J’utilise souvent le chant dans le cadre de mes séminaires avec des étudiants ou des managers, en collaboration avec Laurence Daïen-Maestriprieri (1), une formidable chef de choeur. Je recherche en créant ce décalage à donner une pleine place à l’émotion et à favoriser ainsi l’intelligence collective qui reste toujours un défi. Mais pour que cela fonctionne, tous les participants doivent accepter, sans exception, une certaine forme de lâcher prise. Ce qui en soi constitue un autre défi.
Il s’agit d’abord pour les participants, qui en général apprennent le jour même ce dont il s’agit, d’accepter de prendre des risques, i.e. lutter contre le stress de la représentation, laisser le corps s’exprimer à la place de la tête et apprendre vite pour devenir expert d’un geste ou d’un enchaînement. Il faut aussi accepter de dépasser la peur du jugement et, au contraire, s’appuyer sur les autres pour être plus fort soi-même, ce qui suppose de s’écouter continuellement soi-même et les autres, avec à l’esprit cette question : suis-je dans la tonalité, en rythme, trop fort ? Dans tous les cas, l’envie et le désir de créer quelque chose de beau ensemble génère toujours de la satisfaction et de l’estime de soi.
L’autre jour un participant d’un séminaire organisé au sein d’un groupe industriel résumait ainsi les bienfaits de l’expérience : « Après avoir chanté, on a l’impression de se connaître alors que pourtant on ne s’est encore rien dit… ». Après l’exercice de chant, le vouvoiement fait ainsi immédiatement place au tutoiement, les masques tombent et la parole commence à émerger, plus libre.
Le plus grand challenge est ensuite de savoir dans quelle mesure la posture que cette expérience a exigé des participants (qu’ils soient cadres dirigeants ou étudiants) est transposable dans l’univers professionnel. Le retour d’expérience que nous faisons systématiquement avec les participants est là déjà pour éviter de sombrer dans le gadget pédagogique, ou de tomber dans l’approche mimétique qui dirait implicitement que le bon chanteur est un bon manager, ce qui est évidemment burlesque. Ensuite, dans ce moment de retour d’expérience, nous invitons nos participants à (se) dire, c’est-à-dire qu’ils nous révèlent le sens qu’ils voient dans cette expérience, pour eux-mêmes. Il est intéressant de voir que depuis plus de 10 ans que nous utilisons ce détour pédagogique, chaque session est unique. A chaque fois en effet, les échanges avec les participants apportent un élément de plus à notre compréhension des effets de ce dispositif.
(1) Laurence a été chef d’orchestre et chef de chœur en l’église de la Madeleine à Paris. Elle enseigne aujourd’hui le chant au travers de ses ateliers et mais aussi la prise de parole en public partout où cet acte est clé pour les personnes concernées ( Sciences PO Paris, ESCP Europe, HEC, et de nombreuses entreprises lui ont déjà fait confiance).
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