Sur la multitude des vidéos qui circulent sur internet, celle d’un jeune garçon de 13 ans a récemment retenu mon attention, comme celle de mon collègue René Barbier dans un précédent commentaire (la vidéo est à retrouver ici)
Logan Laplante arborant un bonnet du dernier chic témoigne dans le cadre d’une conférence TEDx organisée par l’université du Nevada. Que dit-il de si singulier ? Qu’il aspire à être heureux et que, pour ce faire, il a quitté l’école. La suite logique entre ces deux propositions pourrait paraître abrupte, voire absurde, mais dans la bouche de ce jeune adulte, elle devient limpide. « Quand on me demande ce que je veux faire plus tard, je réponds que je veux être heureux », assure-t-il, là où on attendrait qu’il explique quelle place il souhaite prendre dans le monde professionnel. Avant d’ajouter l’objection : « Or dans quelle mesure l’école nous forme aujourd’hui à la pratique du bonheur et de la santé ? » Ses parents, certainement professeurs d’université ou en tous cas issus de la bourgeoisie intellectuelle blanche américaine, ont ainsi décidé de le retirer du système scolaire classique après avoir visionné la célèbre conférence TEDx de Sir Ken Robinson pendant laquelle le conférencier expliquait en quoi « l’école tue la créativité ».
Depuis le jeune Logan est un « home-schooler » comme il en existe beaucoup aux États-Unis, recevant une instruction au sein d’une communauté éducative formée de plusieurs parents ayant fait ce choix, et investissant de nombreux lieux où il est possible d’apprendre, au-delà de l’école
Quel regard porté sur cette vidéo vue d’ici ? Il faut d’abord souligner, bien sûr, que cette pratique du « home-schooling » est bien moins développée en France qu’outre-Atlantique et fait surtout l’objet de nombreux soupçons. Or, il me semble que cela peut être riche pour un enfant de recevoir l’apport conjoint de plusieurs expériences et compétences de parents venus d’horizons variés. C’est alors la pluralité des modèles et la fluidité du passage de l’un à l’autre qui est source d’éducation, et non pas l’imposition d’un modèle unique.
Plus fondamentalement, ce jeune homme met en lumière un vrai angle mort : à quel moment l’école nous parle-t-elle en effet de bonheur et d’épanouissement personnel ? À quel moment offre-t-on aux enfants la possibilité d’expérimenter, de sortir de la classe, d’être en contact avec la nature ou de vivre une expérience de n’importe quelle nature, décidée par eux dans un acte d’autorisation (au sens de devenir auteur) que l’on prendra ensuite soin de cultiver ? J’entends déjà certains avancer la réponse : il y a des classes vertes !
En attendant que notre système éducatif puisse réellement intégrer ce genre d’approches, la seule solution est de « hacker » le système, d’en prendre le meilleur, en allant « braconner » ailleurs aussi, sur le net et dans d’autre lieux, pour innover et chercher les solutions là où elles n’apparaissent pas d’emblée. Et de faire nôtre cette formule : « don’t ask for permission, take it and make it yours ! ».
Mais l’autre question est aussi, bien sûr, de savoir combien de Logan Laplante peuvent exister ? En quoi ce jeune homme socialement doté de tous les attributs sociaux pour réussir révolutionne-t-il le système ? En quoi même questionne-t-il le néo-libéralisme dont ce système est le nom ? Il est d’ailleurs saisissant de voir dans quelle mesure à seulement 13 ans, il a déjà intégré tous les tics du parfait « pitcheur ». La vraie question, beaucoup plus radicale, serait de savoir comment faire en sorte que notre école publique qui a l’ambition de s’adresser à tous, puisse un jour être le lieu d’émancipation pour chacun.
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