De la créativité à l'innovation

Do it yourself et serious game pour une pédagogie innovante à l’université…

Comment transformer son enseignement à l’université de manière à le rendre plus interactif ? Peut-on le faire pour n’importe quelle matière et avec tous types d’étudiants ? Comment mettre en place de nouvelles méthodes pédagogiques plus créatives et innovantes ?  Un exemple est donné ici par la description d’une expérience en cours à la Faculté Libre des Sciences et Technologies (FLST) (http://flst.icl-lille.fr) de l’Université Catholique de Lille. Elle a été imaginée en transformant de manière radicale un cours de « Génétique Moléculaire », habituellement dispensé de manière académique aux étudiants de Licence 3.   cled12_th39

Principe : le cours magistral est abandonné au profit d’une méthodologie innovante et 100% collaborative. Le module sous sa nouvelle forme est construit de manière à sortir les apprenants d’une certaine passivité en cours pour les mettre en situation active d’apprentissage et non plus en prise de notes.

Le changement de posture est bilatéral. D’une part, les étudiants passent d’une attitude de consommateurs à celle de constructeurs du contenu. Ils vont bâtir le cours eux-mêmes (do it yourself). D’autre part, l’enseignant passe de la production (préparation) et de la livraison (enseignement) du cours à la direction des opérations en participant activement à la construction du savoir (animation des séances et assemblage des chapitres) et à son évaluation. Cette nouvelle méthode pédagogique dépasse la « classe inversée », car les étudiants regroupés en équipe vont construire la totalité du cours. Ils ne se limitent pas à le travailler à la maison pour être ensuite évalués en classe. De plus, elle stimule le travail en groupe par une mise en compétition ludique (serious game). En effet, les chapitres en cours de construction seront classés par les étudiants eux-mêmes grâce à une méthode de vote pondéré qui établira le « Top 5 ».

Organisation : le travail en présentiel se fait dans une très grande salle afin de favoriser la coexistence de 6 équipes de 7 à 8 étudiants. Celles-ci sont constituées dès le début du semestre par l’enseignant en collaboration avec le responsable pédagogique de la promotion. Elles sont de niveau égal en termes de prérequis pour la matière, d’aptitudes à construire les chapitres du cours et à les transmettre aux autres pour une bonne compréhension. Le « casting » est un élément déterminant de cette pédagogie collaborative, car il est nécessaire de constituer des groupes ayant tous la même hétérogénéité, donc capables à hauteur égale de répondre aux attendus.

Les équipes fonctionnent de manière autonome pendant la totalité du module. Elles peuvent néanmoins interagir entre-elles, au fur et à mesure des exercices et des séances de travail. Les chapitres au nombre de 12 (soient 2 par équipe) sont élaborés par les étudiants eux-mêmes selon un protocole précis avec un livrable préétabli et calibré. Le travail attendu est à la fois collectif et individuel. Chaque étudiant doit participer avec son groupe à la construction de 2 chapitres et assimiler les 10 autres. Plus grande est la quantité de travail fournie en séance (donc en équipe), moins il y a de travail personnel à faire à la maison pour le compléter et plus le temps consacré à l’apprentissage des autres chapitres est important.   

Matériels et outils collaboratifs : cette nouvelle pédagogie est à 100% collaborative. Elle nécessite une salle avec 6 postes de travail amovibles, identiques (tables sur roulettes permettant d’aménager l’espace différemment, chaises et tabourets, postes informatiques fixes, paper-boards et post-its, tableaux mobiles avec feutres à encre délébile, matériel de projection, portables et tablettes des étudiants, un tableau interactif, Wi-Fi avec un très bon débit,…), pouvant accueillir chacun un groupe. Elle utilise un ensemble de plateformes et outils informatiques, mis à disposition des étudiants pendant le module (Google Groupes, Google Works, Google Drive, Facebook, Padlet, Moodle, Twitter,…) de manière à permettre aux étudiants de publier leurs travaux au fur et à mesure de leur production.

Déroulé d’une séance : en début de séance, les étudiants s’installent par groupe et prennent possession de leur matériel informatique (ordinateurs et tablettes, personnels et fournis par l’établissement). Le mode d’animation est libre dans chaque groupe, mais il leur sera « suggéré » de partager les rôles et responsabilités : recueil et tri des informations sur internet, consultation de document sur la bibliothèque numérique en réseau (BNR),  organisation du plan du chapitre en respectant les consignes, explications données par les meilleurs aux moins forts dans la matière (avec intervention de l’enseignant en cas de sollicitation par le groupe), vérification du respect des livrables (publication de la production sur la plateforme informatique),…

Chaque séance commence par une question ou un quizz qui a été préparé par l’enseignant. Chaque groupe dispose de 10 à 15 minutes pour y répondre et ceci de manière collective. Il est permis de se connecter pour répondre aux questions. Une note unique sera donnée à l’ensemble des étudiants (présents) du groupe.

Chaque groupe organise ensuite son travail de construction du chapitre commandé. Le premier chapitre, livré sous sa forme définitive, doit être terminé au bout de 5 séances (la sixième servant au professeur à combler les lacunes et corriger les erreurs). Pour le deuxième chapitre, ce sera pour la onzième séance. La douzième et dernière séance sera similaire à la sixième. Les 2 x 6 chapitres en cours de construction doivent être lus régulièrement (sur la plateforme collaborative) par les étudiants entre deux séances.       

Chaque séance de 2 heures est interrompue une ou deux fois 15 minutes pour un travail collectif. Il s’agit par exemple de faire une mise au point sur un point de connaissance fondamentale (exposé bref du professeur, questions-réponses,  méthode des tableaux tournants, mind-mapping,…) ou de répondre à des questions de manière collective.

En fin de séance, le travail produit par chaque groupe est publié sur la plateforme collaborative, même sous sa forme temporaire. Les étudiants peuvent s’organiser pendant la semaine, ensemble ou individuellement, pour le faire évoluer d’ici la séance suivante. Chaque étudiant peut ainsi lire l’avancé des chapitres construits par les autres groupes et préparer des questions pour la séance suivante.  

Serious game : un « Top 5 » est organisé par vote pondéré pour désigner les 5 meilleurs chapitres. Les modalités du vote sont définies en fonction de critères précis et par ordre d’importance : 1) Compréhension de ce qui est présenté (expliqué) dans le chapitre. Ce premier critère est fondamental, car le contenu du chapitre est aussi celui de l’examen final individuel et sans documents ; 2) Lisibilité de l’iconographie (schémas annotés, figures, photographies,…) ; 3) Coup de cœur.

Le vote est pondéré et obligatoire. Un tableau Excel est utilisé pour cela. Chaque étudiant dispose d’un pool de 5 points à répartir comme il le souhaite sur l’un des 3 critères (avec un maximum de 2 points par critère) et pour les chapitres de son choix (à l’exception de ceux de son groupe). Le « Top 3 » est publié en ligne par le professeur. Il peut évoluer d’une séance à l’autre, chaque étudiant pouvant déplacer son pool de 5 points quand il le souhaite d’un chapitre à l’autre. Un bonus est donné à la fin du module aux étudiants ayant conduit l’un de leur chapitres dans ce « Top 5 ».

Evaluation : le contrôle continu est consacré presqu’exclusivement au mode d’organisation de chaque groupe, au comportement et à l’implication de ses membres pendant les séances, au respect des livrables. Le contrôle des connaissances y est inclus de manière plus exceptionnelle. Ce contrôle se fait notamment par des interrogations posées à chaque groupe avec attente de réponse collective. Une seule note est donnée par groupe, mais avec un système de bonus (participatif) et malus (absence non justifiée, par exemple) permettant de moduler l’évaluation d’un étudiant à l’autre. Trois niveaux de notation sont mis en place : interpersonnelles (évaluation de la participation au groupe par les étudiants eux-mêmes), intergroupes (compréhension des chapitres produits par les autres), par l’enseignant (connaissances, comportement et participation, note donnée au chapitre,…). Les modalités d’examen restent inchangées, c’est à dire avec 100% de contrôle de connaissances, individuel et sous anonymat, pendant les sessions d’examen.

Durée des enseignements : le module est organisé au second semestre de Licence 3 en Sciences de la Vie. Il comprend 12 séances de 2 heures, du travail individuel à domicile, des productions sur la plateforme collaborative et des échanges par forum. Une réunion (1 heure) de présentation du module et de sa pédagogie est organisée en fin de premier semestre. La présence en cours est obligatoire car une partie importante de la note de contrôle continu est collective.

Vis-mon-cours : un regard critique est porté sur cette nouvelle pédagogie pendant toute la durée de son application, puis à la fin des enseignements. Il s’agit en l’occurrence de « Vis-mon-cours » (séances librement ouvertes pour observation aux collègues enseignants), partage de l’expérience en conseil scientifique du Laboratoire d’Innovation Pédagogique (LIP) ou dans la Communauté des explorateurs de l’« icl@coeur », évaluation obligatoire de l’enseignement par les étudiants en fin de semestre, analyse du niveau de réussite aux examens par rapport aux années précédentes

Les 12 chapitres à construire en un semestre sont : Les molécules d’ADN – Les molécules d’ARN – La réplication chez les Procaryotes – La réplication chez les Eucaryotes – Les mécanismes de réparation de l’ADN – La transcription chez les Procaryotes – La transcription chez les Eucaryotes – Le contrôle de la transcription chez les Procaryotes – Le contrôle de la transcription chez les Eucaryotes – La synthèse des ARN de transfert et des ARN ribosomiques (Eucaryotes et Procaryotes) – Les modifications post-transcriptionnelles des ARN messagers (Eucaryotes) – Le code génétique et la traduction.

Pièces constitutives du chapitre à produire : Titre – Auteurs – Résumé – Principes – Définitions – Paragraphes – Explications – Schémas annotés – Tableaux – Films et Animations – Bibliographie – Quizz à construire – Questions de cours.

L’expérience commence en janvier 2014 avec une présentation de la méthodologie aux étudiants le 27 novembre 2013. A suivre dans ce blog !

Pour toutes questions ou demande d’informations, merci de me contacter à : jean-charles.cailliez@univ-catholille.fr

Commentaires (19)

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  13. Pauline Dussart-Walocha

    Bonjour Jean-Charles,
    Je découvre à l’instant votre blog et trouve votre démarche très intéressante ! Moi qui suis en pleine réflexion pour une reconversion professionnelle vers l’enseignement je trouve cette pédagogie participative complètement intégrée dans la « vraie vie » actuelle. Avec une telle approche j’aurai peut-être davantage accroché à la biologie moléculaire 😉
    Bonne continuation et j’ai maintenant hâte de connaitre les résultats de l’interro DIY.
    A bientôt.
    Pauline (FLST 2003 – 2006)

    Répondre
    1. jean-charles-cailliez (Auteur de l'article)

      Merci Pauline, tu as mes coordonnées mail. On peut en reparler quand tu le souhaites… et même à Lille si tu y repasses. Cordialement, JC2

      Répondre
  14. Eric Lardinois

    Bonjour,

    Toutes mes félicitations pour cette initiative. Je suis curieux de suivre cette expérience !! En tant qu’enseignant (Umons – Faculté Polytechnique) je serais intéressé de mener une expérience similaire. Merci de m’informer.
    Je suis l’auteur de la phrase « Hub, hub, hub Hourra » … donc nous nous sommes déjà rencontrés 😉
    Moments magiques et pétillance
    Eric

    Répondre
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