Merci à Antoine TALY (Centre de Recherche Interdisciplinaire, Université de Paris Descartes) pour sa visite à Lille, jeudi 20 mars 2014, dans mon cours de Génétique moléculaire en « Do it Yourself » et à son regard avisé que vous pouvez lire ci-dessous :
Texte consultable sur le blog d’Antoine TALY : http://antoinetaly.wordpress.com/2014/03/25/pedagochti/
Aujourd’hui je voudrais rendre compte de la visite que j’ai faite la semaine dernière dans le cours de Jean-Charles Cailliez. Cette visite fait suite à la visite de Jean-Charles dans un de mes cours de biologie en L1 le mois dernier. Elle est destinée à observer ce cours en DIY et tenter d’en déterminer les ressorts pour pouvoir l’importer/adapter. Je dois dire que j’étais déjà enthousiaste avant même mon observation, comme en témoigne le cours de (bio)informatique débuté récemment en L2.
Comme je l’avais fait lors de la visite de la classe de Marc Berthou j’avais décidé de baser une partie de mon analyse sur la taxonomie de Bloom (voir par exemple cette image de Claire Marotine). Pour ce faire j’ai utilisé un tableau comme celui ci.
Le cours prends place dans les locaux de l’université catholique de Lille, dans une grande salle aménagée avec des tables mobiles. Deux événements sont programmés: un cours puis une séance de discussion/debriefing/conception avec les étudiants. La séance de cours (8h00-10h00) est construite autour des créations de contenu en DIY, adaptée avec deux temps forts, un temps de discussion en groupe puis le ‘tableau tournant’.
La séquence de questions/réponses se fait sur un mode similaire à ce que nous pratiquons dans nos cours de biologie. Trois des groupes de travail sont réunis autour d’une table. Comme je l’ai déjà observé plusieurs fois, le lancement est un peu difficile : qui va se lancer ?
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Après un temps de silence, arrive la première question. C’est une question très large. La première réponse est assez largement fausse, mais après deux interventions on arrive à une réponse satisfaisante, donnée par le premier intervenant qui a donc pu poursuivre sa réflexion grâce à l’apport de ses camarades.
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La deuxième question est au contraire très précise et porte sur un chapitre traité par un des groupes présents. Les regards se tournent là naturellement sur deux étudiantes de ce groupe. Sur cette question, l’expert légitime n’est donc plus l’enseignant mais un groupe d’étudiants qui a travaillé la question depuis plusieurs semaines. Plus tard un (autre) étudiant me confiera qu’il se sent expert sur le chapitre qu’il traite.
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La troisième question est une question piège (y a-t-il des modification post-transcriptionelles chez les procaryotes?). Elle amène des discussions, propositions et demande à être reformulée, étendue. La parole semble alors se débloquer chez certains. On retrouve le temps de latence observé à Paris. On peut aussi se demander si l’incertitude liée à une question ‘piège’ n’est pas libératrice ?
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La question suivante est intéressante parce que le prof ne connaît pas immédiatement la réponse, ce qu’il dit tout de suite. La parole se libère alors soudain. Il s’avérera ensuite que la difficulté viens principalement d’un terme mal traduit… mais quelle importance ? La réponse, elle, est venue des étudiants, légitimés par la posture de l’enseignant.
Les groupes rejoignent ensuite leur postes de travail en petits groupes. Je reprends -mentalement- ma table de Bloom pour analyser le travail des étudiants. Je m’attendais à voir le travail s’orienter des taches les plus simples (recherche, tri) vers les plus complexes. C’est le mode le plus classique même s’il n’est pas nécessairement le plus efficace. Ce que je vois est tout le contraire, la discussion -collégiale- porte d’abord sur l’équilibre général du chapitre, les parties à travailler en priorité, et, seulement après, les recherches/tri sont lancées de manière individuelle. On observe donc bien le potentiel d’une tache complexe, qui mobilise l’attention des étudiants d’abord sur les taches de création/évaluation; celles-ci traitées, la motivation ne manque pas pour exécuter les taches suivantes. Le tri mérite aussi une mention, il est d’abord réalisé de manière individuelle mais il est ensuite partagé avec les camarades, argumenté et validé !
Voila le temps du tableau tournant. Chaque groupe a une feuille et un feutre. La question est précise (un facteur clef semble t-il), les premières réponses fusent en 3-4 minutes. Il est déjà temps de passer la feuille au groupe voisin. Les résultats sont regroupés et discutés en groupes, complétés par l’enseignant (voir ci-dessous).
Comparaison des schémas présentés par les différents groupes à l’issue de la séance de ‘tableau tournant’.
Nous nous retrouvons à 12h30 pour une discussion informelle. Pour renforcer le coté informel, mais aussi pour motiver les étudiants, elle se fait autour de quelques pizzas. Je présente aux étudiants la façon dont sont organisés nos cours et leur explique ce que j’attends d’eux : des informations sur leur ressentit et des conseils pour inclure la méthode en DIY dans nos cours.
En partageant leur ressentit ils donnent déjà des indications utiles :
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un groupe devrait être plutôt petit (3 à 5)
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les séquences de début et fin sont très positives, mais il est important d’avoir un temps suffisamment long pour travailler de manière continue au coeur de la séance
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Le tableau tournant pourrait être fait avec des temps dégressifs le premier temps étant crucial.
Vient ensuite le temps pour les étudiants de proposer leur dispositif pour notre cours de l’an prochain. Les propositions sont riches et nombreuses. On voit ici, même si je ne les avaient pas identifiées plus tôt, leur maîtrise des taches meta-cognitives. Il va donc me falloir un peu de temps pour faire une synthèse et surtout avoir leur retour sur celle-ci avant de la partager dans un deuxième temps.