Il ne suffit pas de favoriser la créativité ou de développer des méthodes de co-innovation en entreprise pour penser que tout ira mieux dans le meilleur des mondes. Encore faut-il construire des équipes de créatifs et les gérer dans toute leur complexité. Ceci est le sujet d’un article remarquable, publié récemment par un jeune chercheur de Montréal, Louis-Etienne DUBOIS (doctorant à HEC Montréal et à Mines PariTech, associé au Centre de Gestion Scientifique et à l’Université Catholique de Lille dans le cadre du Laboratoire d’Innovation Pédagogique et de l’Ecole des doctorants, cofinancement de thèse porté par « Lille Métropole Communauté Urbaine » dans le cadre de sa compétence Recherche) dans la revue Gestion vol. 38, n°3 (Automne 2013) et téléchargeable en cliquant sur ; « Dubois_2013_Gestion«
Comme le souligne l’auteur, si le développement de la créativité est une priorité dans les organisations innovantes, les défis que cela entraine en matière de gestion de ces nouvelles ressources humaines sont considérables. En faire abstraction serait une erreur. Dans son article, Louis-Etienne Dubois détaille les pratiques mises en œuvre aujourd’hui par les dirigeants qui croient en l’innovation et qui permettent de bien la gérer au quotidien et d’en évaluer les rendements. Il s’appuie sur des entretiens de managers de personnels créatifs et des exemples concrets de réalisation en entreprises. Sans doute en raison de l’origine de l’auteur, certaines sont teintées d’accent québécois. Je pense notamment au Cirque de Soleil.
Développer l’innovation par la créativité est devenu incontournable pour les organisations voulant se démarquer de leurs semblables et conquérir de nouveaux territoires, de nouveaux marchés. Cela est vrai pour les entreprises, mais aussi pour les équipes de recherche, des plus appliquées aux plus fondamentales. Il faut d’abord créer les conditions qui feront que les collègues puissent engager des modes de réflexions créatives et qu’ils développent par eux-mêmes des environnement qui favorisent la production d’idées nouvelles. Conscient de cela, les managers de ces personnels, DRH ou directeurs d’unités, devront apprendre à employer des méthodes sorties de l’ordinaire. On ne manage pas une équipe créative avec un tableau Excel ou des processus répliqués de la pratique habituelle, s’il en est, de bons nombre de département de ressources humaines. Il faut donc aussi se monter innovant dans ce secteur ! Déterminer les attentes des personnels créatifs, compte tenu de leurs traits de personnalité souvent spécifiques, devient une véritable gageure pour les directeurs de ressources humaines comme pour ceux de l’innovation. Sur ce point, l’article évoqué dans ce post donne des pistes pour être en mesure de relever le défi. Ce sont de grandes lignes, mais présentées ici de manière à donner de très bonnes idées à qui les prendra en compte. Elles permettent tout au moins d’éviter les erreurs, comme celle par exemple de vouloir déterminer de façon trop précise les attentes d’une direction en matière d’innovation ou de laisser peu de place à l’autodétermination, en contraignant les collègues à respecter un cadre de réflexion trop figé.
Comment coacher efficacement la performance de ses créatifs et évaluer leurs performances ? Les gestionnaires de créatifs doivent relever un challenge qui n’est pas facile, celui de donner du sens aux actions engagées par leurs collaborateurs, dans une vision stratégique partagée, tout en créant les conditions favorables à la performance collective. C’est le rôle d’un coach, mais dans le cadre d’une équipe où la complexité des personnalités ne rend pas le travail facile (notamment pour la partie consacrée à l’évaluation). Toujours dans l’article, l’auteur nous donne quelques exemples et illustration qui permettent de relever le défi.
Comment développer la performance de ses créatifs ? Cela commence très certainement par la reconnaissance de cette performance et la mise en œuvre de tout ce qui pourra contribuer à l’évolution progressive et continue des compétences. Sur ce plan, on retrouve les enjeux qui se présentent à chaque manager quel que soit son domaine d’activités, mais avec la difficulté supplémentaire ici de les relever dans le cadre d’une équipe de personnels créatifs. Une illustration intéressante est présentée dans l’article qui souligne le fait, par exemple, que les créatifs ne mettent pas toujours les questions d’argent en tête de leurs considérations principales. De ce point de vue, réfléchir à des modes de reconnaissance classiques n’est pas forcément la meilleure des méthodes. Il faut pouvoir tenir compte de la spécificité des profils de ce personnel pour travailler à son développement et sa motivation. L’article se termine en évoquant les conditions de succès de la gestion de la performance des créatifs. Cela commence par le recrutement et la sélection de bons profils, le développement de leurs talents et la mise en place d’indicateurs de performance qui soient vraiment spécifiques. La pire erreur, comme le souligne Louis-Etienne Dubois, serait de vouloir gérer les créatifs de manière classique et uniforme. Enfin, et c’est peut-être le point du papier sur lequel on peut rester sur sa faim, l’auteur souligne l’importance d’instaurer une culture du droit à l’erreur et de l’acceptation de la critique. C’est un sujet particulièrement important, mais qui mériterait à lui seul tout un article. Ne doutons pas que cela viendra, ne serait-ce que dans ce blog !