Texte téléchargeable en version PDF sur : ACIR à l’AIPU de Mons 2014
Lors du 28ème Congrès de l’Association Internationale de Pédagogie Universitaire (AIPU) qui s’est déroulé à Mons du 19 au 22 mai 2014 et dont le thème était : « Pédagogie universitaire, entre recherche et enseignement », un atelier participatif a été organisé par l’Ecole des Doctorants (ED2) et le Laboratoire d’Ingénierie Pédagogique (LIP) de l’Université Catholique de Lille en collaboration avec la Cellule PRODOC de l’Université de Namur. Le titre proposé par les auteurs pour cet atelier collaboratif était «Un atelier pour co-dessiner ses I&D». L’animation a été réalisée par Jean-Charles Cailliez (ED2-LIP, Lille), Louis-Etienne Dubois (ED2-LIP, Lille) et Murielle Guillaume (PRODOC, Namur) qui ont proposé aux participants la méthode de l’arbre à idée (mind-mapping) pour stimuler leur créativité. L’objectif était de définir les attentes spécifiques des jeunes chercheurs (doctorants, en particulier) et celles des entreprises en matière de collaboration, puis de construire les grandes lignes d’un protocole pouvant permettre à ces acteurs d’échanger sur les problématiques de développement et d’innovation des entreprises et de construire des propositions.
La présentation de l’atelier a été annoncée dans le programme du colloque par l’abstract suivant :
Nous vivons dans un monde en perpétuelle mutation et c’est une réalité. Cela se traduit tant dans le domaine de la production de biens et de services que dans celui de la production intellectuelle. Malgré cela, bon nombre d’acteurs du monde de l’enseignement, de la recherche et plus étonnamment de celui de l’économie n’ont pas pris la pleine mesure de la situation. Les entreprises et les institutions qui développent des modèles économiques sont particulièrement concernées. Elles ont besoin pour se développer, ou tout simplement pour survivre, d’innover en matière de recherche et de développement. Elles n’en ont malheureusement pas toujours, ni les moyens financiers, ni les ressources humaines. De leur côté, les équipes de recherche qui possèdent normalement les connaissances et compétences dont les entreprises auraient besoin, ont la tête rivée dans leur quotidien. Elles manquent cruellement de temps, quand ce n’est pas d’intérêt, pour les aider efficacement à innover. Aussi, une question se pose. Comment changer cela ? Comment impliquer par exemple les chercheurs, dont les jeunes docteurs et doctorants, dans une réflexion commune avec ces acteurs économiques de manière à les accompagner dans la création de projets innovants ou dans la résolution de problèmes ? Quand deux mondes ne parlent pas le même langage, ou ont des difficultés à le faire, comment les faire entrer en communication ? Comment instaurer entre eux le dialogue et la collaboration… jusqu’à la co-élaboration ?
Pour cela, des méthodes existent. Elles présentent la particularité d’être collaboratives, celles de pouvoir créer des conditions d’échange entre participants tout en respectant leurs différences. On parle d’ateliers de Codesign, c’est-à-dire des méthodes qui optimisent des phases de conception grâce à la configuration de lieux, à l’animation et à l’utilisation d’outils et d’exercices comme le Word-café, les six chapeaux de Bono, les cartes mentales, l’arbre à idées, le scénario catastrophe, le portrait en creux, la pioche créative, l’avocat de l’ange, l’« appris-surpris », le « back to the future », le vote pondéré, les métaplans et autres brainstormings… Utilisées sous forme de protocoles, elles se sont montrées efficaces dans plusieurs champs expérimentaux, mais peut-être pas encore assez dans celui de l’innovation recherche (I&D) où elles pourraient se substituer à la R&D en provoquant la co-innovation par transdisciplinarité plutôt que l’innovation par pluridisciplinarité. Du multi- au co-, il n’y aurait donc qu’un pas ?
L’Ecole des Doctorants (ED2) de l’Université Catholique de Lille et la cellule PRODOC de l’Université de Namur s’inscrivent clairement dans cette démarche. Il s’agit de deux institutions universitaires qui ont développé des méthodes d’aide, de suivi et de conseils aux doctorants dans la construction de leur projet professionnel en lien avec les écoles doctorales. Elles vous invitent à l’occasion du congrès 2014 de l’AIPU à participer activement à un atelier d’une durée de 3 heures qui permettra de co-dessiner le lieu et la méthodologie à suivre pour favoriser la rencontre entre jeunes chercheurs et entrepreneurs en quête d’innovation. Cet atelier vous permettra de solliciter à intensité égale vos capacités à raisonner et à créer en travaillant sous la forme d’une série d’exercices de créativité alternant périodes de divergence et de convergence. Cet atelier interactif permettra-t-il aux participants de stimuler leur esprit créatif au service de l’innovation et du développement ? A vous de voir…
QUELLES SONT LES ATTENTES DE L’ENTREPRISE ? L’arbre à idées a donné une dizaine d’attentes principales (reprises en gras dans la liste ci-dessous) pour les entreprises et dont le détail est inscrit entre parenthèse :
Innovation (services, gouvernance de l’entreprise avec outils, mode de gestion et critères de performance, produits, processus d’affaires, modèles d’affaires) – Cohésion (nouvelles idées, team building avec séminaires, culture d’entreprise : génération spontanée, entretien, construction, machine à café avec cohésion sociale, changement : rupture, évolution progressive, conduite du changement, vision commune : outils et processus) – Spin-off – Synergie (compromis, conflits : personnels, services pour les usagers, services pour les clients, services pour les collaborateurs de l’entreprise elle-même, partenariats avec les entreprises publiques ou privées, partenariat avec les associations, collaborateurs : intra- et extra-, compétences, coûts, compétiteurs) – Créer un département ou un service R&D : crédit impôt-recherche (CIR), bourses CIFRE (France), FIRST (Belgique), MITACS (Québec) – Augmenter le potentiel créatif de l’entreprise (actualisation des compétences et des connaissances, possibilité de crédits impôts-recherche, faire tomber les tabous concernant la créativité, self-efficacity : capitaliser sur les idées des employés, impliquer les employés, gratuité de l’implication, valorisation de l’implication, moyens qui maintiennent l’implication, informations sur cette implication, solliciter les employés : initiatives des employés, initiatives mixtes, initiatives des cadres supérieurs, former aux techniques de créativité : outils) – Différenciation par rapport aux concurrents – Rentabilité (nouveaux produits/offres, nouveaux débouchés pour produits actuels : nouveaux marchés, revenir sur les anciens produits, limiter la gamme de produits, optimisation des processus : réduction des dépenses, nouveaux clients/marchés) – Money (valorisation des actifs, investissement en recherche, rentabilité, non-marchand : bon citoyen, sans but lucratif, réduction des coûts) – Visibilité (réseaux, média sociaux, cartes de visites, relations publiques, publicité, image, community manager, équipe « créa » : interne, externe, web) – Recrutement (nouveaux profils, cadres, personnel : entretien, administratif, part-time, chercheurs, nouveaux clients : testeurs α et β)
QUELLES SONT LES ATTENTES DES DOCTORANTS ? L’arbre à idées a donné une dizaine d’attentes principales (reprises en gras dans la liste ci-dessous) pour les doctorants (et chercheurs en général) et dont le développement est inscrit entre parenthèse :
Expertise (problématiques, méthodes, maintenir à jour) – Découverte du monde de l’entreprise (découverte des professionnels, découverte du monde du travail, indentification des métiers, identification de la culture d’entreprise) – (Se) connecter (aux autres, au web, café, se connecter à la réalité de la demande : identifier ses compétences, nommer ses compétences, vendre ses compétences, se connecter aux problèmes les plus pressants) – Nouvelles pédagogies (interaction avec les autres) – Sécurité (cadre contraignant, isolé, pas d’interaction) – Créativité collaborative – Sabbatique (découverte) – Rigueur (autonomie, souplesse, transmission de son approche) – Sortir (de son isolement : réseaux sociaux, associations, sortir du laboratoire : post-doc extérieur au labo, s’oxygéner) – Professionnalisation (tenir compte du temps, planifier, communiquer, tenir compte des attentes, vulgariser) – Terrains de recherche (data) – Visibilité (conférences, débouchés : un travail après les études, outils : carte de visite, curriculum vitae, portefeuille de compétences, obtenir des contrats avec les entreprises : recherche appliquée, web : réseaux sociaux, blog, Tweeter, Facebook, e-réputation, vendre des livres) – Aides financières (bourses de thèse, appui pour projets d’envergure) – Esprit réflexif (veille réflexive) – Insertion professionnelle (accompagnement : lettres de recommandation, mentorat, coaching, combiner recherche/entreprise, projection) – Sécurité d’emploi (fonction publique, indépendant, secteur privé) – Notoriété (ego : publications, blog, reconnaissance, mécénat) – Networking (Facebook, Twitter, LinkedIn, Viadeo, 2.0, face-à-face).
ATTENTES ET APPORTS MAJEURS DES DEUX CAMPS. Les échanges entre les participants de l’atelier, pendant la discussion qui a suivi la production des idées, ont permis de cibler les attentes principales des deux profils et leurs apports potentiels à un ACIR.
Pour les chercheurs, on retiendra comme attentes principales : une meilleure connaissance de l’entreprise, les potentialités d’emploi dans un métier permettant une activité de recherche, la découverte de la culture d’entreprise, la recherche de terrains d’application ou de collectes de données pour leur activité de recherche… et comme apports majeurs : leur expertise et leurs méthodes.
Pour les entreprises, on retiendra (en interne) la recherche d’un sentiment d’efficacité personnelle et (en externe) la recherche de nouveaux marchés,… et comme apport majeur : un terrain d’expérimentation pour les chercheurs.
PROPOSITION D’IDEES POUR LA CONSTRUCTION DE PROTOCOLES D’ACIR. Dans la dernière partie de l’atelier, les participants ont proposé des idées d’exercices ou d’animations pouvant être intégrés à un protocole d’atelier collaboratif qui mélangeraient ces chercheurs et entrepreneurs. En voici quelques exemples :
Le casting idéal : le bon nombre de participant pour un ACIR a été estimé à 20-25 personnes, dont 4 à 5 cadres au moins faisant partie de l’entreprise, par exemple des cadres, des techniciens (opérationnels), des usagers (clients), des partenaires et des fournisseurs,… En ce qui concerne les chercheurs, on a pensé à des doctorants, docteurs, techniciens de recherche,… de domaines scientifiques très différents (des sciences et technologies aux sciences humaines et sociales).
Icebreaking : En matière d’échauffement et pour « rompre la glace », de très courts exercices de créativités s’avèrent efficaces. Par exemple, écrire son CV en une seule phrase d’exactement 6 mots, choisir un titre de film ou d’ouvrage pour se décrire, choisir un personnage célèbre réel ou imaginaire pour se décrire, imaginer un objet inutile réel ou inventé, toujours pour se décrire.
Quelles sont vos attentes ? Exercice très simple à faire individuellement ou en équipe. Il s’agit de demander aux participants quelles sont leurs attentes par rapport à l’ACIR (les attentes des chercheurs et les attentes des entreprises) ? Pourquoi sont-ils venus participer à l’atelier ? Que sont-ils en mesure d’apporter à la problématique ? On pourrait imaginer de situer ces attentes (lors d’un futur et réel ACIR) par rapport à celles qui émergent de l’atelier du 19 avril (AIPU, Mons 2014).
Quelle idée avez-vous des autres ? Demander à chacun des deux camps (chercheurs et entrepreneurs) quelle représentation il se fait de l’autre ? Utiliser la méthode du « mur qui parle ». Les post-its servent dans un premier temps à recueillir les idées individuelles. Celles-ci sont ensuite regroupées par famille (cluster) sur un mur ou un tableau. Dans cet exercice, l’objectif est de casser les stéréotypes pour faciliter ensuite les échanges et la coopération mutuelle.
S’il te plait, dessine-moi un blason ! En travaillant en sous-groupes (mixtes) de chercheurs et d’entrepreneurs, on demande aux participants de l’ACIR de dessiner un blason à quatre zones (rubriques) dans lesquelles on retrouve une symbolique. On peut faire le même exercice en demandant simplement de dessiner un logo (forme d’expression plus libre que celle du blason). Un pitch de 5 à 10 minutes permet ensuite à chaque groupe de présenter son blason ou logo en l’explicitant. Réaction avec les autres…
« Remue-méninges » : Une vidéo est visionnée dans un premier temps par l’ensemble des participants. Il s’agit par exemple d’un format de type TED. On organise dans l’heure qui suit un « remue-méninge » pour recueillir les réactions des personnes. Cela peut se faire de manière individuelle ou par groupe avec une méthodologie de partage de paroles, ou par des méthodes de cartes heuristiques. Un exemple de vidéo peut être celle de Tim BROWN dans laquelle il présente l’efficacité de méthodes de créativité et ce que l’on peut en faire. A voir sur le lien suivant pour s’en faire une idée : http://www.ted.com/talks/tim_brown_on_creativity_and_play#t-29842
Test de « l’œuf cru qui tombe du dixième étage » : on demande aux participants de donner le plus de solutions possible à la question qui est : comment faire pour empêcher qu’il se casse ? Le maximum de solutions est porté à 2 ou 3 de manière à bien les définir. Dans les tests qui ont déjà été faits, on a remarqué que près de 90% des solutions proposées étaient : un amortissement de la chute, une protection de l’œuf, un ralentissement de la chute de l’œuf par un parachute. Plutôt des clichés.
Les autres et dernières propositions ont fait état d’approches paradoxales (exercices ludiques et efficaces) et d’auto-évaluations portées sur une échelle de créativité que l’on refait à la fin de l’ACIR.
D’autres propositions ont aussi permis d’imaginer de passer « du Design au CO » et non plus simplement « du CO au Design ». Dans ce cas, le livrable n’est plus une solution ou un projet, mais du lien entre les participants à partir d’une activité collaborative, soit du team-building. Ce fût par exemple :
Brainstorming (remue-méninges) sur l’activité de l’entreprise. On se penche sur les enjeux et la problématique de l’entreprise avec des groupes mélangeant les chercheurs et les entrepreneurs (cadres et membres de l’entreprise). On peut utiliser la technique des « dossiers tournants ». On peut faire cela de manière libre ou en utilisant par exemple la méthode des 6 chapeaux de Bono.
Les femmes et les enfants d’abord ! On fait travailler les groupes sur une thématique (ce qui est un prétexte, en réalité). Puis, on lance un mot d’ordre : « Votre entreprise prend feu,… elle brûle ! Que doit-on sauver en priorité ? Que faites-vous ? L’analyse des réactions est ensuite travaillée avec des méthodes variées.
Guidage sensoriel : On travaille par paire (binôme) de participants dans cet exercice. Chacun doit guider l’autre vers un objet (ou dans une direction) qu’il a choisi ou repéré dans l’espace. C’est un exercice qui est sensé augmenter le niveau de confiance entre les personnes qui le pratiquent.
Décrivez votre client type. Puis, imaginez un client avec un besoin « inattendu ». Que faîtes-vous ?
Dans les mois à venir, des ACIR vont être organisés par l’ED2 avec des entreprises et des doctorants sur des problématiques d’innovation en lien avec la recherche. Ils tiendront compte, lors de la construction de leurs protocoles, de ces idées produites à Mons et pourront ainsi les évaluer. A suivre donc dans de prochains articles…
Notes de Jean-Charles Cailliez, 15 juin 2014
Un nouvelle démarche passionnante rapportée sur ce blog. J’aimeras être une petite souris pour assister à une prochaine édition….