Aujourd’hui, de multiples initiatives démontrent qu’un processus s’est engagé dans plusieurs établissements supérieurs en faveur d’une production éditoriale comme outil moderne de communication (softpower). Les projets se sont multipliés depuis mon dernier article sur ce sujet : Editorial, enfin les universités nous parlent (février 2013). Encore fragiles, ils représentent une nouvelle façon pour les établissements de se positionner.
Stratégie : dispersion ou concentration ?
La principale critique à la mise en place de ce type de projet est souvent la même : mais pourquoi se disperser alors même que nos moyens sont limités ?
Cette remarque est d’autant plus étonnante qu’il s’agit du parfait contraire. La pratique habituelle est de communiquer, souvent par communiqué de presse et sur la « une » du site à chaque fois que l’actualité d’un laboratoire ou de l’établissement le permet. Soyons honnêtes, il s’agit rarement d’une contribution à l’identité de l’établissement mais davantage de la promotion d’un chercheur ou d’une équipe, bref, pas de projet ou d’un collectif commun. La pratique répendue du « one shot » est donc bien celle de la dispersion, inutile sans doute pas, efficace, sans doute peu.
La bonne valorisation est de jouer gagnant/gagnant avec les chercheurs : participer ensemble à une plateforme commune et si possible unique qui donnera une double caisse de raisonnance, la première au chercheur lui même qui en valorisant son savoir ou sa recherche (ce qui est différent) pourra mieux se faire connaître en bénéficiant de la notoriété et de l’efficacité de la plateforme et évidemment pour l’établissement qui se fera identifier comme spécialiste ou en tout cas lieu de création de savoirs, lieu de modernité, carrefour d’échanges intégré à la société. Le choix de la plateforme éditoriale est donc le choix de la concentration et non celui de la dispersion.
Plateforme spécialisée ou transdisciplinaire ?
La question éditoriale est fondamentale, au delà du public qu’il faut définir, connaître et alimenter, se pose la question du champ sémantique. Quand l’établissement est spécialisé : langues, médecine, sciences humaines… nous sommes dans un cas de disciplines pouvant former un corpus proche. Ici la question se pose moins, l’objectif est alors de devenir une référence sur ce champ sémantique. Par exemple, aujourd’hui, je travaille sur le lancement d’une plateforme consacrée aux langues et civilisations, en concordance avec mon établissement (Institut national des langues et civilisations orientales). Le choix est simple même s’il aurait été possible de segmenter soit en langues ou familles de langues, soit en disciplines.
Le problème devient plus épineux pour des établissements plus grands, pluridisciplinaires, au point de regrouper toutes les disciplines ou presque et particulièrement sciences dures (ou asociales ou inhumaines) et sciences humaines et sociales (ou molles). Multiplier les plateformes ou en créer une seule, pas de solution unique ici, mais le point de convergence éditorial peut être autre. Quand je dirigeais la communication de l’université de Poitiers, nous avions choisi une seule plateforme, Cogito*, mais en orientant beaucoup d’éditoriaux sur le territoire régional, ce qui était un positionnement pertinent vu la position géographique de l’université.
Par ailleurs, une pratique exigeante est de mener des dossiers et joindre des contenus qui ensemble deviennent transdisciplinaires. Une plateforme peut donc mêler, au sein d’une ligne éditoriale cohérente, des contenus disciplinaires et transdisciplinaires.
Contenus précis, légers ou dossiers éditoriaux ?
Vous n’avez pas un public mais des publics et comme chacun peut cumuler plusieurs pratiques de lecture, il est légitime de se demander quelle pratique l’on souhaite utiliser. La solution est plus simple qu’il n’y paraît. Le vrai choix est éditorial, pour le reste, il faut justement offrir différents rythmes (court, long, texte, vidéos, portrait…) et différents niveaux d’exigence (divertissement, anecdote, dossier complet) du moment de rester sur un fond qui reste abordable pour un public large et curieux. Une solution plus fine peut privilégier un contenu vulgarisé pour cette plateforme avec, en lien, des contenus de nature scientifique sur le site institutionnel.
Avertissement
L’avertissement est redoutable. La matière première est là et elle est gratuite, ce qui permet de mettre en place des plateformes éditoriales pour un prix vraiment bas. Ce prix, c’est celui de la médiation, de la mise en page et de l’impression si le choix d’un magazine print a été judicieusement fait. Le problème majeur reste pourtant budgétaire, si l’investissement est dérisoire comparé aux budgets de nos structures, l’heure de la diète a eu la main très lourde sur de nombreux budgets consacrés à la communication. Il n’est pas rare d’en voir certains diminués brutalement de moitié voire beaucoup plus. Cela pose la question de la viabilité à long terme alors que c’est justement dans le temps que cette stratégie triomphe.