Si les Grandes Écoles exercent encore un vrai pouvoir d’attraction sur l’ensemble de leurs parties prenantes (entreprises, étudiants et familles, centres de recherche, etc), elles devront relever 5 grands défis à intégrer dans leur stratégie de développement : le financement, le numérique-ubérisation, la valorisation de la Recherche et de l’ensemble des contenus produits par les écoles, l’impact, le ROI (retour sur investissement). Avec à la clé, la mise en place de nouveaux écosystèmes agiles et complexes dont la gouvernance ne doit en aucun cas freiner leur développement, bien au contraire !
Quels défis pour les business schools ?
- Développer les financements
Le coût de revient d’un étudiant va nécessairement augmenter du fait de nouvelles exigences liées aux pédagogies, à la personnalisation et à l’internationalisation toujours plus fortes des parcours, aux services associés qui feront, d’ailleurs, différence entre les établissements. Nous devrons imaginer de nouvelles solutions de financement, mutualiser nos offres. Faire seul dans le concert mondial où de très grandes marques jouissent d’une influence historique et où de nouveaux entrants bouleversent le paysage, n’est plus envisageable.
- Intégrer le numérique et l’ubérisation des activités
La transformation radicale des organisations sous l’influence digitale n’épargne pas le secteur de l’éducation. Si je suis persuadé de l’importance grandissante de la pédagogie, elle va se transformer, s’adapter, muter en fonctions des publics, de leurs objectifs, des outils et des modes de fonctionnement générationnels. Ce sont des transformations fondamentales à intégrer dans un continuum permanent que seule une vision claire peuvent faire aboutir.
Les conséquences de l’impact du digital sont nombreuses pour les Grandes Ecoles françaises : apparition de nouveaux concurrents low cost ou gratuits ; produits et services portés par de grandes marques internationales ; diversifications des GAFA, de plus en plus investies dans l’éducatif et la formation (Google Education, Amazon…).
Les établissements eux-mêmes vont s’armer d’experts de l’analyse de la donnée et des flux qu’ils exploiteront tant en interne – optimisation des process et des services – qu’en externe – compréhension des marchés, prospection, recrutement étudiants…
- Monétiser la recherche
Nous devons penser « entreprises et organisations », et faire en sorte qu’elles pensent à nous !
Je suis pour une recherche utile. Comment l’optimiser, l’intégrer dans le processus de création de valeur des entreprises ? Notre valeur ajoutée comme l’explique Vincent Mangematin, directeur de la Recherche à GEM dans un entretien sur mon blog n’est pas de questionner le passé mais de donner des clés pour comprendre l’avenir, casser les idées reçues qui aveuglent et font que les entreprises et les organisations passent à côté des bouleversements socio-économiques. Je pense ici aux questions liées aux business models, au déploiement massif des robots dans la sphère productive mais surtout dans celle des services.
La recherche en business schools doit également trouver les chemins d’un co-travail avec les étudiants ; les sensibiliser à cette dimension fondamentale qui doit animer une réflexion systémique, par exemple, au service de la stratégie des organisations. C’est à la fois un défi immense et une valeur ajoutée rare (et recherchée) dans les cursus.
- Mettre le ROI au cœur de la stratégie
Nos frais de scolarité doivent générer un ROI exigeant de telle sorte que les familles et les étudiants continuent à investir dans les écoles de management. Ils sont prêts à financer :
- L’accès unique et privilégié au marché du travail,
- La capacité à évoluer vers de nouveaux métiers, tout au long de la vie.
- Le Diplôme en tant que tel et toutes les pédagogies qui optimisent l’ensemble.
Demain, ils auront d’autres arbitrages possibles entre des formations « gratuites » ou low cost, des organismes de certification ou de grandes marques plutôt à l’étranger.
Ce qui va nous obliger à être très précis, compréhensibles et exhaustifs quant à la production et diffusion de nos statistiques. Objectif : prouver tout ce que nous faisons (cf mon post de la semaine dernière sur l’importance des classements et des accréditations). Nous entrons dans une ère d’exploitation et de valorisation de data de plus pointues et sophistiquées.
Vers des écosystèmes dédiés
Les offres de services qualifient une nouvelle expérience étudiante comme l’explique Daniel RAY. L’accompagnement à l’emploi (par la relation employeurs, entre autres) dont nous parlions plus haut, en fait partie et revêt une grande très importance.
Ce sont des challenges considérables qui passeront par la création de nos propres écosystèmes comme ceux qui unissent les start-ups et les grands groupes en matière de R&D. Nous aurons nos propres start-up de développement.
Des écosystèmes qui seront basés sur des alliances et des relations partenariales entre écoles de management et au-delà, avec d’autres établissements. Cela implique de nouveaux montages juridiques. Et quand on observe, ce que sont les COMUE, l’analyse faite de FBS par la Cour des comptes ou le projet Saclay, je n’aurai qu’un maître mot : trouver la bonne gouvernance dans la complexité qui ne ralentit pas le développement et les projets mais l’accélère ! Le statut d’EESC devrait faciliter ce type d’alliances.
- Maximiser notre impact, valoriser nos contenus
Les grandes écoles, dans l’esprit public, sont souvent isolées voire limitées à leur champ de spécialité (sciences de l’ingénieur, sciences de gestion et management, marketing, design…). Elles n’auraient pas vocation à parler à la société, au monde. Non ! Leur impact est avéré sur les différentes échelles : territoriale, sectorielle, internationale. Notre parole est à conforter dans le débat public et dans la société.
Nous le vivons à travers le concept que nous défendons d’une School for Business for Society. Nous ne sommes pas (seulement) obnubilés par la dernière ligne du compte de résultat ! En témoigne la diversité de nos programmes et de nos cours qu’il faut valoriser, faire connaître et reconnaître auprès de toutes nos parties prenantes.
Au vu de la masse d’informations que nos établissements produisent (recherche académique, travaux des professeurs et des étudiants, publications sur les réseaux sociaux doit je suis l’un des acteurs pour GEM), nous disposons d’une base de données et de connaissances gigantesque mais totalement sous-exploitée.
Pour augmenter l’impact de ces contenus et les valoriser, monétiser cette connaissance, il faudra inventer de nouveaux métiers qui imagineront eux-mêmes de nouvelles plateformes. Nos écoles deviendront alors des entreprises-médias, des médias-écoles et d’influence. Beau challenge !
Et peut-être qu’un jour l’Etat français aura pris conscience de la qualité et de l’importance des grandes écoles (de management) et nous intégrera véritablement dans son dispositif…
L’ouverture sociale et le recrutement d’étudiants de familles défavorisées n’est, semble-t-il, pas un défi pour GEM et les autres écoles. Il est vrai qu’il est plus confortable de se lancer des « défis » qui n’en sont pas vraiment, puisqu’on sait qu’ils sont atteignables.
Il s’agit d’un « incontournable », notre dispositif diversité fonctionne bien. En ce sens, c’est un défi un peu dépassé.
Quel est le pourcentage de boursiers dans les programmes de
GEM ?
Le pourcentage de boursiers est de 30%.
Bonjour Mr Fiorina,
Il est vrai que ces défis sont une réalité bien présente au sein de chaque établissement privé notamment. Je pense que le fait d’intégrer le numérique et l’ubérisation des activités est une stratégie qui permet de maximiser le ROI. A mon sens, les deux sont liées car les outils digitaux d’aujourd’hui permettent veritablement de mettre l’étudiant au centre de la communication, s’adresser à lui de manière personalisée et ainsi booster l’image de marque de l’école en France, mais aussi à l’international. Cela se répercute sur une augmentation des candidats au concours d’entrée qui ressentent un sentiment d’appartenance avec l’école.
J’aurais aimé échanger avec vous sur votre vision de l’école dans l’ère de la transformation digitale et partager avec vous des tendances marché. Auriez-vous quelques disponibilités dans les semaines à venir?
Tiphaine