C’est par une question volontairement provocatrice que démarre cette analyse du système universitaire français «Libérer l’université française pour la rendre plus compétitive. Pour une réforme globale de l’enseignement supérieur », réalisée par l’IREF, Institut de Recherches Économiques et Fiscales, présidé par l’avocat Jean-Philippe Delsol*. Une série de propositions iconoclastes pour faire entrer l’université française dans la compétition mondiale de l’Enseignement supérieur et la dynamiser par de possibles privatisations et créations d’établissements. Interview.
Jean-François Fiorina : Quelques mots d’introduction sur l’IREF et vous-même ?
Jean-Philippe Delsol : Je suis avocat, fondateur et président de l’IREF, Institut de Recherches Économiques et Fiscales, un « think tank » qui réalise des études sur des sujets politiques qui suscitent le débat concernant l’avenir de notre pays et du monde. C’est dans cet esprit que nous avons lancé l’étude Libérez l’Université française sur son organisation et son fonctionnement. Notre approche correspond au débat du moment, en particulier avec un amendement qui a été voté par le Sénat : la loi sur l’orientation de la formation et de l’université, pour ouvrir le recrutement des enseignants, des maîtres assistants et des professeurs d’universités publiques de telle façon qu’il ne soit plus obligatoirement centralisé par le CNU, Conseil National des Universités. Il nous est apparu important de faire cette étude complète du système universitaire, et de poser la question provocatrice suivante, « Et si l’université pouvait être privatisée ou admettre de nouvelles universités privées ? ». Ce qui aujourd’hui n’est pas possible.
Jean-François Fiorina : Quelles ont été les réactions des différents interlocuteurs que vous avez interrogés ? Ont-ils été surpris par cette problématique, ou est-ce une problématique qui va de plus en plus s’imposer dans le monde de l’enseignement supérieur ?
Jean-Philippe Delsol : J’ai été surpris par leur surprise ! Le monde de l’université publique est un monde extrêmement fermé. Les enseignants d’une manière générale restent très réservés à l’égard de l’ouverture de l’université au privé. Tout en critiquant souvent de manière très forte leur propre système, ils y sont très attachés, quelque soit leur provenance politique. J’ai entendu des professeurs, y compris des libéraux, défendre mordicus le système actuel qui est pourtant un système qui, en réalité, ne privilégie pas la qualité de l’enseignement supérieur français. Pour l’IREF, la question n’est pas le statut des professeurs — même s’il faut tenir compte de leur bien-être, d’une sorte de confort de l’enseignement —, mais c’est véritablement l’intérêt des étudiants et la qualité de cet enseignement qui comptent. Et je pense qu’aujourd’hui les conditions ne sont pas réunies pour favoriser et nos étudiants, et la qualité de l’enseignement.
Jean-François Fiorina : Comment vous l’expliquez, est-ce une méconnaissance, un parti dogmatique, idéologique, une tradition ?
Jean-Philippe Delsol : C’est probablement un peu tout ça. En fait le système universitaire français vit depuis presque plus de deux siècles dans la centralisation qui est celle de Napoléon, et qui à partir des débris de la Révolution Française a construit ce qu’on a appelé l’Université française avec un grand « U », qui regroupait l’ensemble des enseignements du primaire jusqu’au supérieur.
On a donné progressivement aux responsables de l’Université des pouvoirs très absolus. Nous vivons toujours dans ce système très centralisé qui a eu quelques périodes d’ouverture modeste ; notamment en 1875, 70 ans après la création de l’Université napoléonienne, une loi a prévu que des universités privées pouvaient naitre et avoir la capacité de délivrer des diplômes.
Aujourd’hui, les diplômes sont le monopole de l’État : il n’y a que lui qui attribue les diplômes de baccalauréat, de licence et de doctorat. Depuis 1968, il y a eu une ouverture avec la possibilité de délivrer des masters, qui représentent un nouveau grade dans l’université. Au fond, c’est cette vieille tradition qui a inscrit les enseignants dans le fait que leur système est centralisé et que c’était bien ainsi car ce fut toujours ainsi. Ils sont jaloux de ce système non seulement de leur monopole mais aussi de leurs privilèges. Devenir maître assistant ou professeur, c’est un parcours du combattant, et ceux qui ont gagné et qui ont obtenu le titre ne veulent pas voir des intrus alors même qu’ils auraient eu plus de facilités. Pour eux l’enseignement public, c’est ce qu’il y a de meilleur par définition. C’est également lié à un autre facteur : aujourd’hui les enseignants ont un statut de fonctionnaire, avec les protections qui l’accompagne. Ils ne veulent pas l’abandonner, et si l’université s’ouvrait au privé, ils craindraient tous que leur statut puisse être remis en cause. Pour ma part, je pense que ce serait effectivement une bonne chose.
C’est un peu paradoxal car beaucoup sont passés par l’étranger, par des universités privées, et certains enseignent dans nos écoles, donc ils ont déjà une idée du privé et de sa qualité.
Ce n’est pas si paradoxal pour deux raisons : ceux qui ont été à l’étranger et qui se sont adaptés au système étranger, qui y ont réussi, sont restés. Sont revenus ceux qui ont préféré le cocon familial, national, qui l’ont trouvé plus confortable et moins dangereux pour leur carrière car moins contrôlé. Dans les universités à l’étranger, l’enseignant est soumis en permanence à une sorte de contrôle qui est normal, c’est celui que l’on vit en entreprise, le contrôle de la direction et du client qui est l’étudiant. C’est beaucoup moins vrai dans l’université publique ou le contrôle est administratif. Donc il n’est pas illogique que les enseignants français soient renforcés dans leurs attitudes d’auto protection. Il y a aussi le fait qu’ils n’ont pas envie de se remettre en question.
Venons-en à votre étude, vous évoquez longuement les classements d’écoles, d’établissements pour comparer le public et le privé ?
Les classements valent ce qu’ils valent. Ce que j’ai beaucoup entendu comme retour de la part des universités et des enseignants, c’est que si les universités publiques françaises sont mal classées, c’est parce que les classements sont faits pour les universités étrangères. Bien entendu aucun système n’est jamais parfait. Il y a trois grands classements qui existent aujourd’hui dans le monde universitaire : Times Higher Education, World University Ranking ou classement de Shanghai, et le QS World University Ranking qui est le système de classement que nous avons privilégié, car il pénalise le moins les universités françaises. Il ne valorise pas beaucoup ni la taille ni l’importance de la relation avec l’étranger, et donc le nombre d’enseignants ou d’étudiants étrangers. L’important c’est plutôt le niveau universitaire, les publications, la réussite des étudiants et leur sort à la sortie. Or dans ce classement, malheureusement, l’université publique française n’est pas bien placée. Dans le QS, parmi les cent premiers, il n’y a que trois établissements français, dont deux universités. Ces classements montrent donc que les universités françaises ont de la peine à se situer au niveau des universités étrangères.
La Suisse, qui a six fois moins d’habitants que nous, a autant d’écoles et d’universités dans les cents premiers que la France. Il y a donc un véritable problème. On peut admettre que le classement n’est pas parfait et que d’autres facteurs pourraient être pris en compte, par exemple le fait que concernant les publications, la langue universelle c’est l’anglais, c’est donc plus facile de publier en anglais lorsqu’on est américain ou anglais. Mais pourtant, la Suisse qui ne pratique pas l’anglais est six fois mieux classée que la France. Ces classements ne sont que révélateurs d’un problème, et plutôt que de les nier et de les critiquer, il vaut mieux essayer de comprendre pourquoi il y a problème et comment peut-on y remédier.
Si nous revenons sur le système américain, il y a une forte concurrence entre le privé et le public, y a-t-il le même niveau de qualité dans le privé, y compris plus bas dans le classement ?
D’une manière générale dans le monde on s’aperçoit que comparaison n’est pas toujours raison, mais c’est une forte présomption qui montre que les pays dans lesquels l’enseignement supérieur privé est le plus important, sont en même temps les pays dans lesquels il y a le plus d’étudiants qui sortent de l’enseignement supérieur, et qui ont les universités les plus puissantes et les mieux classées. Donc, plus il y a d’enseignement privé, meilleur est le classement, meilleurs sont les étudiants, et plus nombreux ils sont. Et la corrélation est très nette, il y a donc une relation qui me paraît compréhensible.
Je dis souvent que le système américain est très curieux car au fond, l’enseignement primaire et secondaire américain n’est pas connu pour sa grande qualité, et pourtant les Etats-Unis ont de bonnes universités et restent encore finalement la première puissance mondiale. Et je pense que c’est précisément parce que les universités américaines sont privées. Les étudiants et les enseignants sont challengés en permanence par l’université, parce qu’elle est privée et donc payante, en moyenne trente-cinq mille dollars par an. Cela veut dire que les étudiants n’y vont pas pour s’amuser contrairement à ce qu’il se passe en France. En 2018, 56% des étudiants français de première année sont rejetés. Il n’y a que 30% d’étudiants en France qui terminent leur licence. Pourquoi, et bien parce qu’il y a un baccalauréat qu’on peut trouver dans une pochette surprise, ensuite parce qu’il n’y a pas de sélection à l’entrée, mais surtout parce que l’université est gratuite. Avec la sécurité sociale, on ne paye pas grand chose, on peut donc passer quelques années sympathiques et, en plus, comme c’est difficile de trouver du travail, pourquoi s’en priver ? Aux Etats-Unis ou en Angleterre, on ne peut pas le faire, car le fait de payer interdit l’échec.
Les universités américaines sont ouvertes aux étudiants de tous bords, il n’y a pas de sélection par l’argent : il y a des systèmes de bourses considérables qui sont mis en place par exemple à Princeton, une université chère, une famille dont un enfant veut aller à Princeton, si elle gagne moins de 13 500 dollars par mois, cette famille ne paiera pas de droits d’entrée. Et si elle a moins de revenus, l’université loge et nourrit l’étudiant. Autre exemple, au MIT, 38% des étudiants ne payent pas de droits d’entrée. En réalité, tous les milieux sociaux sont accueillis. S’il y a plus d’étudiants qui sortent des universités par rapport à la population d’étudiants aux Etats-Unis qu’en France, c’est parce que tout le monde est admis dans les universités.
Il y a d’autres systèmes que celui de la bourse : le système d’endettement. Les étudiants qui s’endettent le font car s’ils font des études, ils gagneront plus. Au demeurant, il n’y pas tant d’étudiants qui s’endettent : 17% à Princeton, 22% au MIT, ce n’est pas considérable. Les universités développent des partenariats avec les entreprises, des systèmes de mécénats avec les anciens élèves, et pour les étudiants qui doivent payer leurs droits d’entrée, ils développent des jobs étudiants qui sont une chance pour les étudiants car travailler c’est déjà apprendre accumuler de l’expérience professionnelle. Voilà pourquoi le système américain qui n’a pas un bon enseignement secondaire a un bon enseignement supérieur.
Dans les propositions abordées dans votre étude, la première est de créer des universités privées. Serait-ce avec des diplômes d’état français, ou avec leurs propres diplômes ?
Je suis toujours partisan des transitions douces, qui deviennent naturelles. Il ne s’agit d’imposer au système public d’être privatisé du jour au lendemain et de faire perdre aux enseignants leur statut de fonctionnaires. Mais je dis qu’il faut faire en sorte que le marché puisse s’ouvrir. Aujourd’hui, il y a un monopole public, faisons-en sorte que des universités privées puissent se créer, que des grandes écoles puissent devenir universités, et puissent délivrer leurs diplômes. Peut-être dans le cadre de partenariat avec le public, c’est ce qui a été fait en 1875 et ça a très bien marché. Et que la meilleure gagne, si le système n’est pas bon, il mourra de lui-même. S’il est bon, des universités demanderont à être privatisées ou autonomisées. Et se développeront des systèmes de concurrence entre les universités car au fond, c’est la compétition qui est bonne, qui oblige à être sur le qui-vive, bon dans son enseignement, sélectif, etc. Je crois que la compétition doit être instillée progressivement et si elle est bonne, et le je crois, le système s’y adaptera. Peut-être restera-t-il des universités publiques comme aux Etats-Unis, elles en seront d’autant meilleures et y gagneront, car elles seront libres de développer les enseignements qu’elles veulent dans les conditions qu’elles veulent.
Et rien n’empêche à la fois une concurrence, et des alliances entre ces différentes universités, compétitions dans certains créneaux et alliances dans d’autres. Autre proposition dans votre étude : dé-fonctionnariser le métier de professeur, est-ce pour donner de la souplesse, mettre en valeur les bons professeurs et leur donner plus de liberté ?
L’un des problèmes de la France, c’est que les jeunes n’ont plus envie de devenir professeur, probablement pour de très nombreuses raisons, ce n’est pas unidimensionnel, mais il y a le fait qu’on ne les respecte plus ni leur liberté d’enseignement. En même temps, dans cet amendement du Sénat dont j’ai parlé, il y avait une bonne nouvelle : la possibilité d’ouvrir les recrutements et une autre, mauvaise, la centralisation de la recherche au travers de l’ANR, Agence nationale de la recherche. C’est une mauvaise chose car la recherche doit venir de la base, de la créativité des chercheurs. En commençant à vouloir lui donner des thèmes, des moules, ont va la tarir. Pour ces différentes raisons, les jeunes ne veulent pas être enseignants, sauf ceux qui cherchent la sécurité et le statut. Ce qui n’est pas une bonne chose car l’enseignant, comme tout autre professionnel, se doit de chercher à être toujours meilleur. C’est aussi un métier « passion », et il y a beaucoup de professeurs qui sont excellents malgré leur statut, parce qu’ils aiment ça. Il faut revitaliser tout le système en remettant de la compétition en son cœur.
La dernière proposition que vous faites, c’est de réformer le bac. Que faudrait-il faire pour qu’il devienne un lien utile entre le lycée et l’enseignement supérieur ?
On peut imaginer que les universités comme les grandes écoles aient un examen à l’entrée. On dit que cela va nuire aux étudiants mais c’est faux. Ce qui leur nuit c’est d’en faire échouer dès la première année alors que finalement on ne leur a pas appris à challenger leur première année d’université. On les conduit à l’échec en ne mettant pas de sélection à l’entrée. Le bac, ce « bon de fin d’année » qui se veut égalitaire, le rend en fait, très inégalitaire. Donner le bac à tout le monde, c’est faire perdre à ceux qui ont les capacités d’avoir un vrai diplôme de réussir ensuite. On ne leur apprend pas à apprendre, à enregistrer, et donc à faire des études supérieures. Au prétexte de l’égalité, on nie leur chance. Le bac devrait être un vrai examen de fin d’études, qui soit un examen dur et sélectif et qui permette d’avoir un passeport pour aller plus loin.
En guise de conclusion, d’autres remarques vous viennent à l’esprit ?
Nous avons eu pas mal de retours, beaucoup de critiques, des critiques syndicales en quelque sorte. Au fond, ce sont les mêmes qui se sont élevés contre les petites réformes qui sont engagées avec cet amendement sénatorial que j’ai évoqué. Ils ont peur de perdre leur statut et leurs privilèges, mais au-delà, il y a beaucoup de professeurs de qualité qui réfléchissent, et leur réponse a été la suivante : vous avez probablement raison, une dose de privatisation serait utile, mais les réformes de la CNU que vous évoquez ne suffiront pas, et la difficulté de votre projet c’est que cela ne peut marcher que si vous allez au bout. Il faut véritablement que du jour au lendemain, des universités puissent délivrer leur diplôme, parce que si vous y allez par petits pas, vous allez favoriser le localisme, les petits arrangements entre amis au sein de la gouvernance de l’université locale plutôt que de favoriser une compétition.
Jean-François Fiorina : en fin d’entretien, j’ai pour habitude d’inverser les rôles, avez-vous une question à me poser ?
Jean-Philippe Delsol : Vous qui vivez dans le milieu de l’enseignement supérieur, verriez-vous d’un bon œil une réforme de l’université publique qui viendrait en compétition avec les grandes écoles ?
Jean-François Fiorina : Il faut une université forte. Plus elle est forte, plus les grandes écoles seront fortes. Je l’ai évoqué précédemment, nous sommes dans un modèle à la fois de concurrences et d’alliances. Nous avons besoin d’une université forte puisque vu de l’étranger, le dualisme de notre système est mal compris. Je pense que ces deux composantes extrêmement fortes avec passerelles, liens, collaborations et mutualisations, permettront aux étudiants de s’y retrouver, d’aller plus vite dans certains domaines, tout cela ne peut être que bénéfique. Le souci c’est que nous baignons dans l’idéologie. L’État pourrait agir comme régulateur et opérateur de la validation des diplômes pour permettre à tout le monde de gagner en qualité. C’est ce rôle d’État stratège que je souhaite.
Bio de Jean-Philippe DELSOL :
Jean-Philippe DELSOL, docteur en droit et licencié ès-lettres, est avocat fiscaliste et président de l’IREF (Institut de Recherches Economiques et Fiscales), un Think Tank libéral. Il publie régulièrement des articles de presse et a écrit une dizaine d’ouvrages, parmi les derniers : L’injustice fiscale ou l’abus de biens communs, Desclée de Brouwer, 2016 et Eloge de l’Inégalité, Manitoba/Les Belles Lettres, 2019.
Excellent article qui décrit de façon très juste la façon dont le monde universitaire français gâche ses compétences et son dévouement en s’enfermant dans de vieux principes sacralisés qui l’empoisonnent lentement mais sûrement, étouffé par le poids grandissant de la médiocrité
Ce n’est pas seulement à la Suisse qu’il faut se comparer, mais au Royaume Uni, aux Pays Bas, à la Suède, au Danemark, les pays africains anglophones et francophones,…
J’adore ce Monsieur. Lorsqu’il parle de l’université américaine pourquoi ne mentionne-t-il pas le problème de la dette des étudiants, si criant que c’est un point du programme de J. Biden ? Quand il mentionne que les jeunes ne veulent plus être professeurs, pourquoi omet-il le fait que les salaires sont ridicules, dans le bas des classements de l’OCDE ?
Bref, je pourrais continuer longtemps mais tout cela me semble bien superficiel.
J’ai développé une analyse assez proche de celle de Monsieur Delsol dans l’article que j’ai publié dans Futuribles ( n°424 Mai-Juin 2018 ); Pourrait-on commencer par des universités de technologie, regroupant écoles d’ingénieurs et écoles de management ?
M. Delsol a raison sur bien de choses, mais il a tort, en tant que non-université, sur beaucoup d’autres: Le bac français (90% ou plus) est effectivement ridicule par rapport à de vrai baccalauréats à l’étranger. Mais ce bac souffre aussi du fait qu’il n’y a pas, en France, des formations d’apprentissage dignes de ce nom, de passerelles entre formations « artisanales » et théoriques etc. Que les universitaires français soient peu enclin de se comparer aux collègues étrangers est un fait aussi, surtout en SHS (les juristes devraient se comparer aux juristes allemands et leur système ultra-élitiste des deux Staatsexamen…, et les collègues qui maîtrisent correctement une langue étrangère, ne serait-ce l’anglais………). La recherche, en revanche, n’a pas besoin d’être privatisée, au contraire, pour un grand nombre de matières, une recherche « non-étatique » n’est possible que dans un système « protégé ». Il est curieux que M. Delsol ne regarde que les États Unis – où il n’y a pas seulement Yale et Princeton (l’un des problèmes français est que la plupart des collègues ne rêvent même pas de Princeton et ses conditions de travail, un vrai prof suisse fera tout pour y passer deux ans, connaissez-vous des collègues qui y étaient…?), il devrait regarder l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande etc… pour voir que le soi-disant élitisme de notre système est pourri par les soi-disant Écoles. Nulle part ailleurs, on a besoin de Classe prépa (pour avoir un vrai bac…) et de « Grandes Écoles » pour créer une élite souvent bien plus efficace et cultivée que nos diplômés des Écoles d’Ingénieurs. Tout le monde est formé dans les universités qui ne souffrent donc pas de moins de moyens que les Écoles. Je pourrais continuer avec le CNU (unique dans le monde………), mais je me ferai déjà comme ça lapidé par tous les côtés…
J-F Fiorina continue de promouvoir l’idée de la privatisation dans l’enseignement supérieur. Cette fois-ci ce sont les universités. Vaste problème.
Deux remarques sur les propos de J-P Delsol.
La conclusion de l’analyse des classements serait que « plus il y a d’enseignement privé » (dans un pays) « meilleur est le classement » des universités de ce pays. Cette « corrélation » affirmée comme « très nette » est pourtant douteuse. Elle semble contredite par les résultats élevés des universités publiques du R-U, de la Suisse, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, etc. La « corrélation » en question est-elle le résultat d’un calcul ou une impression subjective ?
J-F Fiorina et J-P Delsol s’accordent à dire que l’enseignement supérieur aux USA se caractérise par une forte concurrence entre privé et public. Encore faudrait-il définir le privé universitaire tel qu’il se présente aux USA. On y distingue le secteur du « non-profit » (fondations en général) et le « for profit »
(sociétés commerciales). Or le non profit est très clairement dominant en quantité et en qualité. Les universités qui figurent en haut des classement, relèvent de cette catégorie. Les privées for profit sont récentes, peu nombreuses (moins de 10% des étudiants) et non classées.
Les conclusions que l’on peut tirer de ces données et de leurs transposition en France sont donc différentes d’une lecture simplificatrice public/privé où celui-ci serait assimilé à des universités-entreprises commerciales.
J’ai quand même l’impression et ceci ne’st pas discuté dans le billet, que les USA et l’UK « importent » au niveau L, M et D pas mal d’étudiants étrangers. Il me semble que cela joue. Est ce que cela n’est pas une xplication sur le fait que pré-bac le système soit médiocre et que le niveau monte niveau universitaire, cet effet se rajoutant à la faible proportion de lycéeens qui poursuivent niveau universitaire (il me semble qu’il est deux fois moindre aux UK vs France). La langue joue aussi un rôle dans ce processus. En France on « importe » moins aussi car niveau M on enseigne encore souvent en français