Pour poursuivre la réflexion entamée dans mon précédent billet autour de la figure du manager pédagogue, je pense qu’il serait utile de proposer aux managers opérationnels de participer régulièrement à des ateliers où ils pourraient venir exposer des « problèmes » , des « situations » de travail. Pour que ces ateliers puissent pleinement devenir des espaces bienveillants d’expression des fragilités, il faudrait qu’ils se déroulent entre pairs mais surtout qu’ils soient placés sous l’autorité d’un chercheur-formateur chargé de la régulation et de la neutralité des débats. Il est souvent lent, et parfois douloureux, de passer d’une situation d’hétéronomie à l’actualisation d’une forme d’autonomie. Dans ces conditions, le chercheur peut jouer le rôle d’accoucheur et aider le manager à (re)formuler la problématique (abstraite, transposable et donc potentiellement « résolvable ») que relève le cas pratique.
Ces rendez-vous pourraient avoir lieu sur un rythme hebdomadaire ou mensuel. Ce type de format fonctionne déjà parfaitement dans le cadre de la pédagogie coopérative défendue et expérimentée par mon ami et collègue Nicolas Go. Tous les jours, les enfants listent sur un tableau noir les problèmes /questions auxquel(le)s ils ont été confronté(e)s et qui seront abordé(e)s lors de la séance hebdomadaire de vie de classe. Or les effets de la formulation écrite sont remarquables : le problème ainsi écrit devient un sujet dont il est possible de s’emparer et de débattre dans des moments informels (la cour de récréation, dans le cas présent, mais la transposition à la cafèt ou à la pause café paraît tout à fait plausible). Les bénéfices de ce type de pratiques peuvent donc intervenir tout à la fois en amont, en trouvant les ressources en interne au sein de la communauté de travail; et lors des ateliers en tant que tels. Pour rester compétitives, les organisations gagneraient ainsi à créer des espaces où il soit enfin possible de cesser d’être dans la recherche de solutions purement opérationnelles et s’offrir le luxe de prendre le temps d’être réflexif. D’ailleurs, ces ateliers pourraient être baptisés « ateliers problématisation », si prononcer le mot « problème » ne posait pas problème, précisément, en entreprise.