Comment réussir à former des étudiants alors que nous ne savons rien (ou presque) des métiers de demain ? Comment mettre en place une formation continue qui puisse répondre aux besoins d’un monde en perpétuelle mutation? Car il s’agit bien de s’adapter non pas à une simple évolution à travers une relecture de nos savoirs, mais bien de faire face à un changement complet de paradigme. Comme le dit un ami, un papillon n’est pas une chenille optimisée… Il faut donc saisir ce qui se joue en profondeur dans l’avènement de nouveaux modèles. Ces questions sont vertigineuses et interrogent les fondements même de notre mission d’enseignant. J’ai été confronté récemment à cette problématique par deux biais différents et c’est de cette drôle de synchrométrie dont je voudrais vous parler aujourd’hui.
Comment faire évoluer un métier ?
Avec mon collègue philosophe Luca Paltrinieri, nous travaillons ainsi actuellement avec un laboratoire sur l’avenir de certains métiers dans le champ pharmaceutique. Il s’agit d’un domaine extrêmement réglementé et bien souvent les professionnels ne disposent que d’une marge de manœuvre très réduite sur le terrain. Or ces phénomènes de sclérose se traduisent par des tensions dans toute la chaine de décision et par la fragilisation de certaines positions professionnelles.
Pour y remédier, nous avons donc été à l’écoute des acteurs et essayé de redéfinir avec eux leurs mandats, leurs missions et leurs périmètres d’action. Même dans un environnement très contraint, il est possible d’innover et de créer des zones d’autonomie relative pour faire évoluer les métiers.
Comment inventer un nouveau métier ?
En parallèle, nous travaillons auprès d’un grand groupe sur l’émergence d’un nouveau métier que nous pourrions nommer « accompagnateur de grands contrats ». Ce type de mission nécessite un agrégat de compétences et se situe à la jonction de plusieurs métiers, celui de juriste, d’ingénieur et de commercial. Or, là encore, il est difficile d’anticiper les programmes de formation quand on a toujours pensé par cases et disciplines. S’il est toujours tentant de se raccrocher à de vieux savoirs en situation d’incertitude, je pense qu’il faut, bien au contraire, être à l’écoute de ce que nous dit le changement. Il s’agit ainsi d’identifier les compétences cognitives, émotionnelles et relationnelles qui peuvent être transposables d’un environnement à un autre.
Être à l’écoute
Si ces deux exemples me semblent intéressants c’est qu’ils donnent à voir très concrètement la transformation du monde à l’œuvre. Notre conviction au sein du CIRPP et des départements de formation continue de la Chambre de commerce de Paris Île-de-France, c’est qu’il faut être à l’écoute de ce que nous disent les disparitions et les apparitions de métiers afin d’accompagner au mieux les acteurs dans les mutations de demain. Il s’agit encore et toujours de passer de la posture du « Sage on the Stage » à la posture du « Guide on the Side »
Telle est l’une des leçons à retenir pour répondre à notre ambition de former « les autodidactes de demain », comme dit François Taddéi. La démarche que nous défendons d’une formation par la recherche, autorise précisément ce tâtonnement nécessaire pour évaluer et réajuster les savoirs en mutation. Ce cycle court d’innovation pédagogique se décline en trois temps : il s’agit d’expérimenter, d’évaluer l’expérimentation et d’expérimenter à nouveau. Dans un précédent billet, j’ai déjà fait l’éloge de l’incertitude (à retrouver ici) et ma conviction est que notre mise en adéquation avec les contraintes du milieu permet de faire apparaître de nouvelles opportunités. Il s’agit précisément de former les futures générations à les saisir avec habileté.