La com est elle perçue comme un métier à l’université ?

Les moments de rencontre entre communicants de l’enseignement supérieur sont toujours précieux, nous y prenons le plaisir de partager nos expériences entre collègues, créatives, innovantes et bien évidemment désagréables. C’est peu dire que nous rencontrons des difficultés assez semblables dont le point commun est la faible reconnaissance de nos métiers et de nos compétences. « vous pouvez bien venir prendre une photo », « vous viendrez avec une nappe rouge », « faut couvrir le colloque », « vous ne faites que transmettre les données à l’agence, c’est pas ça qui doit vous prendre du temps », « c’est impensable que vous signez vos articles », « de toute façon, il faut être blonde aux gros seins pour travailler à la com », « vous comprenez bien que vous êtes à notre service », « vous êtes en réunion, mais pourquoi faire », « j’aime pas la couleur »… Nous en avons tous des kilomètres comme ça, jusqu’à recevoir des cours de méthodologie ou les témoignages du type « mon fils qui connaît bien Internet m’a dit que« .

Comment vous n’étiez pas au courant ?

Et non, notre premier informateur sur l’activité de l’université, c’est quand même Google alertes. Autant dire que nous ne sommes souvent au courant qu’après événement et comme on ne peut pas non plus compter sur le CNRS qui joue souvent sa partition solo, c’est très compliqué, jusqu’à regarder les réservations des amphis pour détecter l’existence de colloques. Alors pas réactif ? Bah si au maximum, mais notre boulot n’est pas d’être mi-larbin, mi-esclave de tout le monde pour faire de l’auto-promotion individuelle mais éventuellement construire une stratégie, travailler du brand content, ajuster des outils en fonction des cibles, évaluer, conseiller…

Un éternel recommencement

Alors, on essaie de convaincre, d’intéresser ou de gagner un prix pour montrer que l’on est quand même un pro… ça prend du temps, ça ne marche pas toujours et quand on croit avoir bien expliqué en long, en large et en travers les avantages de distinguer un mag interne d’un mag externe puis que l’on s’entend répondre après une heure de présentation « mais est-ce que dans un premier temps on peut faire un seul magazine pour tout le monde« , on respire très fort, puis on recommence… là, je parle du président, celui qui s’intéresse car le DGS de l’époque allait toujours aux toilettes quand la communication devenait le sujet… Au final, j’ai pu faire les deux mags.

Mais on y arrive, enfin, ça marche, ça fait ses preuves et dans beaucoup d’universités, nous constatons souvent le même problème : patatra… une nouvelle équipe, un nouvel élu et il faut tout recommencer depuis le début : « non, nous ne sommes pas là pour être cantonné à l’autopromotion des différentes initiatives aussi méritantes soient-elles, blablabla« . Dans le fond, nous ne pouvons pas les blâmer. Les nouveaux élus sortent juste de leur composante pour ne pas dire de leur discipline ou spécialité et méconnaissent grandement leur propre université. Louis Vogel écrit au début de son livre L’Université, une chance pour la France, « Bien qu’enseignant depuis trente ans à l’université […], je connaissais mal, comme beaucoup de mes collègues, le fonctionnement de l’institution« . C’est dire la marge… et par voie de conséquence, l’incompréhension de nos métiers.

Et pourtant… les enjeux

LRU, concurrence internationale, nouveaux marchés, marque (oups, pardon pour le gros mot), autonomie financière, tout est là pour encourager à prendre très au sérieux stratégie d’établissement et stratégie de communication… et ça bouge, depuis deux/trois ans, de nombreux transfuges de la « territoriale » et du privé (même des agences) rejoignent les rangs des professionnels de la com de l’enseignement supérieur. Le choc des cultures en est d’autant plus redoutable. Face à cette professionnalisation, les demandes approximatives, les manques de vision, l’exclusion des dircoms de bureaux ou de comités de direction (encore 46% des cas), les budgets faméliques (quand je compare avec des collègues, je réalise que je dois être heureux avec un budget pourtant deux fois inférieur au dernier que j’ai géré dans la territoriale), les changements d’avis, les dogmes sans compter la lourdeur administrative peuvent décourager.

Et pourtant, la rencontre entre la légitimité de l’élection et la légitimité de la compétence, entre l’élu et le professionnel offre une complémentarité évidente, qui, heureusement, existe en bien des institutions… il faut juste faire l’effort de se reconnaître en partenaires et dépasser les clichés.

Je me souviens avoir repris l’exemple d’un confrère devant mon ancien président, chimiste, qui me disait que « tout le monde pense savoir faire de la communication« . Je lui avais répondu : « quand je cuis un oeuf, je fais de la chimie, suis-je chimiste ?« . Résultat « banco » et la confiance avec… oui c’est possible, on peut avancer.

Rester souple ou dire « non » ?

Souple au maximum, mais quand ça commence à craquer, vous avez beau avoir une équipe de guerriers (la chance que j’ai !), il faut dire « non« … et là, une nouvelle série d’incompréhensions et d’ennuis peuvent librement débuter. Mes collègues d’autres universités m’ont raconté de telles choses que je ne peux les reproduire ici, trop dangereux, car souvent, comme moi, ils sont en cdd.

Bref… essayez de faire comprendre à un enseignant que cette fois-ci… c’est lui l’élève.

19 thoughts on “La com est elle perçue comme un métier à l’université ?

  1. Merci, pour cet article qui relate tellement bien ce que nous vivons au quotidien. Espérons que nos dirigeants lisent également ce blog… Pour m’en assurer je vais leur en faire une copie.

  2. J’ai effectivement vécu cela (en étant directeur d’une école d’ingénieur) et clairement, les scientifiques mélangent « com », « politique de com », avec tous les défauts des communicateurs qui sont mis en épingle lors de chaque réunion.

    Si les « communicateurs » (en général) n’avaient pas aussi commis autant d’impairs, ce ne serait pas si grave et la communication aurait peut être gagné ses lettres de noblesse.

  3. Oui, merci pour cet article, avec ma responsable de service, nous nous sentons moins seules !!!
    Je suis d’accord avec Marie, je vais le transférer de ce pas à mon directeur, directeurs adjoints, chargés de direction, chargés de mission, responsable de secteurs, de département,de spécialité, parcours et toutes les couches et sous couches…
    NB : je rajoute la mienne : « il faut faire absolument une plaquette pour demain!! (le QQOCP de base étant étouffé bien évidemment)…3h après ok la voilà, pouvez-vous la valider ? … 3 semaines après « et pour la validation ? oh! IL EST URGENT D’ATTENDRE » . . . . .
    Heidi, chargée de com, photographe, webmaster, secrétaire, chargée de mise sous plis, transporteur de roll up et autres accessoires, et bien sûr chargée d’événement chip&cacahuètes

  4. Trop vrai ! Hélas. Et tu survoles encore le sujet, mais nous comprenons entre les lignes. Faut rester fairplay dans le métier. Oui, que d’immaturité nous rencontrons !
    La communication est encore vue comme une « boîte à outils », plutôt comme une accumulation d’outils, à l’image de l’usine du début du siècle dernier avec ses labeurs d’ouvriers. Nous pourrions dire chaque matin : « Allez, on va à l’usine! ».
    Je me suis dit un jour que ce n’était pas possible … que nous avions loupé une « claire explication » de notre métier, rôle, … La com’ pas comprise, un comble! J’ai fini par retourner dans les livres, la recherche, jusqu’à la « physique dure … complexe », à y confronter cette pratique que tu décris et que je vis aussi depuis 20 ans. Dangles a édité mon livre « L’après-communication » (c’est une approche prospective… la réalité est loin derrière, mais si cela peut vous consoler, au moins il y a une explication et une porte de sortie). La cause de notre malheur? Nous et « les autres » ne mettons pas le même sens derrière le même mot. Changer de mot … au moins.
    Devoir démontrer tous les jours que c’est une nécessité, un levier de management, un besoin vital … et se voir réduire budget et équipe… à l’aube du XXIème siècle, on croit rêver (version cauchemar).
    Mais l’université fait-elle du management (ressources adéquates aux projets, projets sur le fil d’une grande ambition) ? Veut-elle vraiment se positionner ? A-t-elle conscience du monde réel qui l’entoure et qui est en train de l’étouffer ? Rien n’est moins sûr.
    Vite, une chute … sinon je vais réécrire mon livre.
    L’adage dit « Quand tu pourras voir ton oeuvre détruite et recommencer à la construire, tu seras un Homme mon fils ». Dommage qu’il n’y ait pas plus d’Hommes (et de Femmes) avec une majuscule dans nos universités.

  5. Entre les tweets, les tweets privés, les commentaires et les courriels, je dois dire que je n’avais jamais rencontré autant de réactions à un de mes articles.

    Je maintiens qu’il y a une professionnalisation en cours des directions de la communication dans l’enseignements supérieur. J’affirme également que l’on rencontre des élus/enseignants engagés, capables d’une vision et même porteurs d’une vraie dynamique collective et c’est un pur régal de travailler avec eux.

    Cependant, que de comportements immatures, quelle impréparation au management et aux responsabilités, que d’approximations et de mépris… une fois encore, tout est question de place, chacun la sienne, et de confiance, sans laquelle rien de durable et d’efficace n’est possible.

  6. Merci pour cet excellent papier qui est un résumé de mes 32 ans de carrière dans la com dont 22 ans comme dircom. Ce soir, je suis moins seule !

  7. Bravo Ghislain! Je travaille en École de commerce et je sais que la maturité COM et Marketing de mes dirigeants est bien plus avancée qu’en université (française ) donc je rencontre beaucoup moins de barrages… Mais tout de même !
    Le problème c’est aussi que le monde bouge tellement vite sur ces questions que le fossé se creuse entre les retards de prise de conscience et le principe de réalité. La communication touche au marketing et le marketing est en pleine rupture.
    La gestion de la donnée est au cœur des stratégies et des plans d’actions et nos établissements peinent souvent à porter un quelconque intérêt à la « Data » ( Oups autre gros mot).
    À lire , l’excellent article du PDG de Captain Dash http://www.docnews.fr/actualites/innovation,big-bang-big-data,34,15312.html
    À nous de convaincre , la technologie et le « client » sont avec nous!
    @StephDulout

  8. Dans les EPST et les EPA que j ai pratiqué en tant que dir com, c’est la même chose. La technicité de nos métiers n’est pas imaginée une seule seconde! Pourtant, moi qui ai connu le milieu de la recherche du dedans (en qualité d’ingénieure de recherche en génétique) je peux vous assurer que nos métiers sont indiscutablement plus difficiles car tellement plus engageants intellectuellement et physiquement!
    Ceci dit, pour rien au monde je ne changerai de métier à présent 🙂
    Pour finir sur une note drôle, je ne peux que vous conseiller de faire un tour sur ce blog http://jesuischargedecom.tumblr.com/page/2

  9. Puisque l’on parlait aussi de moyens, voici un extrait d’un message que j’ai reçu la semaine passée, X étant le nom d’un institut, Y le nom du chercheur publié et Z le nom de la revue :

    « J’avais sollicité, comme il le demande, l’institut X du CNRS pour un communiqué de presse national sur la prochaine parution de la publi de Y dans Z.

    Il me répond aujourd’hui que, confronté à une forte baisses de ses ressources humaines dans le domaine de la Communication, il ne pourra pas faire de communiqué. »

    Absurde, non ?

  10. Hum, je savoure ce petit moment de lecture volé à la furie quotidienne de mes journées.
    Hé oui, la com dans l’enseignement supérieur-recherche c’est un vrai sacerdoce !
    Au bout de 25 ans d’exercice dans cette grande paroisse, je confirme que bien souvent nous prêchons dans le désert.
    Mais il y a des oasis, car les décideurs engagés avec une vision d’établissement et porteurs de vrais projets existent, j’en ai rencontré. Et dans ces cas là,quel plaisir de travailler.

    Attention CDD, CDI ou titulaire la précarité en com est réelle, elle s’appelle contrat non renouvelé pour les uns et placard pour les autres. Voir pire dans certains cas de grande souffrance au travail.

    Notre planche de salut ? Toujours pro avec un sens de l’humour bien chevillé au corps…un petit côté dragon tapi au fond de la grotte pour pouvoir dire « non » et un vrai partage d’expérience avec les équipes com des autres universités.

  11. Merci pour cet excellent papier Ghislain qui résume bien notre quotidien pour ne pas dire notre cauchemar ! Difficile de faire comprendre que notre métier ne s’improvise pas. Aujourd’hui tout le monde veut faire de la « com » dans nos établissements ! C’est invraisemblable pour ne pas dire insupportable ! Comme le disait très justement Serge Moatti hier lors de la conférence de clôture du Forum Cap Com à Montpellier, ce n’est parque ton téléphone portable est équipé d’une caméra pour faire de la vidéo que tu deviens un réalisateur. Chaque métier exige de la formation, de l’expérience pour acquérir les bonnes compétences. Il ne faut pas confondre la communication et l’information ! Si tout le monde peut facilement diffuser de l’information, il n’est pas pour autant un bon communiquant. Effectivement, il faut savoir dire « non » à nos directeurs et nos présidents quand la coupe est pleine !

  12. J’ai travaillé 15 ans dans la communication en école de commerce… Et j’ai eu aussi l’occasion d’observer tout cela. Je pense que les professionnels de la communication sont en quelque sorte victimes d’un paradoxe : ils sont à la fois enviés pour la part créative et ludique de leur profession (ce qui se voit) et parce qu’on leur prête parfois un certain pouvoir (celui de la séduction ?) et méprisés (le mot est sans doute un peu fort !) pour leur légèreté ; les aspects stratégiques et techniques de la profession restant souvent totalement méconnus. Pourquoi cela ? Le métier de chargé de communication tel que nous le connaissons aujourd’hui a émergé avec le développement des relations publiques dans les années 60-70 qui étaient basées sur des compétences essentiellement relationnelles et de représentation de son entreprise ou de son institution. La profession a évolué depuis… mais reste jeune. Les mentalités aussi mais pas aussi vite qu’on le voudrait. N’oublions pas qu’elle est majoritairement féminine, notamment dans notre secteur de l’enseignement supérieur….et que les métiers féminisés, malheureusement, restent encore sous-estimés. La communication ici est en totale opposition avec le métier d’ingénieur, lui très masculinisé ! Il est donc encore plus difficile de s’imposer dans ce type d’environnement. Il faut ajouter aussi que pendant longtemps, et cela reste encore le cas dans bien des endroits, la communication a été confiée à des gens dont cela n’etait pas le métier. À manque de technique et de vision stratégique on comble….par du blabla jargonnant. J’ai vu des profs dont on ne voulait plus dans les classes se retrouver responsable promotion et j’en passe. Du coup, l’image négative s’auto-alimente. Mais comme vous le dites, cela change, de vrais pros arrivent dans les écoles et à l’université. Il faudra encore un peu de temps…. Ci-joint un article écrit par un chercheur (donc un type crédible dans le domaine de l’enseignement supérieur 😉 qui explique très bien en quoi consiste la communication professionnelle. Peut-être pour vos directions s’ils prennent le temps de le lire… http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/docs/00/50/26/58/PDF/PROCOM.pdf

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  17. Très intéressant !

    Je suis en Master 2 Communication Numérique et je suis actuellement en stage dans un service de communication d’une université toulousaine.

    Mon sujet de recherche consiste à répondre à la question suivante : Quelle est la légitimité du communicant interne dans les établissements d’enseignement supérieur à la lumière des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) ?

    Votre article me sera d’une grande utilité 🙂

    Voici le lien d’un article qui pourrait vous intéresser : https://communicationorganisation.revues.org/3802

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