Comment se professionnaliser sans perdre son âme ? Comment parvenir à formaliser un programme de formation tout en gardant la spontanéité des savoir-faire construits par le contact direct avec le terrain ? Dans quelle mesure préserver la précieuse transmission au sein des équipes terrain tout en essayant de la cadrer ? Tel est le dilemme auquel sont souvent confrontées des organisations en pleine croissance. En règle générale, plus le fonctionnement se complexifie, plus les procédures de formation s’institutionnalisent. Or, le risque est alors grand de perdre la richesse des échanges informels qui fonde pourtant les bases d’une culture partagée au sein des équipes.
Au nom d’un objectif de professionnalisation présenté comme impérieux, des bureaucrates en viennent alors à saper toute innovation émanant du terrain. Dans une vision strictement top down, les objectifs de formation se déclinent alors dans la transmission de compétences pré-formatées dont le manque est révélé suite à un rapide entretien avec la jeune recrue. La formation n’est plus déléguée aux acteurs du terrain eux-mêmes mais à des experts de l’intervention qui ont tendance à reproduire toujours les mêmes recettes. Une telle standardisation des process s’oppose au système artisanal de cooptation et aux formes plus traditionnelles de compagnonnage.
La professionnalisation est alors vécue par les acteurs de terrain comme l’assujettissement de leur action à un ensemble de normes qui leur imposent un certain nombre de comportements prédéfinis. Comme l’ont bien souligné Di Maggio et Powell l’organisation perd alors toute son originalité, la conformation à un ensemble de normes mondiales fort contraignantes l’enfermant dans une « cage de fer ». Résultat, la professionnalisation se traduit surtout par un nivellement par le bas où il semble préférable d’être médiocre ensemble que de risquer d’être génial tout seul.
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