En ce début d’année, sonne l’heure des bilans ou… des perspectives. Olivier Rollot s’attelle aux perspectives – avec talent – pour ces 20 défis que va devoir relever l’enseignement supérieur (je n’ose imaginer le nombre de défis en 2030 !). J’ai choisi de rebondir sur ces 20 thèmes en soulignant pourquoi certains sont plus prégnants pour les b-schools et immodestement d’en ajouter quelques-uns !
Je me suis souvent exprimé sur l’égalité des chances et ceux qui me lisent connaissent ma position. Oui, il y a obligation d’agir mais de concert avec toutes les parties prenantes, y compris avec les parents. J’ai été frappé par un article du Figaro en début de semaine qui montre que les jeunes filles asiatiques sont les meilleures au lycée avec une explication : le rôle des parents. Il faut les inclure dans la réflexion car ce sont eux qui finalement peuvent avoir une influence sur le choix d’études de leur progéniture. Il y aurait peut-être besoin d’une formation / sensibilisation / « pédagogisation » des parents car comme le souligne Le Monde, les jeunes reprochent à leurs parents un double discours sur l’orientation entre le « fais-toi plaisir » et le « sois réaliste » !
Attention, par ailleurs, à ce que la réforme du bac — et pour les Grandes Ecoles de Management celles des CPGE — n’introduisent pas une fracture entre les grandes villes qui auront les lycées « performants » et le reste du territoire qui n’aura pas forcément les moyens de proposer toutes les filières.
Business schools : trouver les moyens de se développer
C’est l’éternel serpent de mer de l’enseignement supérieur, le combat de toutes les idéologies et un déni de réalité. L’éducation a un coût que l’on oublie très souvent et il ne va qu’augmenter dans les années à venir.
Au-delà de la crainte de la paupérisation, si aucune solution n’est trouvée — le risque de voir partir étudier à l’étranger des étudiants de bon niveau augmentera fortement.
Les universités et écoles étrangères, EPFL, Erasmus BS, Kings College, LES, LBS, HEC Montréal ou encore Nova Business School ont très bien compris l’intérêt de recruter des étudiants français qui ont un bon niveau et ne représentent pas pour eux de risque académique. Ces établissements ont, de plus, des dispositifs d’aide sociale conséquents (ce qui renvoie également au point 1 « Trouver les moyens de se développer »). Quoi qu’il en soit la solution pour moi est que les établissements d’enseignement supérieur puissent développer et gérer différents b-models. Qui pourraient prendre les formes suivantes :
- De nouvelles activités liées à l’IA,
- Le développement de l’apprentissage. Un grand nombre d’écoles envisage de créer leur propre CFA. Je pense que cela va favoriser de nouveaux types de relations écoles / entreprises,
- Le développement de la formation continue même si je pense que pour nous l’avenir est plus à la création de programmes sur-mesure
- Le développement international que nous devons faire – à l’instar des québécois et australiens, c’est-à-dire « en bande »
- Les opportunités liées au numérique comme le montre le succès d’Openclassrooms
- Le développement des réseaux d’alumni,
- Les fondations. Même si la nouvelle loi sur le mécénat ne nous est pas favorable,
- La création d’autres activités — existantes ou pas encore…
Cela ne pourra se faire — de toute façon — sans coopération ou mutualisation entre établissements et investisseurs. Cela renvoie à deux autres défis, là aussi à forte coloration idéologique :
- « Gérer l’irruption des investisseurs privés dans les Grande écoles consulaires» (n°10)
- « Suivre les mouvements capitalistiques dans l’enseignement supérieur privé » (n°11).
Pour les grandes écoles, c’est entièrement nouveau, ce qui explique que cela ne va pas aussi vite que nous le souhaiterions. Il faut raisonner en termes de projet et de gouvernance à cet égard, (re)lire ce que je répondais en juin 2015 à Olivier Rollot dans l’Essentiel du sup.
Tout est à construire et ne va pas changer d’un coup de baguette magique des dizaines d’années de pratique. Il faut en être conscient !
Je suis entièrement d’accord, nous sommes sur des cultures différentes. Comme pour le foot, chaque Français a son avis sur l’éducation et sur la façon de diriger une école sauf que l’éducation se répartit en différents segments, chacun ayant ses spécificités. Les écoles de management en occupe un et je vous invite à (re)lire mon post sur la comparaison avec un restaurant étoilé !
De notre côté, il nous faut comprendre – et accepter – que les « investisseurs » vont souhaiter s’impliquer – d’une manière ou d’une autre – dans la gouvernance et les activités de l’école. Et si l’on souhaite que les grandes écoles puissent continuer à être performantes, il va falloir apprendre à travailler ensemble très vite (d’où d’ailleurs le défi n°20).
En conclusion, et en observateur attentif de ce secteur, j’ajouterais 5 challenges :
- Réfléchir aux modalités de sélection et d’admission,
- Réfléchir sur les contenus de nos formations et le (ou les) profil(s) attendu(s) à la sortie de l’école,
- Trouver le bon fonctionnement de la relation avec les Edtechs,
- Digérer la transformation du RNCP en « France Compétences » et les conséquences sur l’articulation de nos formations,
- Réfléchir à notre portefeuille de programmes, en tenant compte à la fois des critères de reconnaissance et de contenus. Les MBA et les Masters généralistes connaissent une baisse de candidatures au profit de formations spécialisées. Le MBA est l’objet d’un grand nombre d’articles et réflexions. On sent bien que de nouvelles tendances se dégagent, certaines plutôt positives comme l’attrait de l’Europe. Beaucoup de Deans s’interrogent sur la nécessité de proposer un MBA mais continuent à penser qu’il en faut un. Remarque intéressante, à propos du point 4 (« Intégrer les grandes écoles dans de nouveaux ensembles ») et ce que cela induit en termes de stratégie : attirer avec d’autres produits pour aller sur les programmes.
Il y en a bien évidemment nombre d’autres points que je développerai cette année dans mon blog. Merci à ceux qui me lisent et meilleurs vœux pour 2020 !
- À lire également en matière de prospective de l’Enseignement supérieur :
Eight Big Trends That Shaped Business Education In The Just-Ended Decade via @PoetsAndQuants