Ce post part d’un constat : les étudiants sont de plus en plus friands des expériences pédagogiques « hors salle de classe » ou de missions professionnelles rémunérées. Comme diraient les prospectivistes, les signaux faibles montrent que de nouvelles formes d’apprentissage (stages, formations, networking, missions, makers ou hackers day) rencontrent un accueil de plus en plus favorable. Quelles conséquences pour nos établissements ? Comment intégrer ces dynamiques dans notre écosystème tout en garantissant à nos étudiants le meilleure ROI possible ?
Et s’ils dessinaient l’école du futur ? Nous avions les programmes Graduate des entreprises, arrivent aujourd’hui – via des EdTechs, des espaces de coworking ou des plateformes web – des challenges d’entreprises souvent dans des formes ludiques, des propositions de missions en équipes intégrant plusieurs compétences (Studyka, cremedelacreme.io), des événements et formations très opérationnelles… Bref, de nouvelles expériences dont les étudiants sont très friands pour enrichir leur CV dans un contexte de compétition avec leurs pairs sur de futurs postes.
La vague start-up, hackers, makers, DIY (Do It Yourself) mobilise beaucoup les jeunes générations millennials (18/35 ans), à la fois pour les aspects de créativité, de partage festif et de revenus financiers potentiels.
Il n’y a pas de reproches faits à nos écoles. Nous apportons d’autres services mais certaines approches ne sont pas proposées ou de manière marginale. L’exemple du growth hacking en est une parmi d’autres.
Je remarque également que le nombre d’étudiants qui suit des MOOCs augmente sensiblement dans une logique d’image et de curiosité intellectuelle.
Le conseil étudiant de l’école qui rassemble les délégués de toutes les années montre qu’ils sont prêts à travailler beaucoup plus contrairement à certaines idées reçues ! En témoigne le taux d’occupation de la bibliothèque quel que soit le jour ou l’heure. Nous étions sceptiques sur la demande étudiante d’ouverture le dimanche de cet équipement et pensions qu’il serait plein uniquement les veilles d’examens. Faux ! Il affiche complet même le dimanche qu’il fasse beau ou que la neige recouvre les sommets !
Autre mutation importante, le changement de nature et d’intérêt pour les associations qu’héberge l’école. Si le festif primait dans les motivations d’adhésion il y a 10 ans, aujourd’hui, elles sont devenues des lieux de forte implication et un excellent moyen d’acquisition de compétences et d’expérience très bien vues par les entreprises. C’est l’équivalent d’un bon stage ou d’une mission.
Sur les 23 associations que compte GEM, la moitié dispose d’un budget de plus de 100 K€, celui de la plus grande, Altigiss, de 750 K€ et son président gère une équipe de 80 personnes. Il est donc confronté tous les jours à de vraies problématiques !
Tous ces étudiants veulent apprendre toujours plus mais de manière différente, « périphérique ».
C’est pour moi une dimension à part entière de l’école du futur qu’il nous faut intégrer dans notre vision, dans l’expérience étudiante que nous devons proposer et faire évoluer, en plus des stages et missions. Les étudiants privilégient ces « hors salle de classe » – hors sentiers battus qui se développent à la périphérie des écoles.
Grandes écoles : comment réagir ?
Cette diversité des offres de formation, de mission, d’épanouissement personnel m’interpelle. Elle appelle deux remarques.
1/ Nos univers (écoles, associations, espaces de co-work, lieux d’expérimentation hackers-développeurs-makers) ne doivent pas s’opposer ou se cannibaliser mais s’enrichir mutuellement au service de la formation des étudiants, au service d’une valeur ajoutée globale que nous leur devons.
2/ Les étudiants paient des frais de scolarité et nous avons toujours en tête de quelle manière leur apporter de la valeur et le meilleur retour sur investissement (ROI). Notre défi est d’intégrer ces nouveaux modes d’apprentissage et de développement dans notre système :
- Par la labellisation des « hors salles de classe » en apportant notre expertise pédagogique,
- En intégrant certains éléments dans nos parcours de formation, en amont, pendant et après, pour aller plus loin.
Je crois beaucoup au curriculum design ou comment proposer à chaque étudiant le bon parcours. Les avantages de ces solutions s’adressent tantôt à un collectif tantôt à un individu. Cette souplesse nous permet d’aller encore plus loin dans l’individualisation des parcours.
L’idée est de donner une cohérence à ce qui pourrait être perçu par le futur employeur comme de la dispersion. Et surtout éviter d’avoir une collection de diplômes, de labellisations et d’aventures pédagogiques sans fil rouge.
L’ensemble des expériences menées dans leur diversité professionnelle et personnelle pourrait alors être intégré dans la scolarité, noté et validé. En amont, cela demande un travail de réflexion et de préparation entre l’étudiant, l’établissement, ses professeurs et les tiers extérieurs concernés
Notre rôle serait alors de repérer ces « hors cursus » par une veille spécialisée, d’en faire un tri qualitatif pour garantir à toutes nos parties prenantes le niveau d’excellence qu’ils attendent.
Loin de moi l’envie de les rejeter, je souhaite les intégrer de manière organisée même si nos étudiants y perçoivent un avantage « automatique » par rapport à un cours en termes d’expérience voire de rémunération.
L’idée serait de créer un écosystème proposé par les écoles elles-mêmes. Cette expérimentation donnerait aux étudiants toutes les clés pour réussir, par exemple, dans les missions en entreprises qui leur seraient confiées (ont-ils les compétences pour le faire ? Est-ce adapté à des 1ère, 2ème ou 3ème année ?), est-ce le bon timing dans leur cursus global ? Une manière également de ne pas mettre en danger l’image de l’établissement en cas de mauvais casting ou de malentendus.
Vers quelles relations Ecole/Entreprise ?
Ces nouveaux parcours questionnent la relation Ecole Entreprise qui est l’une des grandes forces des grandes écoles et en particulier des business schools. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet en insistant sur l’impact des réseaux sociaux tels que Linkedin dont l’un des services The Talent Solutions est sans ambiguïté ! Ne sont-ils pas nous futurs et plus grands concurrents de la relation étudiant entreprise ? Tout comme les plateformes citées en introduction de ce post, capables de mettre en relation étudiant et entreprise et, à terme, d’identifier des talents pour répondre aux besoins de recrutement. Se poserait alors la question de ma valeur ajoutée en tant qu’établissement.
Être au cœur d’un écosystème aurait pour avantages :
- de qualifier les bons et les mauvais « plans » pour les étudiants avec pourquoi pas le soutien des professeurs, de l’école ou de nouveaux collaborateurs dédiés à cette tâche.
- de pouvoir optimiser ainsi les parcours des étudiants en préservant leur image et celle de leur école qui, au final, leur délivre un diplôme, partie prenante d’une marque globale.
- d’élargir le cercle des partenaires, de se nourrir de cette créativité et de s’ancrer encore plus profondément dans son territoire.
Nous sommes bien au cœur de l’école du futur offrant des parcours et des profils différents aux entreprises et à la société. À nous de créer ces écosystèmes pour apprendre plus, apprendre mieux, « apprendre autrement » !