Les MOOCs (Massive Online Open Courses) n’échappent plus à la pédagogie inversée. Pour preuve, l’expérience pilote menée récemment par Allison SALISBURY[1] au Davidson College, une université américaine de Caroline du Nord, qui a utilisé une plateforme collaborative pour une expérience de 10 semaines en MOOC inversé. Cette enseignante qui s’était engagée depuis un an et demi dans la création de MOOCs classiques (c’est-à-dire avec mise à disposition pour les étudiants des cours sur la plateforme) a tenté d’inverser cette méthodologie d’enseignement à distance en transformant la plateforme en outil d’enquête et de production de connaissances.
A partir d’une question générale (How might parents in low income communities ensure children thrive in their first five years?[2]) donnée à de petits groupes d’étudiants devant se focaliser pour y répondre sur la ville de Charlotte, le MOOC inversé a été construit en 3 temps :
i) une phase de recherche pendant laquelle les étudiants sont « sortis de la classe » pour interroger des habitants de la ville ayant été confrontés à la problématique soulevée par la question posée. Ils ont appris à mener des interviews avec des groupes de parents, d’autres parties prenantes, des experts et des spécialistes en innovation et ils ont fait en parallèle de la recherche bibliographique sur le sujet. Toutes les informations recueillies ont été publiées et partagées sur la plateforme en peer-to-peer de manière à ce que les étudiants puissent réagir, commenter et même voter pour celles qu’ils trouvaient les plus pertinentes. La communauté d’étudiants a ainsi créé de manière collective et en quelques semaines une collection de ressources devenant le matériau de base pour la suite du cours ;
ii) une phase d’idéation pendant laquelle les étudiants ont construit un questionnement spécifique sur ce qu’ils avaient découvert à propos de cette problématique dans la ville de Charlotte. Pour cela, ils ont continué à utiliser la plateforme de manière collaborative. En réponse aux questions collectivement formulées, ils ont cherché à trouver des idées nouvelles (créatives) pour trouver des solutions adaptées aux problèmes rencontrés par la situation soulevée dans la question de départ. Tout cela a été partagé sur la plateforme en ligne de manière à être collectivement discuté, puis redéfini de manière plus travaillée ;
iii) une phase de prototypage pendant laquelle les étudiants ont transformé leurs meilleures idées en « modèles physiques » avec des propositions d’actions. Ils ont utilisé pour cela des outils numériques qui leur ont permis de construire des maquettes. Ils ont ensuite organisé des sessions avec des parties prenantes de l’étude de manière à challenger leurs maquettes, ceci dans un processus itératif permettant de faire évoluer leurs propositions d’actions. Ils ont ainsi appris à recevoir des critiques, à discuter, argumenter et revoir leurs propositions en fonction des réactions et des contraintes.
Une évaluation sans contrôle de connaissances. La phase de recherche de cette méthode de MOOC inversé a permis aux étudiants de construire ensemble le contenu du cours, puis de le discuter de manière à en produire des propositions d’actions, soit une façon de passer de la théorie à la pratique. D’après leur enseignante qui a piloté l’expérience, il leur a surtout permis d’apprendre à analyser une situation avec des problèmes réels et à essayer de la comprendre dans toute sa complexité. Lors de la phase d’idéation, ils ont appris à tenter de bâtir des propositions de solutions pour les confronter ensuite à la réalité. Le processus créatif et son enrichissement par l’utilisation de la plateforme collaborative a été une expérience innovante qui leur a permis d’imaginer ensemble des propositions d’actions. Lors de la phase de prototypage enfin, les étudiants ont appris à essuyer des revers, à accepter les critiques, à retravailler ensemble leurs propositions pour les rendre plus intéressantes, voire réalisables. De manière générale, cette méthode innovante de MOOC inversé a permis d’évaluer le travail des étudiants sans leur faire de contrôle de connaissances, sans leur demander de ne savoir finalement que comprendre une situation pour savoir l’expliquer ensuite au correcteur qui vous fera passer un examen.
Comme le démontre l’expérience d’Allison SALISBURY au Davidson College, les MOOCs qui sont aujourd’hui surtout reconnus dans leur contribution à la démocratisation de l’éducation, peuvent franchir une nouvelle étape s’ils sont construits parfois de manière « non académique ». En s’inspirant des méthodes de pédagogie inversée, plutôt faites en classe, les MOOCs peuvent devenir des facilitateurs efficaces du travail collaboratif en réseaux pouvant à la fois construire de la connaissance et en tirer des applications concrètes. Une idée à creuser très certainement en s’inspirant de cette expérimentation !
[1] Allison Dulin SALISBURY. (2015). The inverse MOOC. Inside Higher Ed: Davidson Pilots ‘Inverse MOOC’. http://www.davidson.edu/news/news-stories/150319-davidson-pilots-inverse-mooc
[2] Comment des parents appartenant à des communautés à faible revenu peuvent contribuer au développement de leurs enfants pendant leurs cinq premières années ?
A l’heure où les centres de formations privés jusqu’aux Universités publiques sont encore au magistrale ennuyeux et inefficaces, ce genre d’initiatives innovantes est à féliciter et à mettre en avant, pour qu’elles se déploient aussi chez nous, en France (pays un peu trop réac enmatière de pédagogie).
Merci Jean-Charles pour ce billet très intéressant ! Tu m’as d’ailleurs inspiré un billet que je publierai sur mon blog la semaine prochaine, et je t’en remercie !
Pingback: When Academics re-discover inductive learning… That’s for the best! |