À l’heure où nos étudiants passent leurs derniers oraux pour valider leur année, force est de constater que ni eux ni nous finalement ne savons très bien évaluer ce qu’est une bonne ou une mauvaise prestation. Dans un système éducatif qui survalorise l’écrit, les oraux sont des passages obligés mais très étroits : souvent mal préparés, ils donnent une image très partielle et partiale des compétences orales que doit maîtriser un jeune futur professionnel. Dans certaines grandes écoles, des cours promettent de préparer les étudiants à réaliser « une présentation avec impact ». Mais attention aux recettes miracles qui s’appliqueraient en toute situation ! La parole a de l’impact à la condition que la personne soit impliquée dans ce qu’elle dit et présente, elle peut alors seulement parler avec conviction et puissance.
Ceci étant dit, on peut légitimement se demander sur quels dispositifs nous pouvons nous appuyer en tant qu’enseignants pour apprendre aux élèves à se dire, à oser parler de leurs fragilités ? Les cours de théâtre permettent souvent cette confrontation avec certains nœuds existentiels, même si cette mise en danger peut être douloureuse. Certains enseignants mobilisent d’ailleurs avec beaucoup de réussite le théâtre dans leur cours.
Les ateliers d’écriture constituent aussi une autre forme détour pouvant, me semble-t-il, favoriser paradoxalement l’expression orale. Quand l’écrit est intime et protégé, les personnes peuvent se dire en toute confiance. Dans la dernière édition de l’expérience « Au pied du mur » dont l’objectif est d’emmener un petit groupe d’étudiants faire de l’escalade (à retrouver ici ), nous avons animé un atelier photo avec Caroline Houal. Cette dernière a pris un ensemble de photos en noir et blanc, à des moments où les étudiants faisaient de l’escalade, mais pas seulement, il y avait par exemple une très belle photo de deux filles se coiffant les cheveux, l’une faisant une tresse à l’autre avant de mettre le casque d’escalade. Puis nous avons demandé aux étudiants de choisir la photo qui leur parlait le plus et d’écrire un texte dessus. Certains ont accepté ensuite de le lire à haute voix, d’autres non. Mais tous nous ont donné à lire leurs écrits et l’ensemble des productions étaient très émouvantes. Petit à petit, ce type d’exercice permet de dédramatiser le « se dire ». Je fais donc le pari que donner le goût de l’écrit impliqué peut être un moyen de favoriser la parole impliquée.
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