association of African Business Schools, les fondations type MSN. L’objectif vise à garantir un niveau de qualité sans vouloir imiter des modèles non adaptés au terrain local. Relire également la vision d’Hugues Moussy, sur la bonne manière de faire passer le message émancipateur de l’éducation partout dans le monde en évitant les erreurs du passé.

L’Afrique va peut-être nous surprendre en inventant ses propres modèles. Qui aurait pensé que son taux d’équipement en smartphones atteindrait les 15 % en 2015 selon Deloitte, avec un taux de croissance impressionnant. Paradoxal quand on connaît le déficit d’infrastructures du continent. Tout passe par les airs y compris la connaissance ! Alors que le réseau électrique ne couvre qu’une partie des territoires.

·         Une réflexion stratégique qui se structure avec les politiques et les décideurs. Je pense ici à la CAMES, Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur.

·         Diversifier les filières de l’Enseignement supérieur.

L’enseignement professionnel est à conforter. Leur action dans le domaine est essentielle même s’il manque les formations de haut niveau.

Le développement international et les partenariats.

Organiser le développement et l’arrivée en masse des opérateurs privés Ils s’implantent du fait des manquements du service public éducatif. Les purs privés gagnent en influence comme en France. Peut-on imaginer, par exemple, une législation ciblant des structures privées sans but lucratif afin d’éviter les dérives ? 

Le besoin est là, les familles sont prêtes à se sacrifier pour offrir à leur progéniture un avenir meilleur. Mais qualité et transparence ne sont pas encore au rendez-vous.

·         Des enseignements adaptés aux réalités des entreprises et de la société.

Objectif : former et travailler sur des contenus et des problématiques pédagogiques adaptés aux entreprises locales ou aux filiales des entreprises internationales. Les étudiants ne travaillent pas suffisamment sur de bons modèles de cas, d’études, de benchmark.

Dans le monde des business schools, les grandes marques s’intéressent de près à l’Afrique : la demande de talents et de managers est sous tension.

·         Miser sur l’assurance qualité.

J’ai déjà insisté sur ce point. L’Association of African Business Schools produit déjà des standards même s’il existe encore très peu d’écoles accréditées AACSB, Equis, Epas ou AMBA (hors Afrique du sud). EDAF de l’EFMD est une très bonne 1ère étape dans la structuration des écoles. AACSB réfléchit également de son côté à un dispositif La dynamique est lancée

Notre responsabilité est d’aider et d’accompagner pour créer de la valeur et de l’économie sur place, facteurs de stabilisation et en tenant compte des particularités locales.

·         Des missions adaptées à la réalité des économies locales

Les business-schools africaines ont un rôle à jouer dans le développement des économies de leurs pays. Leurs missions doivent le montrer et ne surtout pas être du « copier-coller » de missions de b-schools de pays de l’OCDE

·         Développer l’entrepreneuriat.

La multitude des commerces et activités informels montre tout le dynamisme et l’inventivité des populations. Comment faire passer ces petits commerces à un stade plus pérenne, offrir aux entrepreneurs les outils de leur développement local et international ?

Là encore, à eux d’inventer leur propre modèle, d’africaniser les contenus pédagogiques, les études de cas, les recherches pour alimenter la réflexion.

Comment transformer, créer et développer de nouvelles économies ? Je pense, en particulier, aux thématiques de la santé, du développement durable, de l’énergie adaptées à leurs besoins. Également à la puissance de business développés via Internet sans limitation géographique et requérant des investissements relativement limités.

Tout comme l’école du futur a une excellent terrain d’expérimentation en Afrique, l’entreprise du futur inventera ses propres modèles.

On parle de nouvelles classes moyennes africaines. Elles seront le pilier du développement et l’Enseignement supérieur doit y jouer un rôle essentiel. N’oublions pas non plus, notre ancrage dans la partie francophone. Nous avons une carte à jouer, une influence à développer (voir mon post, « Bascules et mutations »). Nous sommes attendus alors que nous vivons la Semaine de la langue française… D’autres Afrique(s) lusophone et anglo-saxonne se tournent vers d’autres horizons. Ne perdons pas cette chance. En 2050, 85% des Francophones seront en Afrique selon l’organisation internationale de la Francophonie (OIF) !

Grenoble Ecole de Management a choisi un modèle basé sur la coopération, les alliances et le mentoring. Nous avons un partenariat stratégique avec l’ESCA Casablanca pour rayonner ensemble sur le continent et favoriser un développement économique porté par de nouvelles élites made in Africa.

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