Chaque année connaît son lot de nouveaux logos. Ce travail se professionnalise de plus en plus dans l’enseignement supérieur : agences, recherche de sens, signatures de renom, enjeux de visibilité et de distinction… Le cas récent de l’Université Paris1 Panthéon Sorbonne est très intéressant dans ses choix.
Un logo éternel qui capitalise sur son histoire
Le premier élément évident est l’absence d’originalité, ce qui est évidemment un parti pris et non un manque de créativité. Qu’est-ce que l’université a-t-elle a prouvé ? Quel positionnement nouveau pourrait lui promettre une valeur ajoutée ? Elle préfère capitaliser sur son histoire et la projeter sur l’avenir. Rien d’évident, le risque de ce choix étant toujours de donner une image passéiste et figée de son institution. De ce côté, le travail graphique est parfaitement réussi, le logo est intemporel dans tous les sens positifs qu’il comprend. Il se paie même le luxe d’intégrer le fronton du Panthéon, référence historique très forte, sans alourdir le travail final… miraculeux.
La conséquence logique est l’usage de couleurs très conservatrices. Alors bien sûr, le bleu est la couleur de la recherche et de la connaissance, c’est surtout une couleur froide, sérieuse, rassurante, elle porte ainsi une assise, un héritage. L’or renvoie au domaine du luxe, un choix prétentieux ou courageux, c’est selon, en tout cas un choix de caractère… qui renvoie à l’excellence, pour utiliser un mot usé jusqu’à la moelle mais ici seule la sensation compte et elle est parfaitement projetée. Enfin, les lettres en capitale projettent la force de l’établissement au risque de maintenir une distance avec les cibles.
Bref, on ne cherche pas à nous en mettre plein les yeux ou à épater la galerie, pas de révolution, mais au contraire, une identité renouvelée autour d’un héritage envié par beaucoup d’établissements.
Un nom préservé qui inverse la hiérarchie des mots
La vraie force est le choix d’inverser les mots majeurs et mineurs. Panthéon et Sorbonne prennent le devant et donc le dessus, comparé au logo précédent (ci dessus). Bref, ce sont les mots qui portent le plus de sens qui sont mis en avant. « Université » et Paris deviennent mineurs et c’est tant mieux.
Nous imaginons sans peine que le mot Panthéon plus porteur en interne qu’en externe a dû voir son statut discuté à côté de celui de Sorbonne qui est seul reconnu à l’international. Nous aurions volontiers inversé les mots. Appelons cela un compromis, il est, après tout, dangereux de trop bousculer une identité interne. L’enjeu est évidemment la mise en avant de la Sorbonne. Ce mot est le seul connu mondialement, capitaliser dessus est donc d’une logique aussi légitime qu’implacable. Seulement, c’est un mot partagé, plusieurs universités et COMUE portent ce nom. En ce sens, le nouveau logo de Sorbonne Universités est emblématique de l’usage du symbole jusqu’à l’outrance (l’efficacité avant tout). La question se pose : comment positionner les Sorbonne entre elles ? Les établissements vont-ils tenter de se différencier… ou de conquérir la marque aux dépens des autres institutions qui deviennent ainsi des concurrents ? Bref… la guerre ou la coexistence différenciée (ou molle, sans saveur et confusante) ?
Il n’en reste pas moins que ce virage très réussi ne s’impose pas sur tous les éléments de communication. Deux exemples, le nom du site Internet reste : univ-paris1.fr ; pas de Panthéon, pas de Sorbonne. Plus surprenant, le hashtag lancé à l’occasion est #GoUP1. Dans le monde restreint des 140 signes, c’est évidemment le choix de l’efficacité mais cela remet en cause de manière sévère la nouvelle hiérarchie des mots. Au passage, on peut s’interroger sur l’usage du mot « Go » alors que l’identité même du logo est très française, dans son élégance comme dans le choix de placer un accent sur le « e » de Panthéon… mais je suis persuadé que j’aurais également utilisé ce mot anglais, langue toujours mieux tournée vers l’action.
Une occasion manquée ?
Allons chercher le diable et ne nous mentons pas : en premier lieu, cette nouvelle identité visuelle, porteuse de sens évidents et élégante graphiquement est une réussite exemplaire.
Cependant, ce qui me chagrine, c’est le nom, il reste inchangé alors qu’il aurait pu être soulagé des mentions inutiles. Garder Paris ou pas, cela se discute. Garder Panthéon, c’est utile en interne et ça permet aussi de se positionner par rapport aux autres Sorbonne. Mais diantre, pourquoi ne pas s’être débarrassé du 1 de Paris 1 ? Il ne renvoie qu’à la seconde partie du XXème siècle, nous sommes loin du XIII et justement de l’affirmation de cet héritage qui prend source à l’époque médiévale. Enfin, et c’est ce qui me taquine le plus, quand nous sommes à Rennes, Lyon, Poitiers ou ailleurs en France, nous avons le devoir d’utiliser le mot « université » car en son absence on pense d’abord à la ville… mais ici, pourquoi ? Harvard, Oxford, Cambridge… et évidemment Sorbonne portent en leur nom, en leur marque, en leur coeur, le principe même d’université, c’est magnifiquement puissant. C’est comme mettre « CV » sur un CV ou écrire « voiture » sur sa voiture : on sait ce que c’est ! Le mot est donc inutile.
En ce qui concerne votre dernière remarque, il ne vous aura pas échappé que les universités d’Oxford, de Cambridge ou même Harvard ont toutes le mot « University » dans leur logo. Je ne connais guère d’exemple d’université ayant une dénomination officielle ou un logo ne contenant pas ce terme.
Sur « Paris 1 », c’est peut-être effectivement discutable du point de vue de la renommée internationale de l’université (disons hors Europe), mais en France, je pense que cette appellation est plus connue que « Panthéon-Sorbonne ». C’est d’ailleurs de cette façon que l’université est le plus souvent désignée en interne.
Ce n’est pas si simple. Par exemple, Harvard utilise souvent son blason seul où ne figure pas le mot university. Surtout, ils n’ont qu’un seul mot majeur, Panthéon Sorbonne, ça en fait déjà deux et plutôt longs. Moins il y a de mots, plus un nom et un logo sont efficaces… Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, ça en fait 5 !
Pour Paris 1, ça renvoie à 68 pas au XIIIème siècle, ce n’est pas cohérent avec la volonté d’héritage multiséculaire affiché par la nouvelle identité. Par ailleurs, ça réduit la portée du mot Sorbonne.
Après, je suis d’accord avec vous, l’interne tient son importance, on ne peut pas tout chambouler, au risque de perdre l’adhésion, et je ne peux donc pas juger. Reste à savoir si « Paris 1 » est un usage pratique ou identitaire.
Faut dire que si V. Pécresse et G. Fioraso avaient fait quelque chose de cohérent avec le mouvement de décentralisation et imposé le principe logique de « une académie = une université », on aurait un seul établissement à Paris et on pourrait l’appeler « La Sorbonne », sans autres fioritures.
et ce serait terriblement efficace… en tout cas en terme de com
Scotché par la puissance d’analyse de S. Bourdilleau et son urgente nécessité, je ne peux que m’incliner avec respect devant cette tâche indispensable et le remercier d’avoir trouvé le temps de s’extraire de ses hautes occupations ordinaires pour nous favoriser d’un avis si documenté sur un sujet aussi important. Je critique donc je suis.
Sur le blason de Harvard, il n’y a pas écrit Harvard, mais « Veritas » (cf http://www.harvard.edu).
A verser dans la postmodernité sémiotique et communicationnelle, je proposerais bien de réunir toutes les universités parisiennes et de la proche couronne sous un seul nom : « Université de Paris » ou « la Sorbonne », qu’en dites-vous ?