Jean-Pierre Berthet est Directeur délégué au numérique à l’Institut des compétences et de l’innovation, Science-Po Paris. Il travaille sur les questions de la pédagogie numérique depuis les années 80 ce qui lui permet recul et transmission d’une expérience très dense.
Le SOTL (Scholarship Of Teaching and Learning) apparait dans les années 90 aux Etats-Unis (Carnegie Mellon University). C’est la proposition d’un cadre pour l’accompagnement des enseignants par des pairs ou des conseillers pédagogiques. L’objectif est la professionnalisation du métier d’enseignement chercheur et de son expertise. Elle s’articule autour de 4 points :
- La découverte, le travail du chercheur
- L’intégration des connaissances pour les publier
- La transmission de la connaissance
- L’enseignement
Il s’agit d’appliquer les mêmes méthodes d’évaluation que pour la recherche à l’enseignement. De manière à mesurer la qualité perçue et les progrès réalisés. Mais aussi transmettre les avancées en publiant sur ce qui est fait en matière d’enseignement, dans des revues de recherche en sciences de gestion ou des études de cas pour les soft skills.
Il y a également de grands rendez-vous internationaux à ce sujet comme les congrès AIPU pour présenter des activités pédagogiques.
Cette méthode vise également à permettre à l’enseignant d’avoir un regard effectif sur sa pratique. L’effet le plus important, c’est qu’il entre dans une logique d’amélioration continue en ayant à sa disposition les outils nécessaires pour évoluer dans sa pratique. C’est un travail collectif, où les enseignantes collaborent entre eux ou avec des conseillers pédagogiques.
Les SOTL s’adaptent aux disciplines. Certaines universités, on fait des résumés pratiques (Université LAVAL, par exemple) qui donnent les concepts et hiérarchisent les niveaux d’enseignement.
Les variables peuvent permettre d’évaluer l’efficacité de cet accompagnement selon différents critères :
- L’évolution des notes des étudiants
- Le « temps » de l’étudiant
- La profondeur des apprentissages
Ces variables permettent la comparaison des méthodes pour la mise en place des innovations.
La France a du retard, nous en sommes qu’au démarrage contrairement aux USA et au Canada. Nos voisins sont également plus avancés dans ce domaine, les Belges et les Suisses par exemple.
Mais ça évolue, il y a un important travail qui a été fait au niveau du référentiel des enseignants chercheurs au ministère en France et sur la formation pour savoir ce qu’apporte cette innovation.
Les étudiants sont parties prenantes dans ces expérimentations. Ils participent au processus à travers des enquêtes, des focus groupes, des retours d’expérience. Ils notent les enseignants, ils y portent un fort intérêt car leurs retours sont intégrés dans le processus d’amélioration. Cela instaure une relation moins institutionnelle, plus directe entre l’enseignant et ses étudiants.
C’est également un critère d’innovation pédagogique. En terme de financement. Pour que ce soit mesurable grâce au SOTL
➡️ Les évolutions dans le monde de l’éducation
La tendance actuelle est de remettre au goût du jour des anciennes méthodes ou pratiques. C’est réinventer les choses, on redécouvre… Il n’y a pas de révolution mais plutôt des évolutions successives.
Il y avait une barrière technologique pour les enseignants mais elle a été franchie avec la pandémie. Les outils se sont aussi simplifiés et permettent de nouveaux usages, le champ de possible est ouvert. Mais cela implique une nouvelle responsabilité des enseignants vis-à-vis des étudiants sur les enjeux du numérique, on entre maintenant dans la vraie innovation. Ils doivent être éclairés sur ces questions, les enseignants doivent servir de guide pour « apprendre à apprendre » aux étudiants sur le numérique, ne pas en faire des naïfs mais des acteurs éclairés.
Les deux grands axes de transformation pour les étudiants et les écoles sont l’environnement et le numérique.
➡️ Question de l’invité à Jean-François FORINA : Dans 5 ans, quelle sera la pédagogie ou la technologie qui sera la plus emblématique ?
Je crois à la complémentarité de tout, du face à face au metaverse. Chacun aura sa fonction. Mais aussi du distanciel, du highflex et de l’hybride. Cela permettra de se connecter avec des intervenants du monde entier, par exemple. L’accent sera mis sur le contenu, avec le retour de la pédagogie et du rôle de premier plan du professeur.
Grâce aux nouvelles technologies et tous les outils et moyens que cela va apporter, le professeur va pouvoir scénariser, mettre davantage en situation ses cours. Il va falloir également apprendre à apprendre aux étudiants à se servir de ces outils.
La possibilité pour les étudiants en échange à l’étranger, en stage de rentrer sur le campus virtuel à tout moment, c’est « l’École globale » que tu imagines et que j’aime bien !