Est-ce le nouveau champ de bataille entre écoles et universités ? En tout cas le format du bachelor attire : court, professionnalisant, à dimension internationale. Les étudiants plébiscitent cette voie depuis quelques années. Avantages et limites de ce bachelor qui n’est pas seulement l’un des mots-clés les plus populaires sur Google trends – attention on parle alors de télé-réalité ! Y aurait-il corrélation ? ;=)
À en lire la presse spécialisée et les prises de position récentes des représentants de l’université, la vague des bachelors secourait les piliers du premier cycle de l’Enseignement supérieur. Le sujet s’emballe. Coup de tonnerre, les écoles d’ingénieur réfléchissent aussi à leur bac + 3 et même Polytechnique s’y met avec la création de son bachelor !
C’est effectivement un enjeu : réflexe de défense des organes représentatifs des IUT qui souhaitent que cette formation soit intégrée dans leurs cursus ou qui expliquent que ce sont les écoles qui investissent le créneau pour faire face à la réforme de la taxe d’apprentissage – d’après ce que j’ai compris de cette taxe, elle divise en deux les établissements : les « catégorie A » (bac à bac + 2) et les « catégorie B » (tout le reste) donc ce n’est pas la question ; défense également de la CPU qui estime qu’en France les formations bac + 3 s’appellent exclusivement « licence », réservant le mot bachelor à l’international (07/04/2016) ; alors que l’IGAENR demande aux pouvoirs publics de réguler avant que le phénomène ne déséquilibre le service public ; ou que le président de Paris-Dauphine appelle les pouvoirs publics à « construire une offre adaptée en licence » vers l’emploi (19/4/2016)… Le débat ne fait que commencer alors que l’université devrait se réjouir de voir ces nouvelles formations désengorger les amphis du premier cycle. Je rappelle que les projections démographiques annoncent plus de 300 000 nouveaux étudiants dans le supérieur d’ici 2020.
La bataille ne se limite pas à la France. Quelques écoles de commerce ont signé des accords de double-diplôme étranger. Ce sont aussi des concurrents, les universités du Royaume-Uni vont venir « chasser » nos étudiants post-bac.
Bachelor : pourquoi tant de succès ?
Côté étudiants et familles, le bachelor dispose de trois atouts-clé. C’est une formation :
- Pratique et de terrain, à effectifs réduits,
- Professionnalisante,
- Internationale.
C’est également un formation ouverte, non bloquante, qui permet le « stop an go » :
- accès direct au marché de l’emploi,
- continuité, post bachelor, vers un master en France ou à l’étranger, une grande école via un concours passerelle…
- retour aux études ou un séjour à l’étranger, après une période d’activité professionnelle.
Le mot « bachelor » véhicule également un imaginaire, celui du campus américain, ouvert et porteur d’opportunités de toutes sortes. Cette bonne image marque les esprits depuis le film « Le Lauréat » avec Dustin Hoffman en 1967 ! C’est particulièrement vrai pour les générations des cinquantenaires… mais pas seulement. Je fais aussi référence aux Liberal Arts Colleges américains que j’ai visités. Des établissements qui délivrent un bachelor mais en quatre ans. L’étudiant est placé au cœur d’un dispositif où il peut s’épanouir dans la transdisciplinarité et la spécialisation, la recherche et l’action.
Cet imaginaire du bachelor rencontre celui des générations actuelles d’étudiants qui ont souvent besoin de trouver leur chemin entre l’université et les grandes écoles sans se sentir « enfermés » dans une orientation bloquée.
L’engouement bachelor a ses limites
- De quoi parlons-nous ? Du bachelor en 3 ans ou en 4 ans ?
Les formes sont différentes mais portent le même nom selon que les cursus intègrent ou non l’année à l’international.
- Attention aux marchands de rêves voire aux escrocs ! Les couloirs du métro parisien sont tapissés de publicités pour des business schools ou autres post bac dont nul ne connaît ni la qualité ni les antécédents…
L’État doit jouer son rôle en imposant des critères de qualité et faire la chasse à ces écoles « champignons ».
La CEFDG – Commission d’évaluation des formation et diplômes de gestion qui évalue les écoles de commerce privées et consulaires depuis 2003 accorde ou non le visa et réfléchit à un grade.
- Qu’en pensent les entreprises ? Le bachelor jouit d’une bonne image auprès des étudiants et des familles mais quid des entreprises au regard de leurs conventions collectives, par exemple. Est-ce plutôt un super bac+2 (en France) ou vrai un bac+3 ? Ce qui demandera de faire une différence entre bachelor et programme Grandes Écoles.
- Une fragilisation du recrutement des classes préparatoires aux grandes écoles et des IUT ?
- Je remarque que les bons bacheliers de la série ES hésitent maintenant entre classes préparatoires et bachelor, c’est un signe. Les classes prépas récupéreront donc les très bons éléments et les autres tandis que les niveaux intermédiaires risquent de déserter.
- Dilemme pour les étudiants qui souhaitent s’orienter en IUT avec une spécialité ou une orientation internationale même si certains établissements disposent d’accords avec des universités anglaises.
Par ailleurs, dans la perspective des quotas annoncés par le Premier ministre, le 11 avril dernier, pour les BTS et les IUT, cela devrait favoriser l’orientation vers les bachelors des bacheliers généraux qui se verront refuser des places IUT et qui ne souhaitent pas s’orienter en fac.
- Un questionnement pour les Grandes Ecoles.
À l’issue d’un bachelor, les étudiants ne souhaiteront pas forcément se diriger vers le programme Grande École. Il faudra donc imaginer d’autres formations comme il en existe avec le label MSC de la Conférence des Grandes Ecoles pour la suite du programme Grande École, avec de l’international, les fondamentaux du management et de l’analyse critique. Si des frais de scolarité sont appliqués, il faudra également imaginer des services associés.
Quelle finalité pour les bachelors ?
Je reste enthousiaste et garde toujours en tête ces Liberal Arts Colleges (voir plus haut). Les bachelors répondent à une demande et séduisent. J’imagine de belles évolutions comme des formules mixtes bachelor/licence, des doubles cursus, des doubles diplômes avec l’université (plutôt que de se quereller !). Imaginez la force d’un bachelor management couplé à une licence Langues Etrangères Appliquées (LEA) ou à une licence en Sciences ! Cela pourrait avoir du sens et irait dans l’intérêt des étudiants !
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