Le blog de Jean-François FIORINA

Didask traque (enfin) l’efficacité pédagogique

DIdask, SON THIERRY LY, edtech de l'efficacité pédagogique

©DR

Co-fondée en 2015 par Son Thierry-Ly, ex Normale-Sup/Ecole d’économie de Paris, la Edtech DIDASK mise sur deux outils : la psychologie cognitive et l’adaptive learning pour apprendre efficacement. Basée sur la personnalisation de l’apprentissage et l’acquisition de compétences par l’exercice, la start-up exploite la recherche en psychologie cognitive, avec un seul objectif, créer des expériences d’apprentissage productives dont les résultats soient mesurables. Interview.

Jean-François FIORINA : quel est votre parcours, et ce qui vous a amené à DIDASK ?

  • SON THIERRY LY : Je ne viens pas du secteur du numérique mais plus du monde de l’éducation et de la pédagogie. J’ai une formation d’économiste. J’ai fait une thèse en économie d’éducation, sur les questions de mixité sociale à l’école. J’étais à la base en médecine/biologie, et quand je suis arrivé à Normale-Sup, j’ai monté une association qui s’appelait Talens, qui est devenue le principal programme d’ouverture sociale de l’Ecole Normale Supérieure. J’ai dirigé cette association pendant 4 ans, puis pendant toute ma thèse, j’ai fondé et dirigé ce qui est aujourd’hui le pôle d’ouverture sociale de la direction de l’Ecole (PESU-Programmes pour l’Egalité Scolaire et Universitaire).

Il y a de la diversité sociale à Normale Sup’ ?

  • Pas assez ! (rires). Mais il y des actions qui visent les lycéens à les aider à se préparer aux études supérieures. Pour moi, toute l’histoire commence par un engagement de terrain. J’ai grandi en banlieue. C’était très important pour moi en arrivant à l’ENS de le faire. Ça m’a tellement passionné que je me suis aussi réorienté dans mes études : de la biologie à Normale-Sup vers un master de sciences sociales puis une thèse en économie, mais toujours axée sur les questions d’éducation.

Le sujet de l’économie de l’éducation est-il un domaine très idéologique ou y a-t-il une vraie ouverture d’esprit pour l’affronter de manière réaliste ?

  • Il y a toute une tendance de l’économie avec effectivement une approche très théorique descendante, basée sur la construction de modèles théoriques qui pouvaient comporter une part d’idéologie. Je suis plutôt de la mouvance plus moderne et récente, très inductive, très expérimentale de l’économie qui s’appuie sur des faits et des données empiriques. Ce qu’on essaie très modestement de faire en économie de l’éducation, c’est d’évaluer l’impact d’un certain nombre de modes de fonctionnement de systèmes éducatifs, par exemple l’impact de la réduction des effectifs des classes sur les apprentissages, de l’augmentation de la mixité homme-femme ou la mixité scolaire sur les apprentissages. On essaie dans ce cadre d’avoir des expérimentations avec une démarche scientifique très rigoureuse : groupes-tests, groupes témoins, tirés au sort par les résultats, et on en déduit ce qu’on doit en déduire.

En tant qu’étudiant, vous étiez conscient de toutes ces problématiques ?

  • En tant qu’étudiant, j’ai commencé à m’interroger sur des sujets comme l’allocation optimale des ressources éducatives pour pouvoir améliorer au maximum l’apprentissage, des sujets discutés depuis très longtemps.

Le numérique, j’y suis arrivé par mon action de terrain, avec des jeunes à qui on essayait de faire acquérir des connaissances et des compétences dont ils auraient besoin pour l’enseignement supérieur. Nous avons travaillé avec des lycéens sous une forme de tutorat qui maintenant est assez connue (mais nous faisions partie des premiers avec l’ESSEC en 2006 à monter ce dispositif). Lorsqu’on a voulu introduire le numérique dans notre action en 2010-2011, on s’est aperçu qu’une grande partie des outils proposés alors n’avait pas vraiment de valeur ajoutée sur le plan pédagogique.

Parce qu’il y avait des freins du côté de la pédagogie et des professeurs ?

  • Parce que, je pense, la première étape – et c’est normal – a été technique. Elle a été de dire : comment peut-on utiliser la technique numérique dans le domaine éducatif ? On met des outils à disposition des enseignants, mais ces outils ne sont pas pensés sur le plan pédagogique. Dans un premier temps, il s’agissait plus de la numérisation de l’éducation que de l’éducation numérique, de transposer le présentiel en ligne sans repenser les modes d’apprentissage.

Tout en sachant que le monde pédagogique était vent debout contre ces pratiques par peur d’être dépossédé de son métier ?

  • Cette crainte a deux explications. C’est en partie ce que vous dites : une forme de crainte de la technologie, comme dans d’autres domaines, crainte d’être remplacé… Mais il y aussi des questions qui me semblent assez fondées : « Est-ce juste du buzz, ou cela va-t-il vraiment me permettre d’être plus efficace dans mon travail ? Ne vais-je pas m’épuiser à utiliser des technologies parce qu’on me dit que c’est bien d’en utiliser [sans plus-value éducative] ? Comment est-ce que cela me permet de gérer des problèmes très concrets comme l’hétérogénéité des étudiants, l’oubli de ce que j’ai enseigné… des problématiques justes pédagogiques ». C’est cela que j’ai vraiment pu ressentir avec tous les enseignants avec qui j’ai pu travailler pendant toutes mes actions à l’ENS : on travaillait avec une trentaine de lycées, donc beaucoup d’enseignants. Je n’ai pas perçu, même s’il y avait parfois une ou deux exceptions, de réticences. Il y avait surtout la masse des enseignants qui attend qu’on leur prouve que oui, ces techniques permettent d’améliorer leurs pratiques, sans leur faire perdre de temps.

Je suis un peu surpris par ce que vous dites, j’ai toujours considéré que malheureusement, dans le domaine de l’éducation nationale, il y a le terrain et la technostructure : les individus pris séparément sont pleins de bonne volonté, puis au sein de la structure, on rejoint des postures idéologiques.

  • Les enseignants se comportent très différemment quand ils sont dans le cadre institutionnel que lorsqu’ils sont seuls avec leurs élèves. Quand on travaille et réfléchit sur le fond, ils sont beaucoup plus ouverts, beaucoup plus innovants que ce qu’on peut en dire souvent. Dans un cadre officiel, tout le monde joue voire sur-joue des postures, avec des blocages qu’ils n’ont pas en réalité sur le terrain.

Je me demandais alors comment utiliser le numérique avec eux, et je voyais essentiellement des outils qui ne nous guidaient pas beaucoup. J’enseigne moi-même, en Master à l’Ecole d’économie de Paris, j’ai donc la même préoccupation avec mes étudiants. Encore aujourd’hui, je vois plein de plateformes qui me permettent de tout faire, mais qui ne m’orientent en rien sur ce qui va faire que les étudiants vont mieux apprendre : la plus-value pédagogique, c’est à moi de l’imaginer.

D’où l’idée qu’il manque quelque chose, d’outils qui guident beaucoup plus les enseignants et les formateurs dans la manière d’utiliser le numérique en vue de faire acquérir réellement des savoirs et des compétences. J’insiste sur cette notion de montée en compétences car on trouve beaucoup d’outils dits « pédagogiques » mais qui n’ont pas foncièrement cet objectif. Par exemple, on peut créer un MOOC à visée uniquement de communication pour son établissement ou un enseignant, ou monter une formation en entreprise sur la culture digitale pour sensibiliser ou susciter des dynamiques collectives, sans s’intéresser réellement aux compétences acquises par les apprenants.

Le monde de l’éducation est en train de faire sa mue de la connaissance-savoir vers la compétence.

  • D’ailleurs c’est vrai aussi pour le monde de la formation professionnelle, dont les problématiques sont très proches du monde de l’enseignement. Dans le cadre de la formation professionnelle, on s’est focalisés surtout sur l’accès aux enseignements plus que sur leur impact. Ces formations ont, par exemple, longtemps été évaluées sur la base des moyens investis. Vous avez rempli votre mission dès lors vous avez mis de l’argent sur la table, pas parce qu’il y a eu acquisition des compétences. Même chose dans l’éducation où, après avoir mené la massification dans le secondaire et le supérieur, on se rend compte avec les études type PISA que donner accès à l’éducation pour tous ne suffit pas pour que tout le monde réussisse à apprendre. D’où l’idée que la question n’est plus l’accès mais l’efficacité.

Et pour la formation continue, celle de la rentabilité. Une entreprise veut bien qu’un individu se forme, mais, premièrement, quand il suit une formation, il n’est plus opérationnel, et deuxièmement, il faut que cela soit directement ciblé sur les compétences. Il faut que l’apprenant puisse dire « je suis capable de faire quelque chose ». Pour une entreprise, cette situation d’apprentissage vérifié est très utile, dans une perspective de RH : tel individu a progressé et a acquis des compétences pour lui proposer une gestion de carrière dynamique. On peut aussi avoir une approche très pédagogique, d’autant plus utile qu’on va, de plus en plus, vers des normes de qualité métier. Au sein d’un groupe donné, l’entreprise est ainsi capable de comprendre où les apprenants ont performé ou non. C’est un bon retour sur investissement. Un autre élément consiste à gérer de plus en plus de profils hétérogènes. L’idée est de permettre des parcours différenciés en tenant compte des disparités de départ pour que l’approche de la formation ne soit pas d’aller vers le plus petit dénominateur commun. Les modules et programmes doivent réellement servir à quelque chose pour que chacun accède à un niveau de sortie homogène.

  • Je pense que cette notion de retour sur investissement dans l’entreprise, c’est vraiment la transcription dans le monde de la formation adulte de ce qu’on voit dans le monde de l’éducation.

Mais le retour sur investissement c’est un « gros mot » dans l’éducation.

  • Mais au fond cela revient au même : lorsque les enseignants réfléchissent à l’usage de tel ou tel outil, leur réflexion se fait sur une logique de retour sur investissement. Ma vision de l’EdTech, est une vision qui s’assure que toutes les innovations, qui consomment beaucoup d’énergie des acteurs – et peuvent même les épuiser – donnent des résultats concrets en matière de montée en compétences des apprenants. On trouve sur le terrain des enseignants et des formateurs parfois très déçus. Ils se sont énormément investis sur des produits pour lesquels ils ne voient pas d’amélioration concrète chez leurs apprenants. C’est pour cela que je milite beaucoup sur cette démarche orientée sur les résultats d’apprentissage.

Et quels ont été les premiers retours des psychologues ?

  • Plutôt très bons. Nous travaillons avec Franck Ramus du département de psychologie cognitive de l’ENS. Je l’ai rencontré en lui présentant la démarche que j’ai eue, d’abord en me plongeant dans la littérature en psychologie cognitive, puis d’en faire un état des lieux, et de concevoir un outil qui permette de matérialiser toutes les bonnes pratiques d’apprentissage qui ont été démontrées par des faits. Franck Ramus nous a soutenu dès le début et a voulu travailler avec nous, pour plusieurs raisons. D’abord, il a senti que le produit que nous avons développé correspond réellement à ce qui est étayé par la recherche aujourd’hui. Mais également parce que DIDASK aide à faire avancer la recherche elle-même. Nous ignorons encore beaucoup de choses sur lesquelles les chercheurs ont besoin de terrains d’expérimentation. Avec notre plateforme, nous disposons de terrains incroyables pour eux. C’est une démarche qui nous tient à cœur puisque deux chercheurs composent l’équipe. La plateforme est donc aussi utilisée pour mener ces expérimentations concrètes afin d’en apprendre plus sur les modalités d’apprentissage réellement efficaces.

N’y a-t-il pas un risque de tomber dans des querelles de chapelle de « bons et mauvais scientifiques » ?

  • Je veux revenir sur le terme de « scientifique », parce qu’il y a parfois des mésententes sur ce qu’on entend par « démarche scientifique ». J’y entends ce qui s’appuie sur une démarche empirique qui permet la réplication des résultats. Parce que dans « scientifique », on peut y trouver des démarches très philosophiques voire idéologiques sous formes de grandes théories sur comment les gens apprennent, en déduisant des conclusions rarement étayées par les faits. Dans ce domaine, cela commence toujours par « selon la théorie d’untel sur l’apprentissage … »… J’y crois peu. Le grand mythe des intelligences multiples est un bon exemple. Tout le monde en parle, à savoir qu’il y aurait des styles d’apprentissage et qu’il faudrait donc personnaliser l’enseignement en fonction du style d’apprentissage de chacun. C’est une théorie qu’on ne retrouve pas du tout dans les faits. Je crois à une recherche beaucoup plus inductive et empirique, qui teste des choses de manière expérimentale puis en tire des conclusions..

Comment avez-vous transformé l’idée en plateforme ?

  • Dans l’équipe des associés initiaux, il y a Arnaud Riegert, le directeur technique qui a cofondé l’association Talens avec moi à l’ENS, et qui est développeur de son côté. Ça a été fait un important travail, avec des longs mois de réflexion sur le projet. Concrètement, le développement de la première version expérimentale a duré 6 mois, de septembre 2015 à février 2016. Nous avons sorti la première version commercialisable au mois d’octobre 2016. Nous sommes maintenant soutenus : nous sommes lauréats de l’appel à projet e-FRAN – école numérique, dans le cadre des PIA (Programmes d’Investissement d’Avenir), grâce auquel nous avons pu financer deux doctorants, l’un en science cognitive, accueilli en partie chez nous et en partie à l’ENS et l’autre en data science dans le même format.

Mais encore une fois cela vient aussi de cette démarche qui va dans les deux sens. Un exemple très concret de cette expérimentation : l’une des questions sur laquelle la recherche n’est pas encore très claire : Pour un étudiant qui apprend une notion, vaut-il mieux le faire commencer par un exercice plutôt que par une ressource ou l’inverse ? Nous avons des pools de personnes qui testent la plateforme pour nous, un groupe va se confronter d’abord à l’exercice puis à la ressource ; un deuxième fait l’inverse. Nous comparons les résultats immédiatement, puis une semaine et un mois après, en regardant quel est le groupe qui a la meilleure rétention d’informations. Cela nous guide pour savoir comment paramétrer la plateforme, pour savoir si on enverra, par défaut, d’abord sur la ressource ou l’exercice.

D’accord. Après la partie pédagogique, passons à la partie business. Qui sont vos clients ? Qui va louer votre plateforme pour optimiser l’apprentissage de leurs étudiants.

Pour achever d’abord l’histoire de la construction de la boîte : à partir de novembre 2015, nous a rejoint Abdou Mourahib qui est notre directeur du développement et qui est business developer. Il nous a permis de faire de cette structure une entreprise, ce qui est quand même une étape très importante.

Pour répondre maintenant à votre question : notre plateforme propose une méthode d’apprentissage qui fonctionne comme un canevas dans lequel enseignants et formateurs vont s’insérer pour proposer des parcours d’apprentissage basés sur la psychologie cognitive.

Ces parcours d’apprentissage fonctionnent matière par matière ou sur un programme pluri annuel type « Grande école » en ESC, par exemple ?

  • Les deux. Toute la difficulté du développement de la plateforme a été de pouvoir implémenter cette méthode au sein d’une technologie canevas qui permet de s’adapter à l’objectif de l’enseignant ou du formateur, quel que soit la thématique ou le contexte d’utilisation. S’il veut former au management dans son cours, ou à l’Ecole d’économie de Paris, par exemple, qui nous utilise aujourd’hui pour la remise à niveau de tous les nouveaux étudiants en statistiques et en probabilité avant l’entrée en Master. On est donc sur des usages qui sont assez différents. La plateforme s’utilise soit en amont d’une formation dans le cadre d’un cours de remise à niveau, thème de plus en plus important avec la montée de l’hétérogénéité à laquelle nous faisons tous face, soit dans le cœur de la formation elle-même pour développer des parcours hybrides avec du numérique, etc.

Comment cela se passe en termes de process ? Par exemple, moi professeur, j’ai besoin d’une remise à niveau pour mes étudiants qui arrivent en admission parallèle en deuxième année, cela veut dire que je peux définir le parcours sur votre plateforme ?

  • Oui, vous allez pouvoir créer cette formation de remise à niveau sur la plateforme, en partant de vos objectifs d’apprentissage. Un travail de scénarisation pédagogique débute, avec l’étape que nous appelons la « granularisation ». Elle identifie toutes les notions et compétences que les étudiants ont besoin de maîtriser. La première fois, nous vous accompagnons dans cette étape : l’idée est de vous apprendre à le faire pour que vous soyez autonome à terme.

Donc il s’agirait de transformer un module en un référentiel de compétences ?

  • Oui, une arborescence de compétences avec un format de cartes et de capsules sur DIDASK, une capsule étant pour nous une notion et une seule sur laquelle on va travailler. Le découpage est très fin : cette notion doit pouvoir s’acquérir en une quinzaine de minutes. Sur chacune de ces notions sera développé des exercices qui permettent de faire travailler l’étudiant par la mise en pratique. C’est essentiel et l’un des résultats les plus fondamentaux de la recherche en psychologie cognitive, qui paraît tellement évident mais qui est souvent noyé parmi d’autres idées pédagogiques : on apprend quand on mobilise activement la connaissance pour résoudre un problème, pas lorsqu’on est le récepteur d’un cours de manière passive, aussi bien fait soit-il. C’est à ce moment-là que l’étudiant se rend compte ce qu’il sait et ce qu’il ne sait pas, en faisant éventuellement des erreurs et en recevant un retour d’information correctif qui lui permette de se corriger. Tout l’enjeu est là : l’exercice doit être dans la phase d’apprentissage, et pas, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui, un format de type cours et, à la fin seulement, une évaluation.

Donc globalement une capsule est un élément d’expérimentation.

  • Vous avez une arborescence de huit à dix capsules, ce qui correspond à peu près à un cours de deux à trois heures, et à la fin de cette carte, vous pouvez avoir une évaluation qui est elle est « sommative », c’est-à-dire une mesure des acquis.

Comment optimisez-vous ensuite un parcours d’apprenant ? C’est là que votre data scientist agit ?

  • Vous avez tout compris. En fait, c’est cette architecture pédagogique de base qui nous permet de faire de l’adaptive learning qui nous semble pertinent.

Je me permets de vous couper : cette architecture peut être trans-établissements ? Prenons par exemple un module de comptabilité : si vous avez plusieurs établissements complémentaires qui ont la même capsule, l’analyse des données dans l’optimisation du parcours d’apprentissage reprendrait tous les éléments ?

  • Elle reprend tous les éléments. Les algorithmes s’appuient sur toute la richesse de la plateforme. C’est sur la base de cette architecture que nous développons de l’adaptive learning. Je vais vous dire une chose très importante pour comprendre notre démarche et notre philosophie à DIDASK, nous ne sommes pas des amoureux de la technique pour la technique. Notre approche est d’abord fondée sur la recherche des modalités d’apprentissage qui font que les gens apprennent mieux. Ce n’est que dans un second temps que nous regardons, parmi ces modalités, celles qui demandent de la personnalisation : mais ce n’est pas toujours le cas. Par exemple, ce que nous apprend la recherche, c’est qu’un des premiers facteurs d’apprentissage, c’est l’attention, qui s’obtient notamment en confrontant l’étudiant à un challenge qui est à son niveau. Si c’est trop dur ou trop facile, la personne se désengage. L’utilisation de l’adaptive learning est importante dans ce cadre. Je précise bien que nous ne sommes pas sur une approche très technophile de l’adaptive, en cherchant à développer des algorithmes très complexes, nous sommes même un peu minimalistes. Nous rejetons, pour vous donner un exemple, certaines possibilités que cette technologie nous permet de faire, comme la personnalisation à l’extrême, en proposant un texte ou une vidéo selon les préférences de chacun et si la personne apprendrait mieux de manière auditive ou visuelle. Nous savons que cette théorie des intelligences multiples ne marche pas, donc nous n’utilisons pas l’adaptive learning en ce sens.

Mais est-ce que cela a été mesuré sur le confort d’apprentissage de l’apprenant et le temps passé ?

  • C’est vrai qu’il y a effectivement des préférences individuelles, mais il n’y a pas de différence sur l’efficacité. Ce dont se rendent compte actuellement les cognitivistes, c’est que les gens apprennent mieux quand on mobilise tous les canaux. Donc l’adaptive agit ici sur le positionnement initial de la plateforme, et après sur l’espacement des exercices, le fait de revenir dans le temps sur des exercices.

Donc la plateforme est capable d’identifier, pour un individu, les éléments sur lesquels il a des difficultés, et de proposer des solutions adaptées ? Imaginons que nous l’utilisions pour nos étudiants, cette plateforme est multidimensionnelle, puisque nous avons plusieurs niveaux de granularité, nous avons l’individu, le TD, la promotion. Est-on capable de dire : pour un individu, il y a une capsule spécifique qui a été mal faite et il y a besoin de revoir différents éléments ; pour le professeur : la notion de cette capsule a été en majorité mal vue par un groupe d’étudiants, voire de tout mutualiser pour disposer d’une vue globale sur l’efficacité ?

  • Complètement. La plateforme permet en fait aux enseignants d’avoir à différents niveaux des analytics. Au niveau de l’individu, ce sera sa trajectoire, au niveau du groupe, vous pouvez, par exemple, identifier dans le cadre d’une capsule quelle question a été la moins réussie par le groupe, ce qui vous permet de vous orienter pour le cours en présentiel.

Est-ce qu’elle peut être utilisée de manière prospective ? Par exemple, si je souhaite lancer un cours dans lequel seront apportées de nouvelles notions. Puis-je faire une simulation pour le tester et l’optimiser, pour m’aider à bâtir un scénario pédagogique ?

  • Je pense que vous pourriez, oui, faire un usage prédictif de la plateforme. L’intérêt de la plateforme, du fait qu’une notion fasse systématiquement l’objet d’un exercice, force toujours à construire ses contenus par objectifs d’apprentissage. L’intérêt est donc qu’en faisant ces capsules sur un sujet pour lequel vous souhaitez faire cours, avec un test sur les étudiants, vous pourriez avoir beaucoup d’informations : quelles sont leurs connaissances initiales sur le sujet, quelles sont les notions, les capsules qui leur posent le plus problème, autour desquelles il faudrait construire le cours ?

Cela peut même être utile dans mon rôle de directeur d’établissement dans l’affectation des ressources, pour gérer des volumes horaires, par exemple. Surtout dans la mesure où certains de nos cours peuvent être remplacés par des MOOC.

  • L’autre grand élément, c’est le modèle commercial. Le modèle de base est assez simple et classique. Vous avez un espace de formation, sous la forme d’une plateforme web unique que nous hébergeons, et où chaque établissement ou entreprise dispose d’un espace de formation dédié, uniquement accessible à ses apprenants où il diffuse ses contenus.

Ensuite, nous sommes dans une démarche qui est à la fois une démarche client et une démarche partenariale. Vous connaissez très bien la question des contenus. C’est-à-dire qu’on a d’un côté des enseignements du supérieur qui ont une capacité à créer du contenu de qualité grâce à leurs équipes, et qui ont besoin de trouver des nouveaux modèles de financement, et d’un autre des acteurs privés comme des entreprises qui ont besoin de former et cherchent des contenus qui existent déjà et qui peuvent être labélisés. Nous sommes au cœur du lien entre l’enseignement supérieur et le secteur privé pour la formation continue. Et notamment l’augmentation de la demande de contenus sur-mesure de la part des entreprises.

La logique de la plateforme, sur le plan technique, est que chaque capsule est autonome et peut être réutilisée pour autant de formations que vous voulez. Des capsules sur la comptabilité peuvent ainsi être réutilisée pour un programme de formation continue, mais aussi évidemment en interne, dans des classes de niveaux différents, ou en interdisciplinaire. D’où l’intérêt de constituer des banques de capsules que vous pouvez assembler à votre guise.

Là encore, nous pourrions avoir une approche prospective ou au moins d’anticipation par la fusion de capsules…

  • Complètement. Par exemple, si vous voyez que certaines capsules sont très réutilisées dans beaucoup de cartes, cela veut dire beaucoup de choses. Donc vous voyez déjà l’intérêt en interne, en termes de capitalisation de contenus.

Sur la banque de contenus, vous touchez un pourcentage ?

  • C’est l’idée : nous nous associons à des établissements qui veulent généralement utiliser la plateforme en interne, et qui sont veulent rentabiliser leurs contenus. Ce à quoi nous essayons d’aider de manière générale : rentabiliser les investissements dans la création de contenus. Ensuite, nous rencontrons des clients pour leur vendre notre plateforme avec les contenus qu’ils souhaitent louer.

Vous allez faire un malheur dans les universités d’entreprises !

  • On l’espère !

Pour faire le lien avec le sujet qu’on a déjà évoqué, qui sont [les universités d’entreprise] l’un de nos principaux concurrents.

  • Oui ! Et l’intérêt, c’est également que l’entreprise puisse ensuite faire son marché sur la plateforme. Vous lui proposez une série de cartes pour la formation de ses managers, et elle pioche telle ou telle capsule qu’elle va pouvoir assembler avec des capsules faites par une autre institution sur un autre sujet, et tout rassembler autour d’une formation sur mesure axée sur ses besoins.

Et comment garantissez-vous la qualité de la capsule ? Si un client veut acheter une capsule contenant des énormités, les prévenez-vous ? La garantie est-elle le label de l’école qui l’a crée ?

  • Très bonne question. Chaque auteur conserve la propriété intellectuelle de ses capsules, qui est conservée même quand la capsule est louée à quelqu’un. Chaque auteur est responsable de ce qui se dit dans une capsule. Sur le plan juridique, par exemple, s’il y a des propos racistes ou autres, c’est l’auteur qui est responsable.

Aujourd’hui, à notre stade de développement, nous travaillons avec nos partenaires et nous les accompagnons dans la création de ces contenus, jusqu’aux exercices. Nous sommes donc pour l’instant « garants », de fait, de la qualité de ces contenus. Dans un second temps, évidemment, quand nous aurons grandi, nous développerons les outils d’indexation, d’évaluation… qui vont nous permettre de garder un œil sur ces contenus. Mais a priori notre modèle n’est pas de labéliser des contenus mais cela peut évoluer ! Rien n’est vraiment fixé dans ce domaine.

La stratégie de nous établissements va se construire sur deux fondamentaux : la création/valorisation de contenus (pédagogiques et autres) qui constituent la colonne vertébrale et sur l’individualisation des parcours dans un paysage où la diversité des apprenants est à la fois un défi et apport de valeur essentiel. Voir mon dernier sur ces sujets.

Merci pour cet échange !

Commentaire (1)

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