Cracking the management code

APB : un dispositif de maltraitance

APB : un « tue l’avenir »

Les résultats d’APB sont tombés il y a quelques jours, douchant les espoirs de bon nombre de lycéens, avec un impact d’autant plus fort sur leur moral qu’ils sont en pleine préparation du bac, et donc fragilisés.

Vu de loin, APB est un processus rationnel, qui obéit à une loi classique dans l’éducation : la sélection bâtie sur la performance. Il y a d’un côté ceux qui ont tout ou beaucoup car ils sont « meilleurs » et les autres, ceux qui sont moyens, sans véritables atouts au regard des critères des concours.

Les bons sont confortés dans leur qualité, les autres dans leur médiocrité.

Mais cette rationalité ne tient pas quand on est un lycéen relégué au rang des « rejetés «, ou ses parents qui soutiennent au mieux le moral de leur rejeton, sans bien comprendre ce qui se passe.

Ces derniers jours, j’ai vu pleurer des lycéens. Ils avaient perdu leurs illusions, ils avaient le sentiment d’être des « mauvais », et ils n’arrivaient pas à se projeter dans l’avenir qu’on leur imposait.

 

S’adapter sans cesse à un outil qui ne change pas : est-ce sérieux ?

Rappelons rapidement que ce dispositif APB est apparu en 2008 avec comme objectif une meilleure mise en relation de milliers de formations avec des dizaines de milliers de lycéens, dans une visée très égalitaire.

Dès cette année-là, on a bien repéré les nombreux dysfonctionnements  inhérents à l’outil, dysfonctionnements visibles ou supposés. Ainsi, des lycéens moyens dans de très bons établissements très exigeants voyaient passer devant eux des lycéens mieux notés dans des établissements moins élitistes. Des formations qui avaient l’habitude de recevoir 500 dossiers se retrouvaient avec 5000, et étaient obligés d’abandonner l’analyse personnalisée des dossiers.

Les années ont passé et peu à peu les pratiques se sont adaptées à APB, mais malheureusement, il n’y a eu aucune mise en cause de l’outil.

Au rang des dysfonctionnements invisibles : les fameux algorithmes avec des choix discutables, des absences de mises à niveau, comme il a été démontré récemment, après des années passées pour obtenir les clés du système.

Mais ce n’est pas l’aspect technique que je veux traiter, c’est la question des émotions pour montrer l’aberration de ce rideau de fer qui s’abat sur nos enfants.

 

Le post APB : le sentiment d’abandon, d’injustice et de perte de sens

Que se passe-t-il pendant la terminale, non pas techniquement, mais dans la tête et le cœur de nos lycéens ? Je distingue trois étapes qui posent chacune d’énormes problèmes :

1/ Il y a d’abord la phase d’assimilation théorique d’APB avec deux  problèmes :

  • la mobilisation porte sur la maitrise de l’outil dont la complexité masque le véritable enjeu de l’orientation,
  • l’incapacité d’anticipation à cause du Bac qui est perçu comme la véritable priorité, reléguant le choix des études à l’ « après Bac ».

2/ Ensuite, se pose la question du « clic » et de l’hyper choix. Etre incité à prendre des dizaines d’options (sous peine de ne rien avoir) conduit à un sentiment d’attentes et d’espérance au-delà du raisonnable. C’est humain.

Nos lycéens sont les ultimes décideurs de leurs clics, et ils font leurs  « vœux » comme on fait sa « liste au Père Noël ». Or, avoir demandé, c’est déjà s’engagé mentalement dans le processus d’obtenir. Les attentes étant immenses (et même irréalistes), la déception est d’autant plus grande.

3/ L’atterrissage est en effet très rude pour ceux qui n’ont pas leurs premiers vœux. Il est d’autant plus violent qu’il n’y a aucun accompagnement, hormis les parents qui sont dans le même désarroi que leur progéniture. Nos jeunes sont envahis par plusieurs sentiments : celui d’abandon car il n’ya pas de service après APB, un sentiment de trahison car ils y croyaient dur comme fer, un sentiment d’injustice car ils se comparent sans en avoir les éléments avec leurs camarades, un sentiment de désespoir car ils sont projetés dans un avenir qui n’était pas leur projet, et, finalement un sentiment de perte de sens sur ce qui est le plus essentiel pour eux : leur avenir.

 

Une vraie maltraitance

Si une entreprise s’aventurait à ce type de fonctionnement, elle serait rapidement taxée de maltraitance envers ses collaborateurs.

APB et tout l’écosystème qu’il génère depuis maintenant une décennie est un instrument de maltraitance vis-à-vis de nos jeunes.

Je ne parle même pas de l’inégalité qu’il introduit entre les jeunes dont les parents vont trouver des solutions de rattrapage et les autres …

Toutes les rationalisations ex post, toutes les injonctions à rebondir, toutes les théories sur l’apprentissage de ses échecs, ne tiennent pas devant un jeune homme ou une jeune fille de 18 ans qui pleure sur les cendres de ses espoirs anéantis.

APB : une copie entièrement à revoir.

Commentaires (16)

  1. Nico

    Tout ce qui est dit dans cet article est vrai, le système d’APB (dans son état actuel du moins) est a jeté.. Mais, il y a d’autres problèmes évidemment, dont un que je trouve aberrant : dans mon lycée (je ne pense pas que ce soit le seul) c’était impossible, en s’y prenant en novembre, d’obtenir un rendez-vous avec un conseillé d’orientation. Je ne savais pas vraiment quoi faire et de l’aide en face à face d’une personne spécialisée m’aurait été d’une grande aide..

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    1. isabelle-barth (Auteur de l'article)

      Bonjour
      Je n’ai pas développé ce point, mais en effet, il faudrait un accompagnement post APB, ce qui n’existe pas et renforce les angoisses. Merci de votre témoignage. Bien à vous.

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      1. NBW

        Je suis enseignante (public) et m’intéresse des près aux questions d’orientation.Il existe des officines privées d’orientation , ainsi que des coachs scolaires et d’orientation. Même si leurs services sont payants, je pense qu’il ne faut pas hésiter à les consulter. L’approche est personnalisée, beaucoup plus que chez le COP d’un lycée qui est débordé et n’a plus le temps pour des questions aussi pointues. C’est triste mais c’est ainsi.

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        1. isabelle-barth (Auteur de l'article)

          BOnjour je diffuse l’info …. bien cdlt

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      2. Nadine

        Bonjour, je suis partiellement d’accord sur la critique faite à APB. Partiellement car si certaines critiques sont fondées (résultats juste avant le bac) la véritable question est « etait-ce mieux avant APB? » Avant APB, les élèves n’étaient pas mieux accompagnés pour l’orientation. L’accès à l’offre de formation était très difficile. les élèves excellents étaient informés par les profs de l’existence des CPGE et autres filières élitistes. Les dossiers papiers peu nombreux étaient envoyés aux établissements/ Les meilleurs étaient recrutés avant le bac. Pour les autres, quelques infos glanées dans les forums peu nombreux, une aide parentale très variable selon les milieux sociaux, des enfants de cadres et d’enseignants mieux accompagnés, une orientation et reproduction sociale assurée car on ne va que vers ce que l’on connait. Le même stress des listes d’attentes pour les plus moyens. Mais une roue de secours: la fac. Aujourd’hui, tout est pareil, mais visible. APB rend visible toute l’offre de formation et c’est un vrai plus. Il rend aussi visible la « détresse » des « moyens ». Mais la roue de secours est crevée, le supérieur manque de places et de moyens. Des BTS sont fermés à des bac généraux en cours de cursus laissant des élèves sans solutions! APB n’y peut rien mais au moins on en parle. APB crée du collectif,il sort l’élève en difficulté d’orientation de sa solitude comme cela était le cas avant. L’année du bac est lourde et les élèves peuvent difficilement gérer leur travail et le logiciel APB, des relais sont indispensables et tous n’ont pas des parents pour assurer la gestion des voeux et des phases. mais ils ont toujours fait le choix en fonction de ce qu’ils connaissent, en fonction de leur niveau, en fonction de moyens financiers des parents…mais il y avait de la place pour tous!!

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        1. isabelle-barth (Auteur de l'article)

          Bonjour, je ne suis pas dans le « c’était mieux avant », mais je ne pense pas qu’on puisse faire pire que le dispositif actuel… Au moins, comme vous le dites, le diagnostic est posé. Bien à vous

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        2. Isabelle Gauthier

          Bonjour, merci Nadine pour votre réponse qui réajuste les choses. Je comprends la colère et la peine des parents et leurs jeunes face à ces situations injustes dans lesquelles ils se retrouvent cette année. Il me semble que contrairement à ce que dit Isabelle barth, le problème ne vient pas du logiciel qui établit une égalité de traitement, une information exhaustive et une affectation au mieux des choix exprimés mais vient du non ajustement de l’enseignement supérieur à la montée démographique des lycéens et de leur reprise en main de la sélection puisque « ça se bouscule à leur portillon » (rappelons-nous des files d’attente pour s’inscrire dans les années 80, 90, 2000).
          Par ailleurs, je ne peux pas laisser dire que les conseillers d’orientation psychologues (Bac +5 en psychologie, économie et en connaissance du système éducatif) font moins bien leur travail que des coachs (niveau d’étude, étude de quoi, ?) privés et payants.
          Les CIO (centre d’information et d’orientation) sont ouverts après la fermeture et avant l’ouverture des établissements scolaires, ils offrent des plages de rendez-vous toute l’année (scolaire et période de vacances scolaires) pour accueillir tout public gratuitement, n’hésitez pas à prendre contact à leur réouverture (24 août). Bon courage à tous

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  2. Anne

    Excellent article !!! C est exactement ce ressenti ! Ca rassure de voir que des gens brillants se rendent compte et dénoncent l’absurdité du système APB… et du système scolaire francais. Dès le 2eme trimestre de terminale la pression des dates pour les choix, pour ordonner les vœux. « Vous pouvez faire jusqu’a 24 vœux !!! Ordonnez bien vos vœux ! » Laissant croire à l’élève que c est lui qui choisit son orientation. Et psychologie suprême : la réponse à moins d une semaine des épreuves écrites du bac !!! Et la, le désespoir qui s installe…Les vœux les plus attendus sont refuses. Sans même avoir pris connaissance des résultats du bac !!! Ce sentiment d injustice… quand on sait que d un établissement à l autre les notations peuvent être très differentes…….. Comment remotiver son enfant pour le bac après ça… quand il a toujours été bon élève de plus ? L’outil APB en lui même pourrait être très bien si tout ce qu il y a autour n était pas qu’illusion … N aurait il pas mieux valu préparer les élèves à ce qui les attendait, demander aux conseillers d orientation d être plus presents… Mais avant tout cela : quand allons nous arrêter de se « débarrasser » des élèves ? Quand allons nous redonner une vraie valeur au Brevet ? au Bac ? Au lieu de se gargariser des taux de reussite chaque année…. Quelle vaste fumisterie … En tout cas MERCI à vous pour cet article.

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    1. isabelle-barth (Auteur de l'article)

      Bonjour, vous exprimez bien ce que tant de lycéens et de parents vivent : l’incompréhension la plus totale alors que les enjeux sont si importants et la période tellement sensible. Bon courage ! Bien à vous

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  3. pat

    effectivement grand sentiment d’injustice . très bon article. j’ai toujours dit à mes enfants donnez vous les moyens d’obtenir ce que vous voulez. elles ont largement respecté e contrat. pour se voir affectée sur sa pastille verte. incompréhension totale !!!. de plus aucune visibilité sue le système si ce n’est cette nouveauté absurde du tirage au sort.
    quand un système n’a pas devancé la montée des effectifs pourtant prévisible cela tourne au ridicule!!!et affecte les élèves
    merci pour votre article

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    1. isabelle-barth (Auteur de l'article)

      Bonjour, en effet nous sommes nombreux à voir nos enfants dans l’incompréhension voire le désarroi. Le tirage au sort n’est pas une nouveauté mais il est maintenant médiatisé… à suivre et bon courage !

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  4. Laurence

    Mon enfant à 3 ans d’avance, rentre en seconde à 11 ans. Et veut faire médecine (depuis toujours). Pensez-vous que d’ici 3 ans les choses auront changées??
    Les tirages au sort auront ils encore lieu ?
    Je n’imagine pas laisser mon enfant partir dans une région éloignée de la mienne pour faire ses études. Cela m’inquiète pour son avenir.
    Qu’en pensez-vous ?

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  5. Ariel

    Merci pour votre article qui reprend bien les sentiments ressentis par les enfants et les parents.
    D’accord avec un des commentaires sur la difficulté à rencontrer un conseiller d’orientation. Expérience personnelle, nous avons pris en main l’orientation post bac dès la première pour que notre enfant s’approprie la démarche, progressivement. Accentuation en terminale avec une sélection relativement ciblée des formations. Un vrai choix pour essayer d’éviter le sentiment « d’aller au supermarché ». Pas simple avec pléthore de formations. Elève très moyen dans un bon lycée donc dossier très moyen. Scientifique. Finalement en choix 1 une licence sélective (dossier refusé) et pastille verte en choix 2 : liste d’attente. Donc rien pour l’instant. Culpabilité de ne pas avoir finalement pas mis en choix 1 la pastille verte (« vous avez fait une erreur de stratégie »). L’orientation devient une stratégie. Ce n’étais pourtant pas une filière en tension, ni un projet professionnel où il y a trop de candidats (physique chimie). En procédure complémentaire, que des possibilités vraiment pas adaptées à l’enfant et / ou en dehors de nos moyens financiers. Où a-t-on commis une erreur ?
    On va donc attendre le 14 juillet, espérant de faire la fête. Et avant les résultats du bac quand on en vient à espérer de la rater. Pourquoi le 3ème tour si tard après les bac (7 juillet) ? Le 3ème tour semble être « le choix définitif » : que faire si l’enfant est encore en liste d’attente ? On a le sentiment que la montée des effectifs n’a pas été anticipée. Reste une estime de soi très atteinte.
    Merci pour votre article

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  6. Joy

    Vous avez entièrement raison comment faire pour que les choses changent ?
    Ma fille est dans un grand lycée parisien, elle a eu ce qu’elle voulait mais de nombreuses têtes sont tombées autour d’elle . c’est profondément injuste d’autant que le niveau est extrêmement élevé .
    Il est peut-être temps de se mobiliser ?

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  7. CDV

    Bonjour à tous,
    situation copiée collée de celle d’Ariel: une élève moyenne dans une classe très exigeante, avons suivi les recommandations de la responsable du CDI de l’école. En premier les choix de reve, puis les choix réalistes et enfin le plan B …qui fera pleurer toutes les larmes de son corps à une ado (on y est…).
    je m’interroge également, son 1er choix était une licence ultra sélective (30 étudiants dont 70% de boursiers – challenging pour une non boursière aussi motivée soit-elle!) dont elle est sans espoir sur liste d’attente, l’impression que cela réduit toute chance au 2ème voire 3ème tour puisque les facs connaissent alors le rang du choix des postulants ce qui m’a laissée pas mal interloquée(http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/apb-2017-les-petits-arrangements-du-ministere-pour-eviter-le-tirage-au-sort.html)…
    L’impression d’avoir choisi la mauvaise stratégie, en toute bonne foi.
    Bref une sensation de gachis infini.

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  8. Christophe

    Excellent article. A cause d’un deuxième trimestre moyen, et malgré un troisième trimestre excellent et une mention bien au bac (qui ne sont pas pris en compte par APB) mon fils a l’avant dernier choix de sa longue longue liste de souhaits… ça pourrait être pire, mais la punition c’est maintenant pour les parents qui doivent organiser la vie de leur fils dans une petite ville, où l’IUT est la seule formation supérieure, à plus de 500 km du domicile familial.

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