Cracking the management code

Quels messages adresse à l’enseignement supérieur le succès de Trump ?

« KO debout ! »

Comme beaucoup, le résultat des élections présidentielles américaines m’a laissée KO debout.

Une fois passé le premier choc, j’essaie d’en tirer des enseignements car comprendre et expliquer m’ont toujours paru la meilleure façon d’avancer.

Il est clair que le système éducatif est lourdement interpellé, et tout particulièrement l’enseignement supérieur.

 

« Les maux de nos sociétés démocratiques au centre du vote américain »

Au centre de cette élection, comme du vote pour le Brexit, il y a tous les maux de nos sociétés démocratiques : endogamie des élites, petit club fermé ceux qui font l’opinion, idéologie de la transparence. Il y a aussi la peur de ce monde ouvert qui semble si incompréhensible et menaçant à tant de personnes qui voient disparaître peu à peu tous les repères construits au cours des générations qui les ont précédées.

« L’éducation au cœur de ces votes de repli et de rejet »

Nous sommes très nombreux à penser que l’éducation est au cœur de ces votes fondés sur la méfiance et le rejet. Il ne s’agit pas de dire que les gens éduqués sont plus intelligents que les autres, ni que le diplôme soit la garantie de l’intelligence des situations. Mais il est vrai que la formation doit être garante de l’ouverture d’esprit, de l’accès à l’information, et du décryptage des phénomènes. Toutes compétences qui sont de véritables boucliers au repli sur soi et à la méfiance de l’autre.

Comme professeur, je me sens donc très interpellée par cette élection, j’en retiens trois messages.

 

« Trois interpellations à entendre »

La première interpellation est l’urgence de débattre avec les élèves et les étudiants de ce qui s’est passé. Comme après les attentats de l’année dernière, il est nécessaire de se servir de ce cas pour aider nos élèves à comprendre et à analyser le processus à l’œuvre. J’espère que les responsables d’établissements, et surtout d’écoles de management se sont saisis du sujet.

La deuxième est que l’éducation doit aller à l’élève et à l’étudiant, et non le contraire. En effet, les analyses montrent bien qu’un creuset de ce vote américain, comme celui du Brexit est la fracture territoriale. En cela, ce vote si clivant interroge les réformes actuelles qui consistent à polariser l’enseignement supérieurs sur les grandes métropoles, au nom de la visibilité, de l’excellence, des classements…. Fermer des établissements parce qu’ils ne sont pas conformes aux exigences de recherche et de publication, parce qu’ils sont trop coûteux pour les institutions locales, c’est créer des déserts pédagogiques sur le territoire national. Ce ne sont pas les MOOC qui raccommoderont les trous béants faits dans le tissu national. Si j’en reste à la discipline du management, l’abandon à leur triste sort ces dernières années des ESC Amiens, Brest, Chambéry, Tours-Poitiers, Saint Etienne, comme l’ouverture massive de campus à Paris et dans quelques grandes métropoles régionales, montre bien l’importance du phénomène, qu’on observe de façon plus floutée du côté universitaire où il ne fait pas bon être un département d’IUT de villes moyennes ou même une petite université de province.

Je n’ai pas trouvé d’étude sur le sujet mais je pose la question : combien de lycéens français renoncent aux études supérieures par manque de moyens ou simplement d’envie d’aller étudier loin de leur domicile ? Les études existent aux USA et montrent bien la baisse de jeunes rejoignant les universités ces dernières années, et les liens avec le vote de rejet de ces dernières semaines.

La troisième interpellation porte sur notre mission d’enseignants chercheurs : pouvons-nous nous contenter de regarder ce qui se passe ? Il me semble indispensable d’être des chercheurs « en société » avec des recherches-actions, des recherches-interventions qui nous amènent à nous confronter au réel et à « faire bouger les lignes ». Ceci exige qu’après l’analyse et le décryptage vienne le temps des propositions et des prescriptions. Il nous faut aussi choisir des sujets de recherche correspondant aux attentes de la société, et en management, des entreprises, et ne pas se limiter à des sujets complètement essorés pour alimenter avec moins de risque la machine à publications.

 

« Pas de Brexit V3 en mai 2017 »

Finalement, merci Mr Trump ! Vous secouez nos habitudes et vous nous obligez à nous poser de bonnes questions Si nous ne voulons pas d’un Brexit V3 en Mai 2017, il est temps de se mettre au travail.

Commentaire (1)

  1. David Lahille

    Bonjour Isabelle,
    merci pour ta réflexion à laquelle j’adhère pleinement.
    Oui, il est temps que l’université se réinvente en liaison avec les entreprises pour que les étudiants qui la choisissent soient assurer de trouver un job.
    Oui, il existe une formidable opportunité pour les université de province de se régénérer dans le cadre d’une liaison complémentaire à celles des grands centres pour offrir des jobs aux étudiants locaux qui aiment leur région et les entreprises qui s’y trouvent et à ceux qui n’ont pas les moyens de la métropole.
    Il y a beaucoup de choses à faire sur des initiatives locales, nous ne devons rien attendre des élites qui ont perdu pied avec le terrain.
    A bientôt
    David

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