L’école est souvent le lieu où malheureusement on apprend à poser des questions attendues, des questions qui supposent l’existence d’un problème déjà défini et donc qui sous-tendent des réponses formatées. Certes s’il est plus rassurant pour l’enseignant, de maîtriser a priori le cadre dans lequel sont posées les questions, il reste que seules les questions décalées sont porteuses d’une vraie potentialité disruptive.
Quitte à ce qu’elles restent sans réponses dans un premier temps, l’essentiel est que ces questions permettent de faire un pas de côté, d’aborder différemment le même problème. J’ai déjà évoqué dans ce blog, l’importance de créer au sein de l’école un espace pour que puisse émerger et être accueillie cette déviance positive. Et s’il faut encourager ces prises de parole dès le plus jeune âge, il faut poursuivre dans cette voie dans l’enseignement supérieur et la formation continue. L’enjeu est de taille : transmettre à nos futurs managers l’idée qu’il est légitime de se poser des questions, surtout celles qui paraissent de prime abord « à côté de la plaque ».
« Et qu’est-ce qui se passerait si… »
J’ai lu récemment un article très stimulant écrit par deux chercheurs américains Steven Krupp and Paul J. H. Schoemaker [à retrouver ici], dont le propos souligne précisément l’importance d’une telle position. Tous deux ont réalisé une enquête auprès de plus de 30 000 managers – synthétisée dans un livre (1) – autour de cette question centrale : comment se prennent les décisions au sein de l’entreprise ? Ils développent l’idée qu’il est important de poser des « questions pivots », sous le mode du « Et qu’est-ce qui se passerait si… ». Certes, reconnaissent-ils ce type de questions créé nécessairement une forme d’inconfort, car la réponse n’apparaît pas d’emblée, mais l’enjeu est de réussir à déplacer le focus afin de concevoir des solutions innovantes, voire de trouver des solutions à des problèmes qui ne se posent pas encore. Il faut pour cela s’autoriser à poser des questions dérangeantes pouvant aller jusqu’à la remise en cause de l’activité même… et ainsi pouvoir oser imaginer un futur tout autre.
Adopter une telle posture suppose aussi de parier sur les vertus de l’expérimentation, quitte, là encore, à envisager l’échec. Steven Krupp et Paul J. H. Schoemaker rappellent fort à propos cette phrase d’Elon Musk le chef dirigeant de Tesla Motors qui conçoit et fabrique des véhicules électriques haut de gamme. A la question de savoir d’où lui venait sa capacité à produire des idées innovantes, Musk répondait : « Essayer encore et encore ! Pour faire du business, la première devise est d’essayer. Vous devez essayer jusqu’à ce que jusqu’à ce que votre cerveau vous fasse mal ! » Belle leçon à méditer pour nos étudiants !
(1) Winning the Long Game: How Strategic Leaders Shape the Future, 2014.