Après ce post à succès sur les idées reçues qui « collent » aux grandes écoles et qui a suscité l’adhésion de nombreux lecteurs, je me penche aujourd’hui sur les éléments objectifs de leur réussite et en particulier, celles que je connais le mieux, les grandes écoles de management, secteur dans lequel je travaille depuis plusieurs décennies.
Comme je l’expliquais dans mon précédent post, si quelqu’un recouvrait la mémoire après une vingtaine d’années d’amnésie et qu’il portait son regard sur une grande école de management, il ne reconnaitrait à peu près rien. Quel chemin parcouru !
Réussite des Grandes Ecoles : mes explications
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L’impact des accréditations internationales.
J’en parle régulièrement et considère qu’il s’agit ici d’un de facteurs clé de succès. Pourquoi ? Les accréditations sont d’abord un processus exigeant qui a pour vertu de structurer le développement des établissements en interne et en externe.
C’est un véritable projet d’entreprise.
Il apporte une assurance qualité à toutes les parties prenantes dans les domaines de l’enseignement/pédagogie, de l’assurance of learning (validation de la qualité du cursus de l’étudiant), de la recherche, de l’expérience « client » étudiante comme l’expliquait Daniel Ray dans une interview sur mon blog, L’étudiant un client comme les autres ?).
La démarche nous a permis de préciser notre mission et de développer notre dispositif pédagogique et de recherche.
Les accréditations offrent une aide significative au développement international, à l’image et à la visibilité des établissements.
Les écoles de management françaises excellent en matière d’accréditations.
Plusieurs disposent même de la triple couronne comme GEM, c’est-à-dire des trois principales accréditations (AACSB, Equis/EPAS, AMBA). Elles sont moins de 70 dans le monde. Une spécificité française peu connue et peu reconnue.
Lire également mon post sur cette question :
Accréditations et business schools : les dernières tendances.
Et le livre blanc sur les accréditations publié par la CGE – Conférence des Grandes Ecoles.
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Le classement des grandes écoles
ou plutôt LES classements tant ils sont nombreux et en forte évolution, à la fois généralistes et spécifiques, nationaux, internationaux. De nouveaux critères d’analyse apparaissent comme l’activité associative des écoles à la suite de concours, le numérique, l’influence digitale des Directeurs. D’autres sont plus traditionnels : nombre de professeurs permanents, qualité de la recherche, nombre de parcours offerts, satisfaction étudiants, international, services proposés, etc.
Nous en connaissons l’existence parce que nous remplissons des questionnaires. Et d’autres apparaissent dont nous ne soupçonnions pas l’existence… Tous les ans, nous en découvrons surtout sur les réseaux sociaux ou sur les blogs. Leur nature est très variée ainsi que les méthodologies qui les fonde.
Ils mesurent la performance d’un établissement à un instant donné que les étudiants et toutes nos parties prenantes consultent pour étayer un choix ou une décision d’orientation. Je conseille de les étudier sur la longue période, de manière globale et cohérente.
Toujours plus nombreux, concentrés sur les Grandes Ecoles ou les écoles spécialisées (management, ingénieurs, IEP, design, art…), ils ne sont pas ou peu présents sur d’autres cursus, de type universitaire, par exemple. Ne va t-on pas un peu (trop) loin d’ailleurs pour les Grandes Ecoles à qui ces classements demandent un travail très conséquent. Nous ne sommes pas seuls sur le marché de l’Enseignement supérieur !
Lire également mon post sur cette question :
Classements des écoles : pourquoi des Jeux Olympiques tous les ans ?
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Le modèle économique des business schools :
Ultra concurrentiel : les écoles de management attirent de plus en plus d’étudiants, l’offre est riche et variée. C’est donc un secteur très concurrentiel qui demande aux établissements un renouvellement permanent, des initiatives et des innovations.
Sans financement de l’Etat : en matière de ressources financières, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes (frais de scolarité et financement des entreprises). Cette indépendance a ses vertus puisque nous sommes en prise directe avec nos parties prenantes et leurs attentes, et ses limites, car nos besoins de financement augmentent dans un contexte contraint, sans reconnaissance financière de l’Etat de notre mission de service public de formation des dirigeants et cadres des entreprises du pays.
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L’individualisation des parcours :
C’est une clé de la réussite d’un établissement car il s’agit d’une demande forte de la part des étudiants et des entreprises. Elles prisent à la fois le caractère opérationnel d’un jeune diplômé et sa capacité à « naviguer » dans des environnements complexes et instables. Le double diplôme (management/design, finance/maths, management/histoire) et la diversité des cursus et des certifications vont en ce sens. J’ai l’habitude de dire qu’aujourd’hui dans une école de management, il y a plus de cursus que d’étudiants !
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Une concurrence internationale acharnée :
Notre marché est mondial ce qui demande une réactivité et une remise en cause permanentes en témoigne l’impact des classements internationaux de supports tels que le Financial Times. Notre manière de penser n’est plus du tout hexagonale.
Avec la démocratisation des transports, il est devenu beaucoup plus facile d’étudier à l’étranger. Le lieu des études n’est plus discriminant, il est le fruit d’un l’arbitrage qualité/prix/classements. D’autant que l’on peut rester en contact avec sa famille en permanence et sans frais via Internet. C’est une concurrence mondiale sur tous les talents. Il ne suffit plus d’attirer des étudiants étrangers et de satisfaire la demande des entreprises, il s’agit, pour nous, d’une question de survie.
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L’intégration au territoire :
Vivre au quotidien l’international n’a pas pour conséquence de se couper de son territoire de proximité, au contraire. Cet ancrage revêt à la fois un aspect historique mais également une dimension sociale et économique. Le programme BSIS, Business School Impact System de la FNEGE calcule de manière précise les apports d’une business school à son territoire en termes d’emploi, de consommation, d’image et de chiffres d’affaires. Pour GEM son impact sur son écosystème local est chiffré à 437 millions d’euros par an (chiffre 2016).
Il doit y avoir une adéquation entre l’ADN d’un territoire et celui de l’école. Grenoble est symbolique à ce titre, chacun se nourrit l’un de l’autre. Et cette notion devient, à mon sens, de plus en plus importante. Il faut également faire le lien entre les différents avec les acteurs du territoire y compris dans le domaine de l’Enseignement supérieur telles que les COMUE. Un point que j’aborderai demain lors de ma conférence « L’enseignement supérieur, un outil d’aménagement du territoire ? », vendredi 10 mars à 10h15, à l’occasion du Festival de Géopolitique de Grenoble
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La globalisation de l’éducation :
Nous sommes des acteurs de cette globalisation de l’Enseignement supérieur, nous ne voulons pas la subir mais la comprendre, l’accompagner, en tirer parti. Elle se caractérise par plusieurs paramètres :
Le développement des Edtechs qui préfigure la pédagogie et l’établissement de demain. Nous les intégrons dans notre stratégie et défendons l’idée d’une filière française forte.
L’engagement des GAFA dans le secteur de l’éducation à suivre de très près. Seront-ils nos concurrents les plus acharnés ou nos partenaires ?
Le basculement du point d’équilibre vers l’Asie en termes de démographie étudiante, de volume et de qualité de l’Enseignement supérieur. Nous observons qu’un marché mondial se met en place avec l’arrivée d’investisseurs puissants à l’échelle du monde et de la France. Les grandes écoles et les établissements du supérieur sont devenus des « cibles » intéressantes pour les investisseurs. Voir mon post avec Matine DEPAS de la Financère de Courcelles, Comment l’éducation devient un marché?
De nouveaux flux qui ne passent plus par les pays occidentaux (flux SUD-SUD). Nous observons et agissons pour apporter notre savoir faire et affirmer notre présence/influence sur des territoires à enjeu comme l’Afrique où se joue beaucoup de choses pour demain, sur la question de la langue et de la francophonie, entre autres. En 2050, le français sera la 2e langue la plus parlée dans le monde du fait de la démographie africaine.
En moins de 20 ans, tout a changé, nous nous sommes structurés en interne pour nous développer et devenir visible en externe et à l’international. Le nombre de nos étudiants a beaucoup augmenté. De quelques centaines dans les années 90, nous en sommes à 7800 en 2016 sur 2 sites en France, 12 à travers le monde. Cette montée en puissance s’accompagne également d’une très grande professionnalisation des métiers des personnels des écoles de management où de nouvelles spécialités émergent (citer les 3 les plus significatives ?). Ce qui fait notre force, au final, c’est de conjuguer l’ambition et le pragmatisme, de rester proches des attentes des entreprises et des étudiants. De garder les pieds sur terre en préparant l’étudiant à un métier, à des compétences, ce que demandent en priorité les entreprises.
Dans cette liste des éléments qui expliquent la réussite des ESC, vous oubliez une explication fort simple (mais qui est passée sous silence depuis de nonbreuses années, car elle remet en cause l’évolution récente de beaucoup d’écoles) : la sélection à l’entrée (= concours HEC).
Tout le monde sait bien que seules les formations sélectives sont monneyables sur le marché du travail ; et la réussite de la filière « ESC » vient du fait que les écoles captent les meilleurs étudiants par le système Prépa+Concours.
fBS qui a voulu s’en éloigner a vu les étudiants s’enfuir en courant : c’est bien la preuve que les étudiants savent où se trouvent les filières sélectives et celles qui le sont moins…
Ceci est tellement vrai que les ESC offrent des débouchés intéressants et reconnus depuis 30 ou 40 ans, donc bien avant la vague des accréditations – ce qui relative l’impact des ces dernières.
En tant que recruteur, je regarde avant tout le parcours du candidat dans son ensemble: où sont les preuves (concours, diplômes, année à l’étranger/en entreprise) que le candidat a travaillé pour construire son parcours? Ceci est pour moi beaucoup plus déterminant que les labels que possède ou non une ESC.