En cette période de clôture de l’année académique et de veille de congés, le cœur n’est pas à la fête. Une atmosphère pesante contredit ces moments de respiration, après la liesse de l’Euro déjà si loin… Quel bilan pour l’Enseignement supérieur ? Une certaine amertume de voir nombre de sujets essentiels au point mort ou mal engagés. D’aucuns nous disent que l’Enseignement est stratégique pour le développement économique, social et culturel de notre pays. On en douterait presque.
Enseignement supérieur : panorama général des COUACS
Une année peu satisfaisante pour l’Enseignement supérieur égrenée d’événements négatifs :
- La suppression des fonds de recherche (puis leur rétablissement !),
- La longue et difficile mise en place des COMUE,
- Les IDEX dont les règles du jeu restent à préciser entre modèle intégratif ou fédératif,
- Les problèmes récurrents de financement de l’Enseignement supérieur et les manifestations partout dans le monde contre l’augmentation des droits d’inscription : Afrique du Sud, Grande-Bretagne, au Chili… illustrent ces tensions alors qu’Hilary Clinton, en campagne, souhaite des universités américaines gratuites pour les plus pauvres,
- La fin de l’expérimentation du contrôle continu intégral,
- Les batailles autour du bachelor (cf mon post sur ce sujet).
- Les questions d’effectifs à l’université avec l’apparition penaude du tirage au sort des candidats, sidérant. Alors que sont attendus quelque 38 000 nouveaux étudiants à la rentrée de septembre !
- Et que dire de la tragi-comédie de la sélection en master.
- La juridisation de nos relations devient, hélas, une réalité. J’en sentais les prémisses dans mon post bilan de l’an passé. Entretenir de telles ambiguïtés encourage le phénomène. (Un sujet à part entière)
- Les dommages de la loi sur les stages et l’année de césure. On s’y perd.
- APB : quelle complexité ! Quel fossé entre le discours et la réalité de l’orientation. Tout cela pour en arriver au tirage au sort… Un système qui creuserait les inégalités selon une thèse de la chercheuse Leïla Frouillou récompensée par l’Observatoire de la vie étudiante.
- L’apprentissage qui ne décolle pas et n’est pas aidé à sa juste valeur. Voyez certains pays comme la Suisse où le chômage des jeunes est trois fois moins important qu’en France,
- 89% de réussite au bac. Je suis dubitatif. Pourquoi maintenir ce grand examen national qui valide, en fait, un contrôle continu au vu des résultats ! Et s’il disparaît, il y aurait, de fait, une sélection insidieuse, entre le bon et le moins bon bachelier, issu du bon ou du moins bon lycée ?
Et toujours ces trois mots ou « maux » de l’Enseignement supérieur mal gérés :
- sélection
- financement
- frais de scolarité
L’ascenseur social est bloqué et creuse inlassablement les fractures : sociale, culturelle, numérique. Comment en est-on arrivé là ? Un collégien sur dix aurait de grandes lacunes en lecture et en compréhension. Je l’ai souvent répété, elles seront rédhibitoires pour l’acquisition des compétences du 21ème siècle.
On affirme que l’Enseignement supérieur est facteur de développement économique et nous venons de traverser une des pires années pour le secteur. Espérons qu’elle soit la dernière.
Le bilan du côté business schools
Retour également à la dure réalité, les écoles de management sont mortelles. On a vécu l’épisode FBS, avec la disparition de l’ESC Amiens et de l’ESCEM. Brest et Clermont tentent de se redynamiser. Puis, cette année, la fin de Novancia. Il faut un minimum de 10 ans pour qu’une école commence à exister dans les classements, pour qu’elle soit accréditée… Et 18 mois pour disparaître.
Voir la disparition d’une école n’est jamais une bonne chose. Personne ne s’en réjouit et cela ne bénéficie pas à notre communauté. Je crains que la liste ne s’allonge compte tenu de la faiblesse de la capitalisation des établissements. De plus en plus de fonds d’investissements privés s’intéressent d’ailleurs au secteur. Les rachats et les montants se multiplient et sont de plus en plus impressionnants. La faiblesse du système public ne peut qu’amplifier le phénomène. J’y reviendrai. Les difficultés sont devant nous. La concurrence avec nos homologues étrangers relève du défi permanent au vu de la comparaison des budgets qu’elles engagent…
Recherche : faiblesse sur les questions de terrorisme et de laïcité
Je remarque que nous manquons cruellement d’une recherche dense sur ces questions qui nous frappent beaucoup plus violemment depuis deux ans. Le premier Ministre l’a d’ailleurs rappelé récemment. Nous avons besoin d’une meilleure compréhension du phénomène et de ses conséquences pour nous, écoles très internationalisées.
Nous souhaitons continuer à GEM d’être une grande école ouverte sur le monde, œcuménique, comment gérer toutes ces questions ? Mais comment expliquer l’inexplicable ? Les réponses sont multiples, allant de la mise en place du plan vigipirate à la pédagogie.
Également quelles conséquences sur les recrutements d’étudiants étrangers, l’attractivité de nos établissements, la gouvernance et le vivre ensemble ?
Les éclaircies : statut des ESC, pédagogies innovantes, interdisciplinarité, accueil des migrants
- Le passage au nouveau statut des écoles de management se poursuit (EESC : Ecoles d’Enseignement Supérieur Consulaire). Les écoles de management restent des pépites peu reconnues par les autorités malgré leurs classements internationaux (voir mon post « Pourquoi tant de haine ? »). Après HEC, Grenoble et Dijon, deux ou trois autres écoles devraient basculer en EESC. Ce qui devrait nous donner quelques marges de manœuvre supplémentaires.
- Les réflexions, les expérimentations fusent sur le numérique et les nouvelles pédagogies, le plan Université numérique, les FabLabs, les learning centers qui se développent… Sont-ils facteurs de changement ou de révolution ? Google et Amazon vont-ils accélérer la globalisation du supérieur ? En tout cas, le secteur éducatif comme les autres doit se réinventer à l’aune du digital et du big data. Un changement d’ordre culturel qu’il faut intégrer plus qu’une simple immersion (submersion) technologique.
- L’accueil d’étudiants migrants :
C’est une bonne chose et la communauté de l’enseignement supérieur y compris à Grenoble a montré une belle solidarité. Quelle difficulté de se retrouver dans cette situation pour ces étudiants avides de savoir et de progrès.
- L’interdisciplinarité s’installe dans les maquettes de formation, dans la stratégie des établissements et des COMUE, dans les appels à projets IDEX.
C’est une nouvelle manière de penser la pédagogie, peut-être le cœur de l’école du futur ? Décloisonner, faire tomber les barrières, partager, confronter, innover, se tromper, recommencer. Les titulaires de doubles compétences sont déjà les profils les plus demandés, habitués à la pensée complexe et capables d’en extraire de nouveaux modèles, plus… simples ! Une ère qu’accélère la pensée digitale.
Des éléments qui m’encouragent à l’optimisme !
Rendez-vous en septembre avec toujours autant d’enthousiasme, d’envie et réflexions à partager pour agir et construire l’école et la société du futur !
Bonjour Monsieur FIORINA et ravie qu’Armand Colin soit le nouveau partenaire du Festival !
Bien à vous FM