Le blog de Jean-François FIORINA

IRAN, on a envie d’y croire !

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©LePoint

Entre révolution islamique, terrorisme et nucléaire, l’ancienne Perse n’a pas donné d’elle-même une image très attractive depuis des décennies. Il y a cependant une face à (re)découvrir de cette grande nation dans tous les sens du terme — sa population dépasse, d’ailleurs, les 80 millions d’habitants. L’enseignement supérieur et la fougue de sa jeunesse en sont d’ardents porte-paroles.

Contrairement à l’Arabie saoudite, l’Iran qui conclue cette trilogie, est porteuse d’une longue tradition universitaire et dépositaire d’une civilisation qui disputait à la Grèce — il y a 25 siècles — l’hégémonie sur le monde méditerranéen, l’Asie mineure et le monde tout court ! Relire à ce propos le livre passionnant — et tout à fait indiqué pour l’été — du journaliste polonais Ryszard Kapuscinski, « Mes voyages avec Hérodote », ce premier géographe de l’histoire qui exprima parfaitement ce conflit helléno-perse. Opposés sur leur vision du monde, pré-démocratique d’un côté, tyrannique de l’autre, ces postures ont-elles d’ailleurs vraiment évoluées ?

Pour ce qui nous concerne, je propose un panorama et une analyse de l’Enseignement supérieur iranien qui dispose de belles pépites dans les secteurs techniques, technologiques et médicaux. Futur partenaire de nos échanges académiques, culturels et économiques mais à quelles conditions ?

 

Faire des études supérieures en Iran reste un élément de prestige et d’ascension sociale incontesté. Ses étudiants effectuent des parcours souvent brillants mais s’expatrient (quand ils le peuvent). L’enseignement supérieur subit, en effet, de plein fouet les sanctions économiques à la fois en termes d’appauvrissement, de mobilité étudiante et de coopérations internationales difficiles. On assiste à une importante fuite des cerveaux dans les domaines où excelle le pays, les universités techniques (ingénieurs) et médicales.

La demande en matière d’Enseignement supérieur reste forte dans le pays avec un système d’universités et d’écoles médicales d’Etat (une centaine) ainsi que de nombreuses universités privées (289) qui doivent se conformer aux règles publiques mais dont la qualité et la reconnaissance sont faibles.

 

Et pour nous établissements français, quelle stratégie iranienne ?

 

  • D’abord s’intéresser à cet acteur géo-stratégique incontournable. Il est impossible d’occulter ce pays. Par sa position géo-stratégique — passerelle entre le monde arabique et l’Inde, avec, au nord, l’Eurasie —, son influence, sa taille et sa population — plus de 80 millions d’habitants, ses ressources, elle est un acteur majeur de la région et compte bien s’imposer sur la scène internationale.
  • Viser ce « marché » étudiant important avec une diaspora active et nombreuse.

Même si les étudiants iraniens choisissent aujourd’hui la France pour son art de vivre et moins pour son excellence académique…

  • Imaginer la poursuite de cette longue tradition de coopération entre la France et l’Iran en matière de recherche et de technologie. La France est bien connue dans ces domaines et beaucoup de responsables universitaires iraniens ont obtenu leur diplôme en France et même pour certains à Grenoble ! Mais cette coopération est maintenant limitée du fait des événements des dernières décennies.

 

IRAN : quels axes concrets de coopération ?

 

  • Techniques : comme évoqué plus haut, je confirme que nous sommes sollicités régulièrement par des anciens de l’INPG en particulier.
  • Management : un axe intéressant à développer pour les entreprises françaises installées en Iran comme TOTAL. Elles ont besoin de former leurs cadres sur place. Mais comment parler de management sans aborder les questions de la mondialisation, les aspects culturels et sociaux ? Quelle marge de manœuvre vis-à-vis du discours officiel ? Sans parler des questions de financement des actions engagées.
  • Implantations locales : pour faire face à la massification de l’Enseignement supérieur, les opérateurs privés fleurissent en Iran. Des partenariats public/privé sont-ils possibles et dans quel cadre avec l’Iran ?
  • Stratégies de niches : la vague start-up déferle aussi dans le pays. Nous pouvons contribuer à la structurer et à créer des passerelles avec nos propres réseaux et outils de promotion.
  • Former les étudiants sur place ou viser la diaspora ? Deux segments étudiants mais pour l’instant difficile de se projeter dans le pays. Les risques sont élevés.

 

Iran : des barrières à l’entrée trop élevées

 

Les atouts dont disposent l’Iran et notre tradition de coopération nous prédisposent à (re)tisser de profonds liens. Mais les règles du jeu ne sont encore claires et les risques financiers liés à l’implantation d’établissements ou au business avec le pays sont immenses. Rappelez-vous les montants des amendes astronomiques demandés par la justice extra territoriale américaine aux entreprises ayant bravé l’embargo !

Autre barrière ou limite, le paiement des prestations et investissements sur place. Quid si blocage des fonds ? Là encore il s’agit d’un paramètre essentiel qui constitue une barrière infranchissable.

 

Et si l’Etat français jouait son rôle ?

 

J’ai souvent demandé à l’État de se positionner comme facilitateur. Une vision stratégique qui le placerait vis-à-vis de l’Iran dans un rôle de sécurisation des acteurs publics et privés dans leur développement et conquête à l’international. Sécurisation et garanties dans les domaines politique, financier — les paiements évoqués —, pour ne pas manquer ce marché et le rôle que pourrait jouer la France dans cette lutte d’influence internationale sans merci.

Encore une fois, quel levier plus efficace que ce soft power de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ! Pour peu que l’on joue collectif avec les acteurs de terrain que nous sommes, universités, grandes écoles, entreprises, établissements culturels et environnementaux qui souhaitent se développer à l’international. Ce serait une occasion d’attirer les talents que l’Iran a formés, de faciliter l’implantation des entreprises françaises sur place et de rayonner dans une région stratégique mais au combien sensible. Les établissements anglo-saxons bénéficient actuellement d’une image et d’un attrait supérieur aux francophones dans cette partie du monde. Une action coordonnée entre Etat et établissements publics et privés serait une manière de tordre une réalité dont je ne conteste ni la complexité ni la difficulté.

Dernier point d’analyse plus personnelle, je considère qu’il s’agit d’un des pays prioritaires dont la stabilisation bénéficierait à l’ensemble du monde. La réussite de l’Iran n’est-ce pas l’intérêt de la région, du monde et donc de nous-mêmes ?

Soyons prêts ! Quand la porte s’ouvrira, nous aurons tout intérêt à s’y être bien préparé. Et c’est maintenant que cela se joue tant dans l’approche culturelle et la coopération que dans l’accompagnement des entreprises sur place et pourquoi pas vis-à-vis des start-up en ébullition ? Il y aura de belles places à prendre.

 

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