Pour ceux qui en doutent encore, la mission principale de la communication n’est pas de faire de la prestation de service, sinon on appellerait cela des services d’informations et d’infographie. La mission principale est d’accompagner la stratégie d’établissement… de la nourrir… voire de la provoquer.
Absence récurrente de stratégie
Trop souvent encore, universités, écoles, instituts et regroupements ne présentent aucune stratégie. Parler d’innovation et d’excellence ne saurait constituer une stratégie. Se positionner sur la réalisation de vos rêves, idée reprise par plusieurs établissements ne l’est pas davantage (même si j’aime bien).
D’où vient ce mal ? Au delà de missions générales définies par l’état lui-même… de très bonnes raisons d’abord, chaque établissement d’enseignement supérieur porte des valeurs universelles : service public, recherche, création, critique et partage des connaissances, ouverture, diversité, former des citoyens… il n’est pas question de revenir, heureusement, sur elles. Il en existe de moins bonnes ensuite : des dirigeants mal préparés aux fonctions et/ou prisonniers des vues disciplinaires de leurs collègues.
Forcer au positionnement
Le premier travail du communicant n’est pas d’attendre les commandes ou de renouveler les supports pour s’occuper, mais de poser ces questions simples aux dirigeants (s’ils sont prêts à répondre, ce qui ne dépend pas des communicants) :
– quel est notre message ?
– quel est notre positionnement ?
– quelle est notre singularité ?
– quelles sont nos valeurs ?
– quel est notre idéal ?
Un swot et un prisme d’identité sont les bienvenus pour palier à l’absence de réponses et aider nos dirigeants dans la construction de leur pensée.
Du positionnement à la stratégie
Au delà, il faut continuer à pousser, torturez les jusqu’au bout :
– certes, mais ça se traduit comment ?
– par quelles actions ?
– par quels éléments tangibles ?
C’est ici que l’on peut passer de la provocation constructive à la co-construction de la stratégie de l’établissement.
Si vous faites le constat d’une offre de formation complètement illisible et donc inefficace, vous pouvez suggérer des reconstructions et même d’injecter des moyens sur des diplômes précis ou des pratiques pédagogiques innovantes, voire sur la créations de nouvelles formations.
Si vous partez du constat d’une inadéquation entre offre (établissement) et demande (étudiants potentiels), vous pouvez proposer des pistes pour la professionnalisation, de l’actualisation de cours (oh sacrilège), l’entrée de nouvelles matières, le recrutement d’intervenants externes offrant un vécu professionnel sur des questions émergentes…
Si vous constatez qu’un des messages (un bon de préférence) ne correspond pas à des réalisations concrètes, proposez encore.
S’ils vous font confiance, il n’y a pas de raison qu’ils ne suivent pas une partie de vos recommandations.
Vous allez leur donner un sérieux mal de tête mais là seulement vous pouvez organiser et lancer votre plan de communication (et revenir voir le boss pour demander les moyens nécessaires).
De la gestion au projet
Derrière, c’est un changement complet de management (et même de culture car les freins ne manquent pas). Il ne s’agit plus de faire vivre un établissement et « simplement » permettre les enseignements et la recherche, bref faire de la gestion. Il s’agit désormais de donner sens à un établissement, valoriser une politique propre et autonome, faire de vrais choix (et donc savoir sacrifier vu les manques de moyens) qui ne seront pas les mêmes que ceux du voisin…bref, fonctionner en mode projet… ce qui exige de la mobilisation et de la com interne, faire jaillir l’étendard.Mais alors, une communication professionnelle… ça ne sert pas qu’à faire des affiches et prendre des photos de cocktails… ça dépend de vous.
Ping : Quand la com construit la stratégie d’établissement | Le blog de l'Iffres
Un peu de modestie ne nuit pas. La com a besoin d’une stratégie explicite pour être efficace. Mais de là à dire que la com « construit » la stratégie, il y a une marge.
Ce n’est pas la com qui peut « construire » la stratégie d’une université, ce sont les dirigeants académiques. Les responsables de la com ne peuvent jouer, au mieux, que le rôle de questionneurs visant à demander à ces dirigeants de clarifier leurs choix, afin de mettre en musique la communication adéquate. Chacun à sa place.
Le rôle de la com dépasse largement celui de questionneur, il atteint le conseil mais ne substitue pas aux présidents / directeurs…
J’ai une question, c’est quoi un « dirigeant académique » et quels sont les rapports de celui-ci avec la stratégie et la gouvernance…
Etrange question dont vous donnez vous-même la réponse. Les dirigeants académiques sont les présidents, vice-présidents, directeurs de composantes, etc. C’est eux qui sont en charge de définir la stratégie de l’établissement. Le responsable de la communication peut effectivement donner des conseils, mais pour la politique de communication, pas pour les choix stratégiques en matière de formation et de recherche.
Une grande part de l’énoncé a été oublié, quid du management et de la gouvernance ? Les professionnels de la communication peuvent évidemment donner des conseils sur les choix stratégiques de l’établissement, y compris en matière de formation et de recherche. Ce rôle est largement démontré dans le public comme dans le privé.
Foncièrement, notre incompréhension mutuelle est culturelle. Vous avez la culture du statut, j’ai la culture de la compétence. La votre est probablement majoritaire au sein de l’enseignement supérieur, je la considère étouffante et immobile. La mienne progresse mais je comprends qu’elle bouscule les certitudes et que l’on y réponde par la peur ou le mépris. Le problème est dans la rencontre de ces deux cultures qui se font plus souvent face qu’elles ne se complètent.
Vos affirmations sont gratuites. Je n’ai pas peur des communicants ni mépris pour eux. Je n’ai pas non plus la culture du statut, mais celle de la compétence. Mais de quelle compétence pouvez-vous vous prévaloir en matière de formation et de recherche, à part une auto-proclamation sans fondement ?
Quand au management et la gouvernance, je ne vois pas quelles sont vos questions. Mais j’y répondrais volontiers si vous les précisez.
Je ne vois pas l’intérêt de poursuivre cette conversation si vous tenez à soutenir sur le fond le titre qui m’a fait réagir selon lequel « la com construit la stratégie d’établissement ». Elle peut y contribuer utilement. Mais seulement si elle sait se mettre au service d’une stratégie universitaire dont la responsabilité incombe aux dirigeants de l’établissement, pas à la com.
Bon, l’air de rien, on avance Sirius (ce serait quand même plus agréable de discuter avec un vrai nom et même un prénom).
Tout d’abord, le titre n’est pas « la com construit la stratégie d’établissement » mais « QUAND la com construit la stratégie d’établissement », ce qui est radicalement différent. Je ne crois pas que la com soit nécessairement le commencement, ce que je soutiens, c’est le rôle qu’elle peut jouer pour la construction de la stratégie. Ce qui est dramatique c’est justement QUAND elle est seule le commencement car cela veut dire qu’elle ne fait face qu’à des gestionnaires, ce qui est très fréquent… là, ceux-ci sont-ils prêts à se laisser bousculer pour mettre en place une vraie stratégie… ça diffère beaucoup d’une personne à l’autre.
Ensuite, je n’ai jamais dit que la responsabilité incombait aux communicants, on ne conseille pas et dirige en même temps.
Venons-en aux affirmations gratuites. J’ai sans doute provoqué. Vous avez la culture de la compétence si j’en crois un précédent commentaire sur la question de l’anglais (même si ça restait énigmatique), vous avez aussi et surtout la culture du statut, je m’explique.
Prenons un risque et partons d’un postulat : l’enseignant chercheur est bon dans sa discipline (je crois à une certaine homogénéité à ce niveau malgré quelques exceptions).
Cet enseignant chercheur est donc un spécialiste disciplinaire (ou d’une sous discipline)
Il l’est évidemment moins d’un diplôme dont il n’est que l’un des intervenants (je prends l’exemple de la formation mais c’est pareil pour la recherche)
Il l’est toujours moins du cycle.
Encore moins de la composante
Et évidemment quasiment plus du tout pour toute l’offre de formation… et là, je ne parle que de maîtrise, nous n’avons pas abordé l’évaluation, le contexte disciplinaire comme générationnel et étudiant, ni même professionnel (dans le sens de la professionnalisation de l’étudiant)… que connaît l’enseignant lui même du monde de l’entreprise alors que pour beaucoup… ils ne sont jamais sortis de l’école (l’insertion professionnelle étant l’une des finalités de la formation). Je ne parle même pas du management qu’ils n’ont quasiment jamais connu (ni manager, ni managé).
Est-ce que pour autant, un enseignant-chercheur serait incapable de diriger un établissement et d’établir sa stratégie, bien sûr que non et heureusement… quelques uns sont même remarquables, d’autres moins, comme dans n’importe quel métier.
Tout cela s’applique évidemment de la même façon à un communicant dont la compétence est parfaitement hétérogène, certains pourront, par la compétence et le regard, parvenir à un rôle de conseil et de co-construction d’une stratégie… pas tous, loin s’en faut également. Un bon communicant aura pourtant un avis averti. Cela implique formation et recherche qui je le rappelle tout de même ne suffisent pas à définir une stratégie. Nous connaissons :
– les publics (notre métier nous oblige à être des éponges)
– les dirigeants (quand on sait les questionner)
– les liens avec le secteur professionnel
– les ressorts d’un catalogue de formation vu dans son ensemble… c’est nous qui le valorisons… et l’évaluons
– les ressorts de l’identité d’une collectivité à faire vivre en communication interne ET externe
– les principes d’identité et d’image (qui n’ont rien à voir)
– le sens politique
– et tout simplement l’importance du sens en lui-même
…
Pour faire une comparaison simple : ce n’est pas parce qu’un ouvrier fait très bien son travail, à son poste, qu’il est capable de diriger l’usine et d’élaborer sa stratégie.
Le problème est justement de penser que n’importe quel enseignant est capable d’avoir un avis fondé sur l’offre de formation ou sur la stratégie de l’établissement (idem pour les communicants) : là, nous avons un postulat de départ qui est faux et uniquement fondé sur le statut.
Pour moi le bon dirigeant est en l’occurrence un enseignant chercheur qui dispose d’un vrai recul sur son activité principale, qui est capable de donner un vrai sens à l’action de l’ensemble de l’établissement portant une vision (et non le responsable d’une structure qui se contente de permettre à ses membres de travailler), de mener une stratégie qui corresponde autant aux valeurs de l’institution qu’aux moyens dont elle dispose et peut disposer dans un monde qui porte une singularité toujours en mouvement, qui sait s’entourer de professionnels qui vont compléter sa pensée, le conseiller et exécuter son plan. Bref, ce n’est pas sa discipline, ni son statut que fera de lui l’homme ou la femme attendue mais bien ses compétences propres.
Pour justifier votre propos excessif, vous cherchez à me faire dire ce que je n’ai jamais dit. Je n’ai jamais dit que « n’importe quel enseignant est capable d’avoir un avis fondé sur l’offre de formation ou sur la stratégie de l’établissement ( idem pour les communicants) ». Je salue néanmoins la parenthèse.
Je suis même assez d’accord avec votre dernier paragraphe. Sauf qu’il faut préciser que les « compétences propres » requises du dirigeant d’université impliquent une compréhension intime du métier d’enseignant et de chercheur, qui ne peut venir que d’une expérience personnelle. La compétence ne s’oppose donc pas au statut. Celui-ci n’est que le signe de reconnaissance d’une partie de la compétence requise.
Dans le monde entier, la compétence dans un domaine scientifique (quel qu’il soit) est considérée comme une condition indispensable à la légitimité du stratège en milieu universitaire. Le communicant peut contribuer à la formation de la stratégie et, surtout, à sa mise en oeuvre. Mais, son ego dusse-t-il en souffrir, il n’a ni la compétence, ni la légitimité pour en être le « créateur », ce que votre article laissait entendre.
On commence à se rapprocher à ceci près que l’expérience personnelle d’un enseignant en physique nucléaire est très (trop) différente de celle d’un en historiographie médiévale. Une connaissance d’un métier d’enseignant chercheur, pensé comme unique, n’existe pas.
J’apprécie néanmoins l’idée que le » communicant peut contribuer à la formation de la stratégie ». Par contre, je suis désolé d’infirmer le propos suivant « la compétence dans un domaine scientifique (quel qu’il soit) est considérée comme une condition indispensable à la légitimité du stratège en milieu universitaire » car les présidents ou « deans » d’universités dans le monde ne sont pas tous des enseignants chercheurs. Le garde-fou qui existe dans ce cas, et il est nécessaire, c’est l’existence d’une direction scientifique qui est elle dans les mains d’un enseignant chercheur ou chercheur (qui peut être conseillé par des personnes compétentes d’un autre statut)
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